Chapitre 126

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A peine avais-je regagné la salle de bal que Logan me fit signe de le rejoindre. Après l'avoir vu danser avec Estelle j'avais pensé qu'il passerait le reste de la soirée à ces côtés, mais je me trompais.

- Je commençais à croire que tu étais partie, chuchota-t-il.

- Ne dis pas de sottises, souriais-je en acceptant son bras.

Il me guida jusqu'au parquet pour une autre danse.

- J'étais en pleine discussion avec Lucas.

Je le senti se tendre et j'eus l'impression qu'il cherchait ses mots.

- Est-ce que ça va ?

- Oui, fis-je légèrement surprise. Je pense que j'avais besoin de cette conversation pour tourner définitivement la page avec lui.

- Je suis content pour toi dans ce cas, dit-il en me rendant mon sourire.

C'était vrai. Je me sentais tellement plus légère après cette conversation. J'avais beau avoir continué mon chemin, toute cette histoire avec Lucas m'avait suivi et je n'avais pas su m'en libérer, parce que je ne le pouvais simplement pas seule. Nous avions été deux dans cette relation et il avait fallu être deux pour en venir définitivement à bout. J'étais cependant troublée et je ne me sentais pas en mesure de donner plus de details à Logan pour le moment, aussi je changeais de sujet.

- Je suis également contente pour toi.

Il leva un sourcil perplexe.

- Je t'ai vu danser avec Estelle, précisais-je.

Il eut un petit rire en me faisant pivoter.

- Il n'y a rien d'exceptionnel à cela.

- Si je ne m'abuse vous n'aviez pas dansé en public depuis un certain temps.

- En effet.

- Pour les fins observateurs qui peuplent la Cour royale, cela suppose qu'elle est désormais l'une de tes prétendantes.

- Tout comme toi, fit-il justement remarquer.

J'émis un petit rire à mon tour.

- Touché !

- D'aucun pourrait penser que tu as fait cela toute ta vie, rit-il.

- Quoi donc ?

- La vie à la Cour, les potins, les plans politiques.

- Je commence à m'y faire, fis-je avec un haussement d'épaules. Et tes cousins sont d'excellents professeurs !

- Je le confirme !

- Et Estelle ? demandais-je, décidé à ne rien lâcher.

- C'est un premier pas mais rien de plus. Elle sera effectivement considérée comme une prétendante, mais tout ceci est officieux, il n'y a pas de liste ou de registre officiel, mai je ne t'apprends rien...

Il balaya l'assemblée du regard en dansant doucement. Je suivais ses mouvements et l'observais sans rien ajouter.

- Pour être honnête, je n'ai pas la moindre idée de ce qu'elle peut bien penser, reprit il finalement. J'ai échangé quelques cordialités avec ses parents mais nous ne sommes pas vraiment parlé lorsque nous dansions, ce n'était ni le lieu ni le moment pour cela. Et quand bien même aurions-nous réussi à avoir un peu d'intimité pour discuter sérieusement, que m'aurait-elle dit ? Qu'elle souhaite m'épouser ?

- Logan, je...

Je m'interrompis, stupéfaite. N'était-ce pas ce qu'il voulait ? Je l'avais toujours supposé sans jamais penser qu'il pouvait aspirer à autre chose. Il m'avait toujours semblé si investi dans son rôle de futur roi que cela m'avait semblé évident. Il devait se marier avant ses 21 ans ou trouver une faille juridique pour être couronné. Nous avions lamentablement échoué pour ce qui était de trouver une faille et il avait été clair sur le fait qu'il ferait le nécessaire pour monter sur le trône, c'est-à-dire se marier. Et quoi de mieux qu'un mariage avec celle dont il était clairement amoureux ?

- Elle.. Elle n'a pas 18 ans. J'en ai tout juste 20.

Il jetait des coups d'œil en tout sens et je pouvais entendre son souffle accélérer.

- J'ai tout juste 20 ans Ann, 20 ans. Et on attend de moi que je me marie. Suis-je... prêt pour une chose pareille ? Est-ce... Est-ce même ce que je désire ?

Il avait à peine prononcé ses mots mais je les avais entendu très clairement.

Je levais les yeux vers son visage. Il affichait une mine décomposée et sa respiration était saccadée. Je pouvais voir la crise de panique arriver. J'analysais rapidement notre situation. Nous ne pouvions pas quitter la piste de danse au milieu d'une chanson, tout le monde assisterait à son départ et se poserait des questions. Il était constamment scruté, je le savais bien. Il fallait qu'il se calme et nous pourrions nous éclipser après cette danse.

Je lui chuchotais de prendre de grandes inspirations et tentais de lui presser le bras pour lui rappeler que je le soutenais. Il continuais à sauver les apparences en se balançant d'une jambe sur l'autre mais ne parvenait pas à reprendre son souffle. Je plaçais alors ma main sur sa nuque pour le forcer à me regarder. Je brisais le protocole, j'en avais parfaitement conscience, mais j'étais pour ainsi dire désespérée. Ses yeux se verrouillèrent finalement aux miens, j'entrepris de faire de longues respirations aussi discrètement que possible et il parvint à m'imiter efficacement.

Quand la chanson se termina sa main était toujours solidement attachée à mon poignet et il ne me lâcha pas lorsque je le conduisis loin de la foule.

Une fois au calme dans le couloir de l'infirmerie il s'arrêta net. Je hélais Aurore qui le conduisit à son bureau et lui tendit un verre d'eau.

Je savais qu'il n'y avait pas grand chose à faire en cas de crise de panique, rien que la médecine ou l'infirmière du palais ne puisse faire, mais le calme qu'offrait ce lieu ne pouvait que lui être bénéfique s'il pouvait en profiter pendant quelques minutes avant de retourner à l'agitation .

Je m'assied près de lui sur le canapé et il posa sa tête sur moi, les jupons de ma robe lui servant de coussin. J'hésitais un instant avant de poser ma main sur sa tête. Il ferma les yeux ce qui m'incita à lui caresser les cheveux. Je le vis sourire doucement et mon cœur se serra lorsqu'une larme glissa sur sa joue. Il avait l'air d'un petit garçon sans défense. Un petit garçon en manque d'affection. En manque d'une famille ! me criait mon cœur.

J'essuyais sa joue de ma main libre et il la prit dans la sienne sans un mot. Ce simple geste sembla l'aider à se détendre. Il devait se sentir tellement seul. Et je le comprenais, il était orphelin lui aussi, il avait grandi entouré de centaine de personnes mais sans parents.

Je déposais un baiser au sommet de son crâne et lui chuchotais quelques mots que j'avais moi-même rêvé d'entendre dans des moments pareils.

"Tout ira bien. Je suis là."

GraceBlackeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant