Chapitre 37

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À la maison, j'hésitai. Avais-je le temps de préparer à manger avant qu'elle arrive ? Je pris le risque de lancer le cuiseur de riz et de sortir mes brocolis pour les tailler et les plaçai dans le cuiseur vapeur quand je vis des phares passer par les fenêtres du salon, indiquant qu'on s'était garé près de mon allée. Je me lavai les mains avec des gestes vifs, avant de les essuyer sur mon jean. Impatient et inquiet, je me précipitai presque sur la porte d'entrée, l'ouvrant à la volée.

Quand je l'aperçus, mon angoisse s'intensifia. Elle leva des yeux embués vers les miens et, aussitôt, des larmes coulèrent sur ses joues pâles, tordant mon ventre de désespoir. Je la laissai entrer et la débarrassai d'une boîte qu'elle tenait à la main et je l'enlaçai enfin, avec force. Ses sanglots se coincèrent dans sa gorge et je sentis son souffle, chaud et saccadé, à travers les mailles de mon pull. Les lèvres serrées, le crâne lourd, je me retrouvais incapable de dire quoi que ce soit. Ce fût elle qui brisa le silence.

— Ça va, lâcha-t-elle dans un murmure. Ça va, je vais bien.

Je n'y croyais évidemment pas et relâchai mon étreinte, avant de lever son visage vers le mien. Son teint était trop pâle, ses lèvres tremblaient légèrement et ses yeux embués brisaient mon cœur. Elle se dressa sur la pointe des pieds, visiblement désireuse de retrouver mes lèvres et je me baissai pour l'embrasser avec douceur.

Aussitôt, je la sentis changer de posture, d'humeur. Elle se débarrassa de son manteau d'un geste, tandis que je glissai ma main sur ses reins, l'emprisonnant contre moi, et sans que je comprenne comment elle s'était débrouillée, elle retira ses bottes, perdant quelques centimètres. J'eus un sourire contre ses lèvres, quand elle s'affola un peu plus, cherchant ma langue de la sienne, haletant du même coup. Mon corps réagit instinctivement, le sang se mit à battre à mes oreilles. Lorsque je sentis ses mains fraîches glisser sur ma peau, sous mon pull, je retins un grognement tandis qu'un frisson me secouait.

Je bouillais d'impatience, j'avais envie de la dévorer toute entière et, dans cet empressement, je me rappelai le moment, son rendez-vous, son état psychologique. Je me redressai, quittant ses lèvres, relâchant mon étreinte, mais elle s'agrippa plus à moi, nouant ses mains derrière ma nuque. Sur la pointe des pieds, elle tenta d'atteindre à nouveau ma bouche. Ses joues roses me firent déglutir et je cédai, la goûtant de ma langue, me délectant de son odeur, de son toucher. Ma raison me rattrapa, gênée par le barreau dans mon pantalon.

— Doucement, ma belle, soufflai-je contre ses lèvres.

— Non.

Son grognement me fit froncer les sourcils et quand je la sentis frémir entre mes bras, je la relâchai lentement, éloignant son corps du mien. Elle ne frissonnait pas, elle tremblait réellement. Le teint toujours pâle, vaguement coloré de rose sur ses joues, elle avait l'air perdue et je m'insultai de ne pas l'avoir vu avant. Sa mâchoire tressauta et mon ventre se tordit en constatant son émoi. Je ne remarquai même plus ses mains qui s'étaient à nouveau glissées sous mon pull, caressant ma peau.

— Eva, tu es en état de choc ? l'interrompis-je sérieusement.

Ses larmes ruisselèrent aussitôt sur ses joues et elle se colla à moi, attirant furieusement mon visage vers le sien. Ses yeux esquivèrent le mien et stupéfait, je ne pus que subir l'assaut de ses lèvres, tandis que mon cerveau essayait de traiter l'information. Son corps entier tremblait et, alarmé, tous mes poils se hérissèrent.

— Fais-moi oublier, je t'en prie, chuchota-t-elle, des trémolos dans la voix.

Mon cerveau crama littéralement et mon corps prit le relai. Ses lèvres sur les miennes, nos langues se retrouvèrent, jouèrent, dansèrent. Plus rien ne commandait, sinon mes instincts. Un long frisson dévala ma colonne vertébrale et je la soulevai soudain de terre, sans quitter sa bouche. Ses jambes enroulées autour de mon bassin, son intimité si proche de la mienne, le seul neurone disponible tira sa révérence et j'emmenai Eva dans ma chambre, l'allongeant sur le lit avec délicatesse.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant