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Le feu avait consumé le corps sans vie de Maeridia. Les flammes léchaient le ciel, transformant le chagrin en cendres. Pourtant, Shearazad ne ressentait rien. Elle observait le spectacle sans vraiment le voir, comme si elle assistait à une scène gravée dans un rêve ancien, une vision trouble qui ne parvenait pas à la toucher. Elle avait l'impression d'avoir déjà vécu ce moment, mais cette fois-ci, tout semblait différent. Il n'y avait ni larmes, ni cris, ni ces émotions déchirantes qui avaient autrefois ébranlé son âme. Juste... du vide. Un silence intérieur, profond, implacable.

Elle avait marché pendant des heures, peut-être des jours. Ses pieds nus traînaient sur le sable humide de la plage d'Harrenhal, cet endroit où la terre et la mer se rencontraient sous un ciel toujours menaçant. La robe blanche qu'elle portait, autrefois symbole de pureté et d'espoir, était désormais ternie par la souffrance, maculée par la peine silencieuse qu'elle portait en elle.

Les vagues s'écrasaient mollement sur le rivage, glissant sur ses pieds, mais elle ne les sentait même pas. Elle se tenait là, immobile, regardant l'horizon sans le voir, perdue dans ses pensées. Le monde autour d'elle semblait en suspension, figé dans un moment hors du temps. Tout ce qu'elle percevait, c'était cette absence écrasante, ce vide qu'avait laissé Maeridia en quittant ce monde.

Elle n'avait pas crié. Elle n'avait pas pleuré. Pas une seule larme n'avait glissé sur ses joues alors que les flammes enveloppaient le corps de son enfant. Elle avait assisté à l'incinération comme une spectatrice lointaine, détachée de son propre corps, de son propre cœur. La douleur était là, bien sûr, mais elle n'était plus la même. Elle ne la déchirait plus de l'intérieur. Elle l'avait engourdie, vidée de toute émotion. Maeridia était partie... et avec elle, une part essentielle de Shearazad avait disparu.

Un vent léger se leva, soulevant doucement ses cheveux, mais elle n'y prêta pas attention. Elle se demandait si elle avait encore la force de continuer, si elle avait encore le désir de vivre dans ce monde sans sa fille. Maeridia était partie, au prix de sa vie à elle. Le lien qui l'unissait à son enfant, ce lien profond et inextricable, s'était rompu, laissant une cicatrice béante dans son cœur. Elle n'était plus sûre de vouloir d'autres enfants après ça, de pouvoir aimer encore après une telle perte.

Plus que tout, elle n'était pas sûre de pouvoir aimer quelqu'un d'autre comme elle avait aimé Aemond. Leur relation, complexe et tumultueuse, était ancrée dans des racines aussi profondes que celles du feu et du sang qui coulaient dans leurs veines. Mais cet amour, autrefois source de force, était désormais teinté de douleur, de pertes irréversibles. Elle se demandait si elle avait encore la capacité de se reconstruire loin de lui, de le laisser sombrer dans son monde de violence et de destruction, alors que son propre cœur brûlait encore pour lui.

La mer s'étendait devant elle, vaste et infinie, comme un miroir reflétant son âme tourmentée. La solitude l'enveloppait, tout comme les vagues l'enserraient doucement. Mais au fond d'elle-même, une question restait, brûlante et inéluctable : que restait-il d'elle sans Maeridia ? Sans Aemond ?

Une silhouette solitaire se dessinait sur l'étendue déserte de la plage, se mêlant aux ombres créées par les vagues déferlantes et la lumière morne du crépuscule. Shearazad se tenait là, ancrée au sol, comme si la douleur de la perte l'empêchait de bouger. Le sable humide sous ses pieds semblait l'emprisonner, mais il n'avait rien de plus froid que l'intérieur de son propre cœur.

C'est alors qu'une ombre familière apparut. Un cri, rauque et déchirant, brisa le silence environnant. Shearazad n'eut pas besoin de lever les yeux pour savoir d'où il venait. Caraxès, le dragon rouge et serpentiforme, sillonnait le ciel. Ses ailes battaient avec une puissance menaçante, et ses hurlements annonçaient l'arrivée de son cavalier. Daemon était là. Encore une fois, il revenait pour elle, comme il l'avait toujours fait, comme il le ferait toujours.

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant