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L'aube pâle perçait à peine les rideaux de la chambre lorsque Shearazad ouvrit les yeux pour la première fois depuis sa mort. Assise sur le lit, recroquevillée sous des draps imbibés de sang, elle ne savait pas vraiment si elle était heureuse d'être revenue. Le poids du sacrifice résonnait en elle, silencieux et douloureux, comme une ombre qui la hantait.

Le sang de Maeridia était partout, tachant le lit, les draps, ses propres mains. Elle fixait ce liquide écarlate, comme figée dans le temps, incapable de bouger ou de parler. La scène se superposait à celle de son passé, à ce souvenir funeste de la nuit où elle avait perdu son premier enfant. Les mêmes draps, le même sang, la même douleur qui lui transperçait l'âme.

Mais cette fois-ci, c'était différent. Elle était en vie. Mais à quel prix ?

Shearazad ne ressentait ni soulagement ni joie d'avoir été ramenée. Elle n'était plus que l'ombre de la femme qu'elle avait été. Le poids du sacrifice pesait lourd sur elle, et elle se demandait si sa vie en valait vraiment la peine. Elle ne parvenait même pas à pleurer. La douleur était trop grande pour être exprimée, trop profonde pour des larmes.

Depuis qu'elle avait ouvert les yeux, pas un mot n'avait franchi ses lèvres. Elle restait silencieuse, presque absente, comme si une partie d'elle était encore perdue dans l'au-delà. Son regard vide fixait le vide, incapable de se confronter à la réalité de ce qu'elle avait sacrifié pour être là.

Aemond l'avait choisie, elle, au-dessus de tout, au-dessus même de leur propre chair et sang. Le sacrifice de Maeridia, leur enfant, pour ramener Shearazad à la vie, était une décision qui défiait toute logique, toute morale. Pourtant, il l'avait fait sans hésitation. Mais en revenant du néant, Shearazad ne ressentait rien d'autre qu'un vide abyssal, une absence d'émotions qui la laissait déconnectée du monde, comme une coquille vide.

Elle était là, debout, vivante, mais à quel prix ? L'amour, la joie, même la douleur, toutes ces émotions humaines semblaient l'avoir quittée. Le souffle de la vie parcourait son corps, mais son cœur, lui, semblait s'être éteint dans l'obscurité. Elle ne pouvait plus pleurer, ni aimer, ni même haïr. Le sang qui avait coulé, celui de sa propre fille, était désormais la seule chose qui occupait ses pensées. Un sang qui lui rappelait cruellement le prix de son retour, un prix trop élevé pour qu'elle puisse l'accepter pleinement.

Elle fixait la scène devant elle, comme figée dans le temps. Le sang versé, les choix impossibles, la douleur inéluctable. Le cycle infernal de la souffrance ne la quittait pas, l'enveloppant comme un manteau lourd et oppressant. C'était un cauchemar éveillé dont elle ne pouvait s'échapper. Chaque battement de son cœur la ramenait à cette réalité, chaque respiration l'ancrait dans cette vie qu'elle ne voulait plus. Elle avait été ressuscitée, mais pour quoi ? Pour revivre encore et encore cette agonie qu'était la perte ?

La vieille dame, celle qui avait facilité cet acte de nécromancie, avait disparu. Elle était partie comme un spectre, laissant dans son sillage une scène de désolation. Près du lit de Maeridia, Aemond et Shearazad se tenaient dans ce silence lourd. Une vie pour une vie. Le principe était simple, brutal, irrévocable. Maeridia, leur enfant, n'était plus. Le choix avait été fait, un choix qu'Aemond avait pris, sans aucun doute ni regret. Il avait prouvé son amour pour elle, de la manière la plus perverse et la plus douloureuse qui soit.

Et ce qui effrayait le plus Shearazad dans tout cela, c'était la froide certitude qu'elle aurait fait exactement le même choix. Si les rôles avaient été inversés, elle aurait sacrifié leur fille pour lui, sans hésiter. C'était cela qui la terrifiait. Elle et Aemond étaient des reflets parfaits l'un de l'autre, des miroirs brisés, renvoyant l'image déformée de leurs obsessions mutuelles. Leur amour, au lieu de les sauver, les avait condamnés. Ce n'était pas une union de bonheur ou de lumière, mais un lien sombre, destructeur, forgé dans la souffrance et le sacrifice.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant