Chant d'Orgnar V

780 53 3
                                    

-Je vois que malgré tant d'années, tu n'as pas abandonné l'idée de te rendre dans les monts d'Alduin... remarqua Balta.

Orgnar se tendit un peu, mais ne dit rien. Il était prêt à faire face à son frère: il avait une mission divine à accomplir, et même le Kesjare ne pourrait l'en empêcher, malgré toute la haine et la peur que ce dernier ressentait vis à vis de cet endroit. Balta soupira et se tourna vers Kynareth.

-Très bien, Cheffe Kynareth, je ne peux m'opposer à votre décision. Je vous demande cependant d'adopter la plus grande prudence en ces terres sauvages, et également... prenez bien soin de mon frère. Je n'en ai qu'un seul, et j'y tiens.

Orgnar rougit et baissa les yeux, légèrement honteux d'entendre son frère dire cela de lui, et demander à quelqu'un de veiller sur lui comme s'il était encore un enfant.

-Votre frère est très à même de se protéger tout seul, Kesjare Balta. Répondit Kynareth avec douceur. Mais je promets de surveiller ses arrières tout comme il surveillera les miennes.

Balta eut un léger sourire amusé.

-Très bien. Le chef de Guerre Orgnar, fils d'Inam, et la cheffe Kynareth, fille de Jägtis, quittent le front aujourd'hui pour une mission de la plus haute importance. Le commandement de l'armée d'Orgnar passe à Odin VII dit l'Ancien, fils d'Odin VI dit le Fourbe.

Un grand grondement de la foule de guerriers salua le départ des chefs et la nomination du nouveau commandant. Puis, Balta congédia le duo.

Une fois sortis de la tente de Balta, Orgnar fit par de son étonnement à Kynareth.

-C'est étrange qu'il me remplace par ce vieux corbeau d'Odin. C'était l'un des plus farouches adversaires de notre père, et il n'a jamais été très enchanté de sa défaite contre Balta.

-C'est un moyen de s'assurer sa loyauté. Kesjare Balta est un homme très intelligent, il sait récompenser ceux qui le servent bien, ou faire en sorte d'être bien servi même par ceux qui le haïssent. Odin l'Ancien voulait être celui qui unirait les tribus car son ancêtre l'avait fait. En lui donnant un poste aussi important, Balta s'assure que sa gloire soit associée à celle de l'Empire, et qu'ainsi il ne se sente pas en reste.

Orgnar réfléchit intensément à ce que venait de lui dire son amie. Il n'aurait jamais pensé à tout cela... c'était sans doute pour cette raison que Balta était un si bon Kesjare.

-Très bien, Orgnar. Lança Kynareth. Êtes-vous prêt à aller tuer du dragoniste?

-Je n'attends que ça... et je dois avouer que les plaines des Mines ne sont agréable qu'un temps. L'ombre des pins et la fraicheur de ma terre natale me manquent.

Kynareth eut un petit rire qui fit rougir Orgnar.

-Ne vous y habituez pas trop. Nous ne feront que traverser la Taiga d'Odin pour nous rendre en direction des Monts d'Alduin. Ceux-ci sont trop difficilement accessibles depuis les plaines des Mines, et nous en profiteront pour nous ravitailler dans ma tribu.

Ainsi, nous deux comparses quittèrent le front accompagnés des guerriers de la tribu de Kynareth, et franchirent les territoires conquis récemment par l'Empire. La beauté de l'architecture minienne avait toujours subjugué Orgnar, qui en profita pour l'étudier de près, maintenant qu'il n'était plus là en adversaire. Kynareth l'observa faire avec curiosité mais ne dit rien.

Et bientôt, ils furent de retour dans les contrées froides et boisées de la Taiga d'Odin. Les troupes se permirent repos et le rythme de marche ralentit donc quelque peu sur la route menant jusqu'au nord. En chemin, il firent cependant un détour nécéssaire pour Kynareth.

-Nous devons nous rendre au Havre Céleste. Disait-elle.

-Le temple d'Himlen?

-Oui. La tribu dont je suis originaire lui rend un culte, je suis donc très liée à la Grande Céleste. Et puis... se placer sous la protection de la plus grande de nos Dieux nous sera très utile.

Orgnar se contenta d'acquiescer. Himlen était une déesse grande autant que terrible. Elle n'avait que peu d'intérêt pour les affaires mortelles en général, mais les légendes étaient nombreuses à conter sa haine sanguinaire envers la race draconique, qui avait envahi son territoire, le ciel, et s'en était déclarée Seigneure. Le temple du Havre Céleste, ou Havreciel, était le symbole de cette alliance providentielle entre la déesse et les hommes dans la lutte contre les dragons. La légende attribuait la fondation du temple à Dovah, qui exhorta ainsi la déesse à ne plus laisser l'humanité retomber sous le joug des dragons après la chute d'Alduin.

Venir ici, c'était un peu revenir sur les traces de son ancêtre. Orgnar en était conscient. Il ne pu qu'être subjugué par la beauté du temple.

Havreciel, bien loin d'être plongé dans le territoire Nordique, était à l'inverse très proche de sa frontière avec les plaines des Mines. En effet, la tyrannie des dragons ne s'étant pas abattue que sur le peuple Nordique, son fondateur voulait qu'il soit une preuve de l'universalité de la victoire, tout en étant visible à des lieues à la ronde. C'est pour cela qu'il l'avait construit... dans le ciel.

Le pic d'Himlen, où s'élevait le temple, semblait être une immense épine surgissant du sol pour atteindre le ciel. Un escalier pentu et escarpé en longeait longuement la pente, menant jusqu'à la plateforme du temple, suspendue à des centaines de mètres du sol, comme portée par le vent lui même. Une longue passerelle de bois menait de ce temple niché au creux des nuages jusqu'au prieuré, où vivaient les prêtres d'Himlen, ainsi que les Renards Sacrés, symboles de la divinité. Ce prieuré, était attaché au pic voisin, et la longue passerelle tendue au dessus du vide entre les deux monts avait de quoi impressionner - on disait que pouvoir la traverser était l'un des rites de passage des prêtres. Beaucoup disaient également que le temple avait été édifié en usant de magie, chose assez rare et peu commune chez les peuples nordiques.

-Nous y voilà. Se contenta de dire Kynareth en s'arrêtant devant le portail donnant sur les longs escaliers. Nous y allons, Orgnar. Les autres, montez le camp ici. Nous serons de retour avant ce soir, et demain nous nous dirigerons vers notre tribu!

Une clameur accueillit ses mots, et Kynareth se retourna vers Orgnar.

-J'espère que vous avez l'estomac accroché, Orgnar. L'ascension est... raide.

Orgnar fut piqué au vif dans sa fierté.

-Peuh. Ce ne sont pas quelques escaliers qui me font peur. Reposez moi la question quand nous serons face à un dragon!

La Légende de KiineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant