-Tu es venu plus tard que je ne l'aurai pensé. Ce n'est pas la honte qui t'étouffe, c'est certain.
Elpa ne releva même pas les yeux pour observer son interlocuteur, plongée dans la masse de paperasse qui trônait sur son bureau.
-Cesses tes enfantillages, Elpa. Répondit une voix attendrie.
-Très bien, alors cessons les faux semblant. J'imagine que si tu es venue en ces lieux, ce n'est ni pour le plaisir de me revoir, ni pour te recueillir sur la tombe de Maman, et encore moins sur celle d'Actée. Pas vrai, Père?
Orgnar fronça les sourcils.
-Arrête avec cela, Elpa. C'est la guerre, et la guerre est ce qu'elle est. Je n'ai pas le loisir de venir visiter les membres de ma famille tous les mois! J'ai des troupes qui ont besoin de mon commandement, et des rebelles à mater.
-Bien sûr. J'imagine donc que la raison pour laquelle ta dernière visite remonte à si longtemps que j'en ai presque oublié les traits de ton visage, c'est que l'Empire était en guerre depuis des années sans même que quiconque soit au courant.
La voix d'Elpa était plus froide que les torrents coulant le long des glaciers des Grands Monts Gelés. Orgnar se renfrogna d'autant plus.
-Elpa, ma fille... j'ai fais des erreurs, j'en conviens. Mais ta mère n'était pas parfaite non plus, et...
-Non, elle n'était pas parfaite. Elle a autorisé une étrangère à prendre ta place au lieu de tenter de te reconquérir. Elle était orgueilleuse, imbue d'elle même, impulsive. Mais à défaut d'être parfaite, ce que personne n'est, elle a au moins joué son rôle de parent. Et Actée aussi. Bien plus que tu ne l'as jamais fait.
-Elpa!
La guerrière aux cheveux de feu daigna enfin lever la tête et jeter un regard froid et détaché à son géniteur, qui en frémit en voyant à quel point elle ressemblait à sa mère. Ses longues boucles rousses cascadaient dans son dos, et ses yeux verts comme l'émeraude portaient la même détermination. Mais, là où Kynareth se serait déjà mise à lui hurler sa colère et son dégout au visage, Elpa, elle, restait composée, maîtresse d'elle même, et à défaut de coups physique, elle se battait à coup de sarcasmes et d'ironie auxquels Orgnar, bien moins cérébral, avait bien du mal à répondre.
-Ce n'est pas Elpa, Père. C'est Cheffe Elpa. Tu n'es pas ici en visite de courtoisie, mais pour exiger que la Tribu de Kynareth rejoigne ton camp dans la guerre.
Un silence plana, qu'Orgnar finit par briser.
-Et quelle est ta réponse, cheffe Elpa?
-Tu le sais déjà, alors à quoi bon me demander?
-Prends garde à toi, jeune fille... la prévint le guerrier. Refuser de rejoindre le camp de l'Empire, c'est rejoindre celui des rebelles!
-C'est amusant. Le messager d'Odin m'a transmis exactement le même message, il y a quelques jours. Il pensais probablement pouvoir impressionner la jeune femme influençable que je suis. Sais tu ce que je lui ai répondu?
-Que tu te battrais au côté de ton Père?
-Ton humour laisse toujours autant à désirer. Je lui ai dit ceci: « menaces moi encore une fois, et je te pendrais par les couilles à l'arbre sous lequel nos guerriers sont morts pour protéger vos petits culs et votre petite guerre d'intérêt ». Il n'a pas tenté de savoir si je plaisantais et a fui sans demander son reste. Mais toi, tu sais si je plaisante ou non, pas vrai Orgnar? Après tout, tu es mon père. Tu te dois de me connaître mieux que tout le monde, pas vrai?
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La Légende de Kiine
FantasyUn mal ancien rode. Alors que les Nordiques, pour deuxième fois de leur histoire, ont soumis toutes les tribus et le monde connu sous leur bannière, des signes inquiétant viennent troubler Orgnar, demi frère de l'Empereur, ainsi que Kynareth, guerri...