Le Destin du Kesjare XIII

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Bien loin de l'image laissée par Mines-sous-pont comme cité aussi belle de l'extérieure que sale et inégalitaire à l'intérieur, Pont Majeur emplit les yeux de Kiine d'une admiration sans borne dès qu'elle franchit l'immense Arche Blanche qui en marquait l'entrée. Ici, les murs d'enceinte semblaient plus esthétiques qu'utilitaires, recouverts de gravures, bas-relief et fresques du plus bel effet. Les maisons étaient toutes très basses et parfaitement blanches, la seule autre couleur dominante étant le rouge; la couleur était partout. Les rues étaient recouvertes de pétales de cette couleur, de grande draperies étaient pendus sur les façades des maisons, et les volets de ces dernières tout comme leur portes étaient de la même couleur. Elle jurait avec le blanc, mais composait un tableau absolument idyllique avec le ciel d'un bleu azur et sans le moindre nuage, au milieu duquel le soleil brillait de mille feux. Tous les habitants semblaient beaux. Il étaient vêtus de toges révélatrices, de tuniques légères ou de robes moulantes, quand ils n'allaient pas tout simplement nus: les yeux des hommes comme des femmes étaient soulignés de Khôl, leur cheveux ondulés coiffés avec une attention artistique, et ils exhibaient leur formes et leurs muscles avec fierté. Leur langue chantante résonnaient dans les rues comme une magnifique mélopée qui envoutait Kiine, et elle surprit son regard à plonger dans quelques décolletés, ou à admirer de belles jambes laissées bien en évidence.

Mais ce qui étonna le plus Kiine, c'était la mixité des races présentes dans la ville. Il y avait de tout: des nymphes éthérées chantonnant à leur balcon, des nains qui, bien que bourrus, tentaient de s'adapter à l'ambiance, des Opalins dont la peau blanche brillait au soleil, des Keshians dormant paisiblement à l'ombre des pins maritimes. Des hommes à la peau noire déambulaient aux côté d'humanoïdes cornus dont Kiine n'avait jamais entendu parler, dans l'indifférence la plus totale. Personne ne semblait porter la moindre attention à ces différences... tout le monde semblait simplement joyeux, calme, paisible, comme si la brise marine venait apaiser toutes les inimités. Kiine refusa de croire que, selon les rumeurs, quelques semaines auparavant, des révoltes auraient été réprimées ici dans le sang.

Elle déchanta rapidement, en remarquant le regard noirs qu'elle recevait de temps à autre. Un homme à l'étrange allure reptilienne cracha au sol sur leur passage. À l'inverse, d'autres les acclamèrent, voyant en elles des guerrières d'Hel résistant à l'Empire de par leur montures si uniques. Le rêve des premiers moments s'effrita finalement lorsque, sur le forum central de la cité, Kiine aperçut les têtes. Plantées sur des piques, les visages des suppliciés évoquaient leur douleur et leur colère, alors que la hache du bourreau s'abattait sur leur cou, comme le voulait la tradition des executions Nordiques - la mort par les armes était la seule digne. D'autres corps étaient pendus à des potences, nus, laissant tout voir des horribles mutilation qui les parsemaient. Autre coutume Nordique du duel final... les suppliciés n'avaient cependant eut pas la moindre chance dans un combat à mort face à l'élite guerrière de l'Empire. Leur corps, pendu pour l'exemple, étaient déjà froids lorsqu'on leur avait passé la corde au cou.

-Quelle horreur... murmura Kiine, qui voyait pour la première fois les exactions commises par la repression.

-C'est la guerre. Répondit simplement Yuriana. Ça n'a rien de quelque chose de beau.

Le Forum était vide, à l'exception de quelques passants qui se pressaient afin de ne pas rester plus longtemps en présence de ce spectacle macabre, ainsi que quelques guerriers Nordiques, reconnaissables à leur rires gras et leur long cheveux. Yuriana les mena rapidement à l'écart de la triste scène. L'image d'endormissement que Kiine avait ressentit lui paru soudain proche du deuil, et elle eut mal au coeur.

-Où allons nous, Yu? Demanda Kiine sans réussir à faire disparaître son ton morne.

-Au Pont de Sappho. Expliqua la guerrière. Si Freya a traversé, elle est forcément passée par là: et si Parnaxercès n'a pas abandonné sa caravane, elle n'y est probablement pas passée inaperçue.

La Légende de KiineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant