GraceBlacke

Chapitre 133

J'avais encore fait ce rêve. Celui où je suis enfermée dans un endroit sombre alors que quelqu'un fouille la pièce voisine. J'avais fini par comprendre que cela arrivait plus souvent lorsque j'étais perturbée, anxieuse, stressée. Un peu chamboulée. Et c'était le cas. Depuis maintenant deux jours je ne cessais de penser aux mots de Jessica, ils résonnaient encore en moi et m'avaient touché bien plus que je ne voulais l'admettre. Ils m'avaient même secoué. "Il serait tant que tu grandisses un peu, Annie. Il ne s'agit pas de ce que tu souhaites, mais de ce que le peuple et la couronne demandent."

J'étais en constant désaccord avec elle et je ne l'appréciais pas du tout, c'est vrai, mais je savais reconnaître quand quelqu'un avait raison, et c'était malheureusement son cas. Logan était une personnalité publique et pour faire partie de son entourage il fallait accepter cette exposition. Mais l'affection que je lui portais, ainsi qu'à ses cousins, était sincère alors je ne regrettais pas de m'être rapprochée d'eux malgré la pression de ce package "famille royale" qui pouvait s'avérer lourd à porter. J'avais accepté tout cela mais ce n'était pas la seule raison de mon trouble, loin de là. Je n'avais toujours eu aucun retour de Robert Crawford concernant les recherches sur ma famille. Sa femme et lui m'avaient dit qu'il était possible que ma famille ait travaillé au palais royal en voyant ma broche et il s'était engagé à se renseigner sur le sujet mais rien depuis. Il s'agissait certainement d'une autre impasse qui me pousserait à tout reprendre à zéro. 

Je me questionnais d'ailleurs sur les Crawford, j'adorais Estelle et sa famille mais apprendre que son père était à la tête d'une faction secrète de la Garde me rendait frileuse. Je ne savais pas encore quoi en penser et Daniel Riverson m'avait affirmer pouvoir lui faire confiance mais je ne pouvais m'empêcher d'être sur la réserve. Et les mystères qui entouraient cela ne m'aidaient pas y voir clair, pas plus que les énigmes et autre poème que laissait Daniel dans son sillage. A cela s'ajoutait le rendez-vous secret de Logan avec les parlementaires qui se tenait ce matin. J'avais effectivement  de bien bonnes raisons d'être perturbée.

Il faisait encore sombre mais je regardais au travers la fenêtre contre laquelle ma tête reposait. J'apercevais brièvement les arbres qui défilaient alors que les feux du convoi les éclairaient. Un service de sécurité important était toujours nécessaire lorsqu'un membre de la royauté voyageait mais pour plus de discrétions nous nous déplacions dans des voitures banalisées, sans signe diplomatique apparent, si bien que personne ne pouvait savoir qui nous étions en apercevant les véhicules.

J'écoutais d'une oreille distraite Nathanaël énumérer les éléments importants de la prise de parole de Logan devant le Parlement, Hayden et Sean acquiesçant à intervalle régulier. Aucun d'entre nous n'était enjoué à l'idée que ce soit lui, l'héritier du trône, qui se déplace jusque Paris mais lui pensait que cela jouerait en sa faveur, comme une preuve de bonne foi. Il allait donc rencontrer officieusement les députés, sans en informer la presse, leur confirmer qu'il se plierait à son obligation de noces afin d'être couronné pour son vingt-et-unième anniversaire et faire état de la situation avec eux quant au choix de la future souveraine de GraceBlacke.

C'était la partie la plus difficile à accepter pour moi. Mais pour moi seule. Hayden, Sean et Nathanaël comprenaient tous la nécessité d'interagir avec le Parlement sur la question puisque ce mariage était de fait une affaire d'Etat. Contrairement à moi ils avaient tous grandi avec l'éventualité de devoir un jour faire un mariage politique et de faire passer le devoir avant tout, et de ce que j'avais compris lors de ma récente conversation avec Nate, il s'agissait bel et bien de leur réalité. 

Je le sentais d'ailleurs un peu distant depuis cette fameuse conversation. Je n'avais pourtant pas insisté lorsqu'il avait évité ma question. Il m'avait assuré vouloir se concentrer sur Logan qui devait se confronter aux députés mais je pouvais sentir que quelque chose d'autre se tramait. Je suppose que c'était notre lot à tous, j'étais moi-même bien occupée par mes propres questions.