GraceBlacke

Chapitre 124

... jusqu'àce que tu débarques à Kalisk et chamboules mon monde.

- Comment ça ?

- Tu n'as absolument pas la moindre idée de l'impact que ton arrivée a eu sur moi. J'étais peu sûr de moi et j'ai agi comme un imbécile avec toi. J'ai tenté de faire bonne figure tout du long mais j'avais l'impression d'essuyer une tempête. J'étais submergé par une forte nostalgie, et beaucoup de culpabilité. Le simple fait de te revoir m'a fait reconsidérer tous les choix que j'avais fait.

- Je t'assure que ce n'était pas mon but.

- Je le sais parfaitement. Mais peut-être était-ce le rappel à l'ordre dont j'avais besoin. La situation entre Nina, Johann et moi a commencé à se tendre peu de temps avant ton arrivée et tu as plus ou moins assisté à l'apparition des premières failles. D'après ce que j'ai compris tu as eu le droit à un mauvais coup de la part de Nina.

- En effet, dis-je en me souvenant qu'elle m'avait volé mes vêtements à la sortie des douches et m'avait frappé au visage. Si Johann n'avait pas été là ce jour-là les choses auraient été particulièrement gênante, humiliantes même.

- Je suis désolé que tu aies été entrainé là-dedans.

- J'ai fini par comprendre qu'elle s'est sentie menacée en voyant que je commençais à m'entendre avec Johann. Ça n'avait rien à voir avec vôtre histoire.

- Je ne crois pas qu'elle se serait sentie menacée si les choses n'étaient pas déjà si tendues. Je ne sais pas comment nous avons tenus aussi longtemps, mais après ton départ le tout s'est vite effrité. Johann partageait son temps entre moi et Nina. Je me sentais coupable de m'être imposé ainsi entre elles deux et en même temps je ne pouvais m'empêcher de vouloir être auprès d'elle.

- Alors tu es tombé amoureux d'elle, hein ?

- Je crois bien que oui ! Qui l'eut cru ? rit-il.

Mon cœur se serra un peu. Pas parce qu'il en aimait désormais une autre, mais parce que son rire m'avait manqué, il m'avait manqué. Je réalisais aussi qu'il avait raté tout un tas d'évènements dont j'aurais voulu lui parler à l'instant où ils s'étaient produits. Mon ami Lucas m'avait manqué.

- Comment est-ce ? demandais-je finalement.

- Différent, sourit-il. Je crois que toi et moi on avait une certaine vision l'un de l'autre. Je te voyais comme cette fille parfaite, belle, intelligente, sans défaut. Et je pense que tu me voyais un peu de la même façon. C'était certainement naïf de notre part, parce que personne n'est jamais parfait. Avec Johann c'est différent. J'ai le sentiment qu'elle me voit tel que je suis réellement, avec mes défauts et mes craquelures et qu'elle m'aime malgré cela, tel que je suis. C'est tout ce que je te souhaite Annie, de rencontrer une personne qui ne te jugera pas pour tes erreurs et n'essaiera pas de te modeler mais t'appréciera à ta juste valeur.

- C'est également tout le bien que je te souhaite Lucas, souriais-je en lui pressant doucement la main. Et ensuite ?

- Ensuite ? rit-il. Ensuite j'ai réalisé que la jalousie me consumait doucement. Je me demandais s'il y avait une chance qu'elle me préfère à Nina, qu'elle finisse par me choisir, parce qu'après tout quand il n'y avait qu'elle et moi nous étions sincères l'un envers l'autre, du moins c'est que je croyais. Cette possibilité me trottait constamment dans un coin de la tête, et d'autant plus quand le Général a commencé à aborder notre futur commun, les différents scénarios envisageables pour les mois et années suivants. J'avais signé pour cela, je savais ce que rôle impliquerait mais j'ai pris conscience de ma situation, et j'ai compris que je ne pourrais pas tenir beaucoup plus longtemps dans ces conditions. Alors, n'y tenant plus, je lui ai demandé ce qu'elle ferait si elle devait choisir entre moi et Nina.

Je laissais échapper un cri de surprise et Lucas eut un petit rire.

- Elle m'a dit que c'était un choix impossible, annonça-t-il alors que j'écarquillais les yeux. Elle a admis qu'elle avait développé des sentiments fort à mon égard mais qu'elle aimait aussi Nina, et qu'elle ne pouvait pas choisir l'un d'entre nous. Etrangement, la première pensée que j'ai eue a de nouveau été pour toi. J'avais l'impression de t'entendre me dire que je ne pourrais jamais être vraiment heureux en faisant semblant. Ma petite voix de la sagesse, sourit-il. Alors je lui ai dit ce que je ressentais, je lui ai tout dit. Je ne supportais plus cette situation mais elle ne pouvait se résoudre à faire un choix, alors l'ai fait pour elle, et je suis parti.

- Comment ça parti ? fis-je, perdue.

- Je n'arrivais plus à faire semblant Ann, et pire, je ne me reconnaissais plus ! J'espérais qu'elle me choisirait mais elle en était incapable, je ne savais pas quoi faire. J'ai tourné la situation en tous sens, le résultat restait le même. Elle ne pouvait pas choisir, je ne pouvais plus la partager avec Nina et finalement c'était moi l'intru qui s'était imposé, alors il m'a semblé évident que c'était à moi de m'évincer. J'ai exposé la situation au Général qui, mécontent, m'a prévenu qu'il me renverrait à la case départ...

- La Garde, soufflais-je, prenant conscience de la situation.

- Exactement. Il pensait que ça me ferait reculer, mais il avait tort. Johann non plus ne m'a pas cru, mais j'ai quitté l'Institut la même semaine et me suis engagé aussitôt dans la Garde sous le nom de Lucas, sans grade de la Région sud de la Seigneurie française.

- Vraiment ?

- Vraiment, confirma-t-il avec un nouveau sourire. Tant qu'à retourner à la case départ, autant le faire correctement, non ?

- Ça a dû plaire au Général c'est sûr ! riais-je. Oh mais attends, tu assistes vraiment au bal avec la famille Dinler ?

- Hum, hum, acquiesa-t-il.

- Eh bien qu'attends-tu ? Racontes-moi ce qui s'est vraiment passé !

- Mais j'ai réellement intégré la Garde, rit-il. Johann a rapidement tenté de me contacter, et pendant des semaines, mais j'ai choisi de ne pas lui répondre. C'était plus simple ainsi. Je commençais une nouvelle aventure dont elle ne faisait pas partie et je savais que rester amis m'empêcherait de passer à autre chose, me donnerait de faux espoirs. J'ai failli céder à plusieurs reprises mais j'ai tenu bon. Et puis un jour je l'ai aperçu sur ma base...