Une dignité incommensurable

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Nohlan sort les jambes du brancard et s'aide de son bras gauche pour se redresser. Le professeur lui donne un coup de main en se plaçant contre son bras droit pour servir d'appuie avec son corps. Il parvient à se relever, et le professeur s'éloigne doucement quand il sent que le jeune homme se stabilise plus ou moins droit avec son torse. Le visage crispé, Nohlan s'efforce de ne pas grimacer même si la douleur est bel et bien présente. Les blessures se font ressentir et il le sait le moindre mouvement pourrait le faire chuter au sol. Il se tient droit et incline simplement la tête poliment en guise de remerciements.

Face à lui, Lucie, Keiji et Sohan sont conscients que ce simple geste de gratitude demande des efforts considérables à Nohlan et qu'il tient à la fois à exprimer de la sorte une dignité incommensurable.

Lucie sourit avant d'indiquer à Sohan d'un mouvement de la main qu'il peut rejoindre et répondre à son fils. Il s'avança devant lui et lui murmura à l'oreille gauche:

—Je suis si fier de toi mon fils...

Nohlan ne s'attendait pas à ça il est pris de court par les sentiments et reste muet pendant que cette phrase fait écho dans sa tête, en effet c'est important pour lui de faire honneur à son père. Sohan n'a aucun mal à remarquer que son fils a du mal à tenir l'équilibre et qu'il souffre, sans plus attendre il se rapprocha d'avantage de lui et tout en plaçant sa main droite doucement mais fermement derrière le dos du jeune homme pour combler sa faiblesse et lui apporter un sentiment de sécurité avant de lui dire:

Rallonge-toi. Tu as besoin de repos et tu l'as bien mérité...

Nohlan sent que sa douleur est atténuée d'un seul coup par le soutien exercé par la main de son père dans son dos, il ressent plus de facilité pour se replacer dans le lit et est accompagné par Sohan dans ses mouvements.

Il sait que ce dernier a toujours eu une force immense alors il ne s'étonne pas que celui-ci puisse aisément d'une main ferme, fortifier son corps. Forcé de constater l'état dans lequel il se trouve, Nohlan finit par exprimé son ressenti avec tristesse :

Père, je suis désolé...

—Puis-je savoir de quoi es-tu désolé ? lui demanda-t-il

—Je ne veux pas... Je refuse d'être assisté pour effectuer des gestes aussi simples que ceux de ma vie quotidienne...

Très bien, j'entends, mais ta motricité est réduite par les douleurs et de ce fait tu ne peux pas non plus compter sur ta force musculaire, alors je t'écoute que propose-tu comme solution le temps que tu ailles mieux ?

Nohlan a le cœur qui palpite et s'agite lorsqu'il s'imagine un instant devoir compter sur quelqu'un d'autre que lui-même pour pouvoir effectuer des gestes qu'il a appris à faire de façon autonome dès son plus jeune âge. Il tente de se maitriser en veillant aux mots et au ton qu'il emploi devant son père mais il tient à faire comprendre son refus et le motif de celui-ci.

Ma seule option est-elle celle d'être dépendant des autres Père? Demander de l'aide pour m'installer aux toilettes ? Attendre la disponibilité de quelqu'un pour qu'on m'enlève et me remette un futal ? C'est ça l'image que je donnerais à notre nom aux yeux du monde? Hors de question, ne me demande pas l'impossible, moi vivant, jamais il n'en sera ainsi, alors il vaut mieux que je me remette vite sur pieds, c'est ça ma seule option, il n'y a qu'ainsi que je pourrais faire face.

Je sais ce que tu ressens... C'est quand on en a le plus besoin d'aide qu'on a le plus de mal à l'accepter, et un jour quelqu'un m'a dit « le sentiment que l'homme supporte le plus difficilement est la pitié, surtout quand il la mérite». Ce sentiment de faiblesse ou d'échec est pour certains d'entre nous un aveu trop douloureux n'est-ce pas ? Répondit Sohan calmement.

La force des liensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant