95

47 4 10
                                    

Les bruits des talons de Shearazad résonnaient dans les couloirs sombres de Harrenhal, une cadence régulière et résolue qui trahissait pourtant un tourment intérieur. Chaque pas qu'elle faisait semblait peser comme une promesse non tenue, mais elle continuait d'avancer, inexorablement, à travers les vestiges brûlés du château. Ses pas la menèrent jusqu'à la salle du conseil où se tenaient les principaux partisans d'Aemond, discutant des stratégies pour maintenir leur contrôle.

Sans hésitation, elle poussa les portes, attirant aussitôt l'attention. Le silence s'installa brièvement alors que les regards surpris se tournaient vers elle. Shearazad se tenait droite, sa silhouette fière malgré l'ombre de sa récente douleur. L'un des conseillers se leva, visiblement déconcerté par son apparition.

« Princesse Shearazad ? Que faites-vous ici ? » demanda-t-il, le ton mêlant confusion et reproche.

Aemond, assis en bout de table, releva doucement la tête. Ses yeux glacés se posèrent sur elle, puis sur l'assemblée. Avec une autorité froide et implacable, il répondit avant que Shearazad ne puisse dire un mot.

« Shearazad est mon épouse, la mère de mon enfant, et fille de Rhaenyra, » déclara-t-il, chaque mot pesant d'une certitude inébranlable. « Elle a toute sa place ici, à mes côtés. »

Le murmure inquiet des conseillers s'évanouit rapidement. Shearazad, malgré son trouble intérieur, sentit une vague de pouvoir la traverser. Aemond venait de lui accorder une place qu'elle n'était pas certaine de vouloir, mais elle l'avait maintenant. Restait à savoir comment elle l'utiliserait.

Les pas de Shearazad résonnèrent à nouveau dans la salle du conseil alors qu'elle s'avançait avec assurance vers la table, ses bras croisés derrière son dos. D'un geste tranquille mais affirmé, elle prit place à côté d'Aemond, ses yeux scrutant la salle, jaugeant les hommes qui se trouvaient là. Leur surprise face à sa présence se dissipait déjà, remplacée par la tension palpable de la stratégie en cours.

« Il faut riposter... et maintenant, » insista l'un des partisans, la voix tranchante, mais teintée de panique mal dissimulée.

Shearazad, vêtue de cuir sombre, se mit à sourire, un sourire subtilement ironique. Ses doigts ornés de bagues effleuraient les surfaces froides, comme si chaque mouvement était calculé, chaque geste porteur de sens.

« Avez-vous vu les dragons de ma mère, mon lord ? » demanda-t-elle en relevant lentement la tête, ses yeux perçants captant le regard de l'homme. « Elle en a six. Même avec toute la foi du monde, nous ne reprendrons pas Port-Réal dans ces conditions. » Sa voix était calme, mais chaque mot frappait comme une sentence. « Alors occupons Harrenhal. »

Un silence tomba dans la salle. Aemond, à côté d'elle, tourna la tête, intrigué par sa proposition. Ses traits restèrent impassibles, mais quelque chose dans son regard montrait qu'il considérait la suggestion.

Le même partisan, visiblement mécontent d'être contredit, se redressa légèrement, cherchant à rétablir sa position. « La reine mère et la reine sont à Port-Réal, princesse, » répliqua-t-il, comme si cette information pouvait la surprendre.

Shearazad ne broncha pas, laissant un sourire, presque condescendant, étirer ses lèvres. « Je le sais, » répondit-elle avec une sérénité déstabilisante. « Alicent est maligne, et avec le peuple révolté, elle peut retourner la situation à son avantage. »

Elle se tourna alors vers Aemond, ses yeux cherchant les siens. Elle voulait s'assurer qu'il comprendrait, qu'il écouterait ses paroles, car elles portaient le poids d'une vérité qu'elle seule semblait voir.

« Rhaenyra ne peut pas régner sur une ville qui ne l'aime pas, » poursuivit-elle, sa voix douce, presque mélodieuse, mais chaque mot tranchant comme une lame bien aiguisée. « Elle ne tiendra pas longtemps Port-Réal. »

LOCKED || AEMOND TARGARYEN• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant