Le Destin du Kesjare XXIII

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La fléchette empoisonnée siffla à quelques centimètres du nez de Yuriana, et se planta dans le mur derrière elle. La guerrière voulut se ruer vers l'ennemi qui l'avait attaquée, mais ce dernier avait déjà disparu, noyé au coeur de la foule recouvrant le forum de Pont-Majeur en cette journée d'élections, ou riches et pauvres se pressaient aux urnes pour choisir leur représentants favoris aux différents postes de la complexe administration de la cité. Elle tenta de se frayer un chemin vers les maisons entourant la grande place, seul endroit d'où pouvait avoir été tiré le projectile; elle abandonna bien rapidement l'idée de traverser les longues queues, où les citoyens impatients refusaient absolument de laisser qui que ce soit passer entre eux. Yuriana grogna. Encore une fois, elle échappait de justesse à un assassinat, et ses poursuivants échappaient de justesse à sa hargne. Ils s'enhardissaient de jour en jour; et Mundvir ne donnait toujours aucun signe d'avancement dans sa recherche de la Nekkreidi. Le responsable du pont de Sappho continuait de diriger les recherches, mais Yuriana savait qu'il n'y croyait plus, et elle non plus. Alors pourquoi étaient-elles encore à Pont-Majeur, alors que le danger y guettait Yuriana à tous les coins de rue?

Pour deux raisons, principalement.

Lefko. Kiine voulait absolument attendre le plus longtemps possible le retour - très peu probable - de son amie, disparue à Brocéliande depuis maintenant plusieurs mois.

Et la discorde entre Yuriana et Kiine au sujet de leur destination. La première restait persuadée qu'il fallait diriger les Reliques vers la Taiga d'Hel. La seconde pensait que n'importe où ailleurs était mieux, et, de préférence, le plus loin possible. Ce qui n'était au départ qu'un petit point de discussion était devenu un sujet de tension entre les deux femmes, qu'elles évitaient soigneusement. L'annonce de la prise de fonction d'Orgnar comme Kesjare de l'Empire Nordique n'avait pas arrangé la situation.

Yuriana, évidemment, n'avait évoqué à aucun moment les tentatives d'assassinat dont elle était victime à Kiine. Elle ne voulait pas que leur départ précipité mène à des tensions encore plus fortes une fois parties au sujet de leur destination. Kiine semblait vouloir aller plus au sud, longer les Mines et se diriger à travers les Baronnies. Yuriana voulait aller au nord-est, vers la Taiga d'Hel. Elles ne pouvaient être plus opposées qu'elles ne l'étaient à cet instant, et pourtant aucune d'elle ne désirait ce désaccord.

Mais tout allait peut être changer aujourd'hui, avec na nomination des deux nouveaux consuls de la cité. Péritès avait grand espoir que l'un de ses amis, Cicarite, soit élu à ce poste et le nomme au poste qu'il souhaitait: ambassadeur. Le jeune politicien avait en effet beaucoup réfléchi aux mots de Yuriana, quelques temps plus tôt, au banquet d'Honolas, et avait décidé qu'un séjour proche d'Helania était peut être une bonne idée. La Guerrière d'Hel attendait cet évènement comme le retour des Dieux: en partant par bateau avec l'équipage réuni par le politicien, l'existence de la dispute disparaissait, puisque le navire pourrait autant bifurquer vers le nord que vers le sud à tout moment de la traversée. Elle pensait également que le choix de la destination de Péritès pourrait orienter le choix de Kiine, puisqu'Helania, au sud-est de la Taiga d'Hel, en était proche sans y être réellement.

L'après midi était déjà bien avancé, et les élections des principaux magistrats devait déjà être terminée. Les premières urnes avaient été retirées pour dépouillement, tandis que les citoyens s'étaient dirigés vers les suivantes. Yuriana attendait en tapant du pied, tous les sens en éveil. Elle avait appris à toujours rester sur ses gardes depuis la première attaque.

Ses pensées se laissèrent cependant emportées autant par l'ennui que par la chaleur étouffante. Des pensées tournées vers Kiine, vers sa peau douce, sa poitrine si ronde, ses fesses si fermes, ses lèvres si sucrées... Yuriana n'y tenait plus. Elle avait besoin de se ressourcer de tout ce stress, il lui fallait rentrer au plus vite pour se fourrer dans les bras de son amante. Elle craignait qu'une mauvaise nouvelle de Péritès ne ruine ce projet; elle eut de la chance.

La Légende de KiineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant