Le Destin du Kesjare XXXVI

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Triss sentit sa cheffe se tendre avant même que la tribu de Kynareth ne soit en vue. Elle jetait régulièrement des coups d'oeil à travers l'épais manteau de pins qui entourait ses troupes, et vers les monts d'Alduin tout proches, d'où semblaient encore provenir les echos des batailles qui y avaient été menées.

-Tout va bien, Dragonicide? Demanda timidement la jeune guerrière.

-Mmm. Il y a quelque chose d'étrange.

-C'est à dire?

-Je ressens de violentes vibrations. Comme si une bataille avait lieu, toute proche... ou a eu lieu. Difficile à différencier. Fais dire aux troupes d'être prêtes à combattre.

-Bien.

La colonne continua sa marche forcée, dans le silence le plus absolu et en redoublant de prudence, jusqu'aux premières lueurs de l'aube. Enfin, les portes de Kynareth apparurent. Elles étaient grandes ouvertes. Et devant elles, gisaient une terre imbibée de sang de laquelle on enlevait encore les corps pour les jeter au bûcher. Bataille il y avait bien eu, mais les défenseurs de la Tribu se tenaient fièrement sur leurs ramparts, portant bien haut leurs emblèmes à tête de renard.

-Par tous les dieux, que s'est-il passé ici? Demanda la cheffe Barida, venue rejoindre Kiine en tête de colonne.

-J'ai peur de le comprendre. Murmura Kiine avec noirceur, alors que la chevelure rousse d'Elpa s'avançait vers eux au milieu du champ de bataille.

Elle était grand sourire, chose rare pour cette soeur quelque peu taciturne et renfermée. Ses longs cheveux volaient au vent, brillant de leur reflets roux comme une flamme vive. Elle portait une armure légère, ainsi que sa hache au flanc, bien en vue.

-Ma très chère soeur! Bienvenue chez toi! S'exclama-t-elle.

-Merci de ton accueil, Elpa, mais j'ai bien peur de ne pas être porteuse des meilleurs auspices. Ma présence pourrait te mettre en danger, toi et la tribu.

-À n'en pas douter, en effet. Mais rassure toi: je ne partirai pas, moi. Je suis en vie, et je compte bien le rester. Ce qui n'est pas le cas de notre ennemi.

C'est là que Kiine le vit. Orgnar. Plantée sur une pique au dessus de la porte, sa tête était exposée aux éléments et à tous ceux qui passaient par là. La Dragonicide se mura dans un silence en observant les restes de celui qu'elle avait tant haï, et qui, pourtant, était parti avant qu'elle n'ait eut le temps de s'occuper de son cas.

-Aujourd'hui, un Kesjare est mort. Clama Elpa. Il est grand temps que sa couronne soit transmise.

-Si tel est la raison pour laquelle tu m'attends ainsi devant tes portes, rassures toi, Elpa. Tu as tout mon soutient pour ta prise de fonction. Dit Kiine d'une voix blanche, ayant encore du mal à réaliser que, face à elle, se tenait les restes de la dernière confrontation, et qu'elle n'y avait pas pris part.

-Moi? Ah! Jamais de la vie. Gérer ma tribu est déjà assez d'ennuis pour moi, je n'ai aucune envie d'hériter d'un rôle si lourd. De plus, j'ai assassiné l'ancien Kesjare, mon propre père. Tu es la Dragonicide, je suis une parricide. Et tu as rallié les tribus d'Hel à ta cause, Kiine. Si quelqu'un apporte son soutient à une candidature, c'est moi à la tienne!

-Mais... je n'ai aucune envie de diriger. Dit amèrement Kiine. Tout ce que je veux, c'est... c'est...

Kiine se tut, et le regard inquiet de Triss se posa sur elle. Comme la guerrière blonde le pensait, sa cheffe avait cessé de vivre à l'instant où Yuriana s'était éteinte entre ses bras. Elle s'était tenue debout depuis grâce à la force de sa haine et de sa volonté de vengeance, mais celle ci venait de s'éteindre avec la mort d'Orgnar. Que pouvait désirer la coquille vide qu'elle était sans cette vengeance, désormais? Kiine ne le savait pas. Elle étais perdue. Elle ne ressentait aucune plaisir ni aucun accomplissement à voir la tête d'Orgnar sur un pieu. Elle se sentait simplement vide.

La Légende de KiineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant