Chapitre 66 | Le bal 6.

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Quelques secondes s'écoulèrent dans le plus grand des silences avant que l'une d'entre nous ne fasse le moindre geste. C'est finalement Audrey qui réagit en premier:

- Est-ce qu'ils ont verrouillé la porte? Est-ce qu'on vient de se faire enfermer?

- Je crois bien oui, soufflais-je à mon tour.

Estelle ralluma la lumière et s'approcha de la porte alors que nous nous relevions.

- C'est fermé, confirma-t-elle en observant la serrure sous différents angles.

- Qu'est-ce qu'on fait alors? demandais-je, légèrement angoissée. On appelle à l'aide?

- Pour qu'on nous trouve ici ? Et sans aucune autorisation. Non.

- On peut essayer de sortir par la fenêtre, proposa Audrey en regardant dehors. On est seulement au premier étage, c'est faisable.

- Peut-être, mais pas en robe de soirée et escarpins... contestais-je.

- Oui, c'est vrai.

- Vous pensez que ce genre de chose s'est déjà produit? Qu'une personne du palais se retrouve enfermé ici? demanda Estelle.

- Je ne suis pas sûre que ce soit le bon moment pour s'intéresser aux anecdotes concernant le palais, fis-je remarquer.

- Ce que je veux dire c'est que si c'est déjà arriver, ils ont sûrement pensé à une solution pour sortir. La serrure semble s'ouvrir des deux côtés, alors il y a peut-être une clé quelque part.

- Ça vaut le coup d'essayer, fit Audrey en ouvrant plusieurs tiroirs.

Estelle se chargea des étagères, s'éloignant peu à peu de l'entrée alors que j'inspectais chaque pot à crayon et chaque vase à ma portée, trouvant une multitude de trombones colorés mais aucune clé. J'entendis alors un bruit de serrure et fis aussitôt face à la porte sans savoir que faire d'autre. Je lançais un coup d'œil paniqué à Audrey mais cela ne m'aida pas, ne sachant pas où se mettre la pauvre fit un tour sur elle-même! Prises par surprise, nous n'avions pas bougé d'un poil si bien que nous fixions la porte, parfaitement immobile, lorsqu'elle s'ouvrit.

C'est un garde royal, reconnaissable par son uniforme noir et bordeaux, qui ouvrit la porte. Il s'arrêta et écarquilla les yeux en nous apercevant face à lui, en robe de bal. A cet instant une seule chose me traversa l'esprit: "Prises la main dans le sac, nous sommes dans de beau draps!"

A ma grande surprise, il ne sonna pas d'alerte et ne prévint pas ses collègues. A la place il s'avança vers nous et demanda d'un air amusé:

- Est-ce que je peux savoir ce que vous faites ici Mesdemoiselles? N'êtes-vous pas censé patienter bien gentiment pour rencontrer le Prince?

Je m'apprêtais à répondre, ou du moins à inventer une excuse qui n'aurait probablement pas été crédible, quand la voix d'Estelle, hors de vue jusque-là, retenti.

- Elles sont avec moi, dit-elle simplement en remontant l'allée dans laquelle elle se trouvait.

- Estelle? fit le garde en se tournant vers elle.

- Bonsoir James, sourit-elle. C'est bon de te revoir.

- Qu'est-ce qu... Que fais-tu là? souffla-t-il.

- Il se trouve que tes collègues ont verrouillé la porte et que nous nous sommes retrouvés enfermés...

- Ne joue pas à la plus maligne. Que fais-tu ici, au palais?

- Quelle question, j'assiste au bal!

- Si quelqu'un te...

- C'est un bal masqué, le coupa-t-elle, ne t'en fais pas pour ça.

- Tes parents ?

- Non.

- Et tes frères?

- Non plus...

J'assistais à leur discussion, perplexe. Quelque chose m'échappait mais j'étais incapable de mettre le doigt dessus. Ils se connaissaient, c'était évident, mais cela n'avait rien d'étonnant compte tenu du fait que la mère d'Estelle avait travaillé au Palais. Mais il y avait autre chose. Ils parlaient mais ce qu'ils disaient n'avait aucun sens pour moi, alors qu'ils se comprenaient parfaitement. Je me tournais vers Audrey mais celle-ci semblait tout aussi troublée que moi. Elle secoua imperceptiblement la tête pour me faire entendre qu'elle ne savait pas non plus ce qui se passait.

Le jeune homme hocha la tête à l'intention d'Estelle, marquant son accord puis s'adressa à nous toutes.

- Bon je vais vous faire une faveur et ne pas avertir mes supérieurs, mais ne me faites pas regretter cette décision. Je vous laisse deux minutes pour remettre ce que vous avez déplacé en place et sortir d'ici. Je vous attends devant pour verrouiller la porte.

Il sortit et Estelle nous rejoignit rapidement.

- Qu... tenta Audrey.

- Pas maintenant, éludât-elle avant de reprendre en chuchotant. On ne peut pas emporter le livre alors remettez-le à sa place.

- Mais on n'a pas eu le temps de le feuilleter... protestais-je.

- Je sais, mais heureusement tu es amie avec notre bien aimé Prince.

- D'accord, je lui demanderais...

- ... ce soir, me coupa-t-elle.

- Ce soir?

- Le plus tôt sera le mieux.

- Très bien. Qu'est-ce que je dois lui dire?

- Que tu as entendu dire que la bibliothèque du Palais est très complète et que comme tu as des recherches à faire tu aimerais y avoir accès, m'exposa Audrey. Tu trouveras quoi lui dire. Mais en aucun cas tu ne dois lui révéler que nous y sommes entré.

- Très bien, allons-y.

Audrey rangea le livre après avoir noté son nom sur un papier qu'elle glissa dans sa pochette avant de nous rejoindre dans le couloir. Là, le garde ferma la porte à clé et nous libéra.

- Allons voir le Prince alors! fit Audrey d'un ton faussement enjoué.

- Oui enfin, je ne vais pas vous accompagner cette fois-ci. Je, heu... j'y suis déjà allée avant de vous retrouver. Et je ne veux pas être la fille tellement désespérée qu'elle fait la queue deux fois.

- Heu, d'accord...

- Je vais discuter un peu avec James et en profiter pour rattraper un peu le temps perdu, on ne s'est pas vue depuis longtemps, se justifia-t-elle.

- Ne t'en fais pas, souriais-je. Profites dont de la soirée, on te retrouvera plus tard.

Ils nous raccompagnèrent de peur que nous nous perdions dans les dédales de couloirs puis s'assirent près du vestiaire pour discuter. De retour dans le hall, Audrey réajusta les mèches de mes cheveux et défroissa ma robe.

- Mais qu'est-ce que tu fais? riais-je

- Je fais en sorte que tu obtiennes une danse avec le Prince, fit-elle avec un sourire moqueur. Comme si tu en avais besoin pour lui parler! rit-elle. Mais on va faire ça dans les règles, on va faire la queue comme toutes les autres pour pouvoir lui présenter nos hommages et ensuite tu feras en sorte de nous obtenir ce livre!

- Très bien, comme tu voudras, soufflais-je en la poussant devant moi. Et merci de m'aider à faire tout ça.

- Ce n'est vraiment rien, répondit-elle avec une petite révérence très élégante.

Je l'imitais et elle hocha la tête d'un air satisfait avant de m'entraîner dans la salle de bal.

GraceBlackeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant