La force des liens

chap 2

Lucie, soucieuse de l'issue du combat, confronte Ivan avec une charge émotionnelle intense :

— Tu as mis en péril tout notre peuple par ton arrogance, Ivan ! Tu n'as pas la stature pour prétendre au trône. En déclarant la guerre à Sohan, tu détruis les efforts de mon père, c'est tout ce que je vois ! s'exclame Lucie, son désarroi palpable.

—Le roi Victor aurait-il pardonné à Sohan ton asservissement ? Vu ce que tu as enduré sous son joug, j'en doute.

—Combien de temps encore va-t-on me rabâcher cette histoire ? Laisse-moi éclaircir la situation. En dépit de cette brulure sur mon dos, serais-tu surpris si je te disais que les quelques cicatrices qu'il me reste encore gravées sur ma peau ne sont pas liées à ses injonctions ? Et même si elles l'étaient, cela ne te concerne pas. Je t'interdis d'utiliser cela comme une excuse pour justifier tes propres intentions néfastes. Si tu voulais affronter Sohan, tu n'avais cas le faire, en ton seul nom, avec honneur !

Face à la colère royale, Ivan ne recule pas, mais répond avec un ton déterminé.

— Hum... C'était bien trop tentant de découvrir la tête qu'il ferait en apprenant son histoire. Je peux également le faire avec lui, menace-t-il, jetant un regard pénétrant à Mathis.

—Je t'ai déjà demandé de laisser Mathis en dehors de tout ça ! insiste Lucie.

—Comment expliques-tu qu'il soit assis sur ce trône, alors que c'est nous qui avons permis à sa race d'évoluer ainsi ? ricane Ivan avec nervosité.

—De quoi parles-tu ? demande Mathis, intrigué.

—Si tu es capable de penser, de réfléchir, et même de tenir debout, c'est grâce à nous ! déclare Ivan, les yeux brillants d'une conviction intense.

—Ah oui ? Je serais curieux de découvrir ta théorie.

—Oh ça n'a rien d'une théorie. Te rappelles-tu des cinq dieux dont parlais Djak avec le roi Victor ?

Mathis, les bras croisés, acquiesce sobrement, incitant Ivan à poursuivre.

— Il y a vingt mille ans, votre humanité Terrienne n'était guère plus qu'une troupe de primates balbutiants. Puis, d'un coup, vous avez transcendé, forgeant la parole, l'écriture, érigeant des civilisations. Et cela ne te laisse pas perplexe ?

—Où veux-tu en venir ?

—Sur les cinq continents de votre monde, presque simultanément, vous avez commencé à croire, à vénérer ce que vous prenez pour des dieux ! Tes ancêtres ont gravé dans la pierre ce qu'ils ont vu : des êtres capables de voler, de réaliser des combats aériens et bien d'autres choses qui vous impressionnent encore aujourd'hui. Et tout ça aux côtés de leurs dirigeants dotés des mêmes ailes que celles de Lucie quand elle atteint son apogée. Etrange coïncidence n'est ce pas ? Il y a six mille ans, en Inde, les Terriens ont été témoins d'un phénomène qu'ils n'ont su expliquer autrement que par une explosion nucléaire, mais ce n'était rien d'autre que des batailles acharnées opposant ceux qui menaçaient votre planète aux Cérèsiens qui la protégeaient ! Les dieux que vous vénérez ne sont que des Cérèsiens, venus sur Terre pour guider votre évolution, pour faire de vous un peuple un peu plus... éclairé ! Cinq Cérèsiens, pour cinq continents, cinq divinités distinctes qui sont les pionniers de votre univers !

Mathis reste stoïque, écoutant le jeune homme sans l'interrompre.

— Tu vois maintenant pourquoi ce trône ne devrait pas t'appartenir ? continue Ivan. Sans notre intervention, tu ne serais rien d'autre qu'un stupide primate. Les Cérèsiens ne devraient jamais s'incliner devant toi, ils sont bien au-dessus de cela !

Mathis répond calmement :

—Eh bien, pour des abrutis, je trouve que les Terriens ont réalisé des prouesses, notamment dans le domaine médical ! Je te rappelle que de nombreux "primates" ont joué un rôle crucial dans la libération de ton peuple. Et si tes dieux prônant la paix étaient ici, je doute qu'ils toléreraient cette arrogance envers moi !

— Nous sommes tout simplement plus complexes à étudier, et nous n'avons pas consacré nos recherches à ce domaine, mais notre technologie est incomparable. Il vous a fallu des années pour envoyer une poignée de personnes sur cette lune, cette sphère blanche stérile où vous ne pouvez même pas vivre. Pendant ce temps, nous pouvons déplacer toute une population d'une planète à une autre en un clin d'œil.

— Ça suffit, Ivan, intervient le doyen. Si les Terriens ont pu évoluer grâce à nous, de notre côté c'est grâce à leur évolution que nous avons survécu, accepte cette réalité.

Ivan serre les poings, tandis que le doyen ajoute :

— D'ailleurs puisque tu te réfères aux règles d'antan, sache que le roi Victor a proclamé une loi stipulant que toute personne possédant le fluide Cérèsien doit être respectée en tant que telle, sans distinction. C'est le cas du roi Mathis. Nous lui devons respect et obéissance.

—Ce primate manipule un fluide Cérèsien ? Ça aussi, ça ne peut être que l'un des notre qui le lui a permis !

—En fait, oui, c'est exact, affirme Mathis. L'un des meilleurs Cérèsiens pour être plus précis. Sohan m'a transmis ce fluide, et pendant ce combat qui nous opposera, je me battrais en son nom !

— Désolé d'apprendre cela ! ricane Ivan. C'est une raison de plus pour que tu ne puisses pas gagner ce combat, je vous vaincrai tous les deux ensemble.

—C'est ce que nous verrons !

Les deux combattants prêts à en découdre se font face devant le majestueux palais, transformant son entrée en une arène improvisée. Sous leurs pieds, Le sol rugueux porte les stigmates des affrontements antérieurs, chaque craquelure et chaque empreinte révélant l'âpre lutte qui s'est déroulée ici-même contre Sohan. Par endroits, des ruines éparpillées rappellent les défis surmontés précédemment.

Ivan concentre son énergie alors que le roi attend sereinement, les yeux fermés. Au dessus de leurs têtes, le ciel embrasé par les derniers rayons du soleil projette des teintes éclatantes, illuminant leurs visages. Le public retient son souffle, impatient de découvrir ce que le roi est capable de faire.

Après avoir chargé son énergie, Ivan se jette sur le roi sans hésitation, déterminé à lui administrer de puissants coups.

Au moment de l'impact, le roi reste immobile, les yeux toujours fermés puis, comme un éclair dans l'obscurité, il disparaît et réapparaît derrière Ivan, esquivant le coup avec une aisance déconcertante.

— La force brute que tu maîtrises ne te suffira pas, ricane Mathis, dévoilant un sourire narquois. Il te faudra bien plus de vitesse si tu espères avoir une chance.

Ivan intensifie ses attaques, frappant avec une rapidité croissante, mais chaque coup est repoussé avec une aisance déconcertante par le roi, qui danse autour de lui tel un spectre insaisissable. Chaque mouvement d'Ivan est imprégné de sa fureur grandissante, ses muscles tendus comme des cordes sur un arc, tandis que ses cheveux bruns, rasés sur les côtés mais libres et indomptables sur le dessus, balayent son visage au rythme de ses mouvements.

— Tu ne fais que fuir ! crache Ivan, essoufflé par l'échec de ses attaques. Tu es rapide, mais cela ne te mènera pas à la victoire !

—Toi non plus à cette allure ! réplique Mathis, son rire empreint de moquerie résonnant dans l'arène.

—Attends tu vas voir si je suis lent ! hurle Ivan avant de lancer une série d'enchaînements fulgurants. Chacun de ses coups est porteur de sa colère et de sa frustration, déchirant l'air avec une force destructrice.

Les coups esquivés par Mathis finissent par frapper les bâtiments environnants, les réduisant en poussière et en ruines. Un nuage de débris s'élève, obscurcissant la visibilité dans l'arène. Quand le calme revient, les spectateurs voient Mathis se tenir debout, imperturbable, les bras croisés, prêt à en découdre, tandis qu'Ivan, visiblement blessé, est à genoux, sa main serrant son ventre.

Malgré la douleur et les blessures, Ivan refusant de perdre, se relève avec une détermination féroce, ses yeux sombres brûlant d'une flamme inextinguible.

Pendant ce temps, Sohan, entouré du professeur Hank, reprend enfin connaissance.