GraceBlacke

Chapitre 101

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" Oh bonsoir votre Altesse ! Quel plaisir de vous compter parmi nous "

Le jeune homme aux cheveux bruns s'inclina prestement en terminant sa phrase.

Il m'avait interrompu. J'étais sur le point de tout dire à Logan, de lui avouer que j'avais non seulement rencontré Nathanaël au bal, mais que je l'avais également embrassé. J'attendais le moment parfait pour le lui dire et ce moment était enfin arrivé, mais ce courtisan venait de me couper l'herbe sous le pied. Je le fusillais du regard mais il ne s'en préoccupait pas, trop occupé à faire la discussion à "son Altesse".

En réalité ce n'était pas bien grave. Je devais seulement dire à Logan que son meilleur ami me plaisait, plus que je ne voulais bien l'admettre, et que je l'avais embrassé lors d'une soirée masquée. Rien de plus, rien de bien grave. Alors pourquoi étais-je si anxieuse à l'idée de lui dire ? Ou pire, à l'idée qu'il l'apprenne par quelqu'un d'autre que moi ? J'appréhendais sa réaction, parce que je ne savais moi-même pas où j'en étais. Il était évident qu'il fallait que je lui en parle, mais ce ne serait pas ce soir.

- Vous souvenez-vous de ma sœur cadette ? continuait le courtisan. Approche Claire, fit-il à l'attention d'une jeune fille qui exécuta une révérence parfaite.

- Oui Tristan, je me souviens d'elle ! J'admets ne pas vous avoir vu depuis bien longtemps, mais je me souviens de vous deux.

- Excusez-moi, je ...

- Excusez-le votre Altesse, le coupa sa sœur en battant des cils de manière tout à fait exagérée. Joignez-vous donc à nous, nous nous apprêtions à prendre un verre, proposa-t-elle ensuite en m'ignorant. 

J'étais surprise du manque de savoir-vivre dont elle faisait preuve. Je me tenais à seulement quelques pas de Logan, moins d'un demi-mètre, mais elle ne m'avait pas adressé un seul regard. J'assistais à la scène sans un mot, attendant la suite. 

- Avec plaisir. Mais laissez-moi d'abord vous présenter Lady Annie.

Ils se tournèrent tous vers moi, vraiment tous, tous les courtisans à portée de voix qui l'avaient entendu. Je fus décontenancée pendant une micro seconde, surprise de voir tous ses yeux posés sur moi. Puis mon regard croisa celui de Logan, qui me sourit et me tendit la main. Je lui rendis son sourire, avant de poser ma main dans sa paume, d'avancer d'un pas ou deux et de réaliser une révérence plus élégante encore que celle de Claire.

Le profond silence s'étendit à toute la galerie. Quand je relevais la tête toutes les personnes présentent dans la Galerie nous épiaient.

"Mesdames et Messieurs, Lady Annie" dit Logan d'une voix forte en arborant un magnifique sourire.

Je m'efforçais de faire de même mais je risquais de me liquéfier dans la seconde. Une fois de plus, il sembla ressentir mon désarroi et posa ma main sur son avant-bras, dans le pli de son coude. Il m'avait imperceptiblement rapproché de lui si bien que, accrochée de la sorte à son bras, je ne risquais pas de le perdre dans le bain de foule qui nous attendait.

- Prête ? murmura-t-il à mon attention.

- Je te suis, assurais-je en souriant.

Il avança de quelques pas au centre de la Galerie et la foule des courtisans sembla se fendre devant lui pour lui dégager le passage. J'avançais à son rythme, l'observant avec admiration. Il était d'une élégance à couper le souffle et saluait les personnes présentes par leur prénom ou leur adressait un signe de tête. Chacun le saluait en retour mais, alors que nous traversions cet immense couloir, aucun d'entre eux ne tenta de l'accaparer.

Une fois à la moitié de la Galerie, il m'entraîna vers une double porte qui dissimulait une salle plongée dans la pénombre. Des lumières éclairaient le comptoir du bar et les nombreuses petites tables dispersées dans la pièce. Il demanda 4 cocktails du chef au serveur le plus proche et fit signe à Tristan et Claire de nous rejoindre.

- Et les autres ? Demandais-je.

- Ils sauront où nous trouver quand ils comprendront que nous ne les rejoindrons pas. Et puis mes cousins et Nate adorent venir ici avant de sortir, ils avaient sûrement prévu d'y passer. Ils ne devraient plus tarder.

Je n'avais pas tout compris mais il avait raison. Après un petit quart d'heure de discussion avec Tristan et sa sœur, le bras de Hayden s'enroula par surprise autour de mes épaules, me faisant presque lâcher mon verre. Son rire cristallin retenti face à ma réaction.

- Désolée ! Hum qu'est-ce que tu bois ?

- Un cocktail du chef ! J'ignore de quoi il s'agit mais c'est délicieux.

- Je te crois sans problème, assura-t-elle en refusant d'y goûter, à la surprise générale.

- Je vais plutôt prendre quelque chose de soft, j'ai peut-être un peu abusé du vin au dîner, dit-elle en appelant un serveur.

Étrangement, je ne me souvenais pas l'avoir vu boire de l'alcool pendant le dîner. Je me fis cette remarque en réalisant que je l'avais perdu de vue. Je me concentrais de nouveau sur le petit groupe, qui me proposait déjà un second verre.

- Heu non merci. En fait, je ne devrais pas tarder à rentrer à l'Institut.

- On est samedi soir Annie, tu ne peux pas déjà partir, insista Sean.

- Je ne ...

- Ne t'en fais pas, me coupa Logan. C'est juste un verre, tout ira bien.

Ce n'était pas juste un verre.

Peut-être n'en avait-il pas conscience, mais ce rassemblement suivait bel et bien des codes. Je n'avais jamais rencontré de courtisans mais ceux-ci me semblaient particulièrement jeunes et je devinais qu'il s'agissait en grande partie d'enfant de courtisans. Sean m'avait expliqué qu'une aile du palais était réservée aux courtisans, qui y vivaient en famille, mais qu'ils n'avaient pas accès au reste du château puisqu'ils ne pouvaient pas aller au-delà de la Galerie royale. De nombreux jeunes de notre âge dont les parents faisaient partie de la Cour vivaient donc au château. Et ils se réunissaient tous les samedis soir là où chacun se devait d'être vu : la Galerie. 

Logan était évidemment le centre d'attention. De ce que j'avais compris sa présence était exceptionnelle, car assez rare. Alors tous voulaient lui parler, lui voler quelques instants, lui arracher quelques mots, mais ce n'était pas possible pour tout le monde. Seul le cercle le plus proche, ceux assis avec lui, pouvait lui parler sans paraître insistant, sans le déranger.

J'observais les faits et gestes des uns et des autres. C'était ma première soirée du genre et j'étais curieuse de comprendre la dynamique de ce type d'événement. En regardant Logan interagir avec toutes ses personnes je décelais quelque chose de différent: il appréciait la vie à la Cour, peu importe ce qu'il affirmait, il était comme un poisson dans l'eau. Bien sûr, j'avais conscience que tout cela faisait partie de son quotidien, mais je comprenais pour la première fois que si je voulais rester proche de lui je devais m'habituer à ce mode de vie, à son mode de vie. C'était inévitable.