-Comment vas-tu... mon amour?
La voix lancinante de Yuriana résonna dans le rêve de Kiine.
-Je vais bien. Répondit cette dernière. Maintenant, disparais.
-Je peux disparaître mille fois... que je reviendrai toujours. Car c'est toi qui me fait apparaître, mon amour. Toi, la coupable de ma démise.
-TAIS TOI!
Dans la noirceur moite de cette caverne onirique, Kiine se mit à avancer à tâtons, tentant d'échapper aux griffes du spectre de son amante.
-Tu te voiles la face, Kiine... tu tentes de me chasser ou de me fuir, de m'évincer ou de me remplacer... mais tu ne le peux pas. Tu ne le pourras jamais...
-Silence! Je n'ai que faire de tes reproches, spectre. Tu n'es que le fruit de mon esprit.
-Si je suis ici, n'est-ce pas que ton esprit sait qu'il a pêché?
La Dragonicide ne répondit pas, continuant d'avancer. Le sol se faisait de plus en plus inégal, la pente semblait s'enfoncer toujours plus profondément dans les entrailles de la terre. Une odeur de souffre remplaça celle mentholée que l'apparition de la guerrière d'Hel avait laissée. Et, au loin, la lueur de la fin du tunnel apparut, minuscule, lointaine, mais bien présente.
Un cri déchira l'atmosphère. Non pas un cri de tristesse ou de douleur. Un cri de rage, une rage à l'état pur qui sembla se déverser dans l'enceinte obscure de la grotte et y noyer la Kesjarinna. Cette dernière eut le réflexe de se jeter sur le côté pour éviter la chose qui se jetait sur elle en poussant ce cri. Après une roulade maladroite sur un sol invisible à ses yeux, elle se releva pour faire face, saisissant son épée. Avant de se figer d'appréhension.
Devant elle, se tenait une silhouette humaine diaphane, presque totalement transparente, qui flottait au dessus du sol en émettant une faible lueur. Son visage lui était familier, au contraire de l'expression qu'il revêtait.
-Luxuria... grinça-t-elle.
L'être face à elle eut un rictus de rage infinie, et son nouveau hurlement de colère résonna dans le rêve. Il ressemblait à Luxuria, oui. Mais son comportement n'avait rien de celui calme et posé du Crépusculaire, et il avait toujours sa forme coupée de mantra. S'agissait-il vraiment de Luxuria? Kiine en doutait. Mais elle savait également que ses rêves n'étaient que rarement totalement dénués de sens, même si ce dernier était souvent difficile à comprendre. Tout ce qu'elle sut, c'est que l'homme qui se tenait face à elle la terrifiait absolument. Sa bestialité la prenait à dépourvu, la lueur de colère qui luisait dans ses yeux désincarnés avait de quoi faire trembler le plus valeureux des guerriers. Il se jeta sur elle, tandis qu'elle lui présentait le pommeau de son épée, et sa sphère de volonté. Mais un craquement soudain vint ébranler le rêve.
-Kiine!
Une voix lointaine semblait l'appeler.
-Kiine! Réveille toi!
En un instant, la Kesjarinna avait la main sur le manche de son épée, bien réveillée cette fois. Le lueur faible du feu qui brûlait au centre du petit campement installé par les cinq femmes révéla les positions de celles ci, tendues et silencieuses. C'était la seule lueur perçant l'obscurité de la Taiga pendant cette nuit sans lune... Le voyage durait depuis trois semaines déjà. Elles avaient traversé les rives blanches jusqu'à la Tribu d'Arga, pénétré dans les grandes étendues herbeuses des Mines et enfin rejoint la Taiga d'Hel, à l'est. Maintenant, au travers des ouvertures dans la canopé de pins, elles pouvaient apercevoir les immenses sommets enneigés de Helljarchen. Mais ce qui avait poussé au réveil de la Kesjarinna était un problème tout autre. Un grondement sourd emplissait la forêt, et le sol tremblait légèrement. Les fenrirs s'agitaient, tout proche du campement de fortune.

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La Légende de Kiine
FantasyUn mal ancien rode. Alors que les Nordiques, pour deuxième fois de leur histoire, ont soumis toutes les tribus et le monde connu sous leur bannière, des signes inquiétant viennent troubler Orgnar, demi frère de l'Empereur, ainsi que Kynareth, guerri...