Lefko attendait, transie de froid. Elle voulait partir. Elle voulait quitter à l'instant ces thermes miteuses où elle ne pouvait échapper aux regards des clients sur sa peau nue constellée de marques. Parnaxercès n'autorisait ses esclaves sexuelles à ne porter rien d'autre que ce collier en fer marquant leur appartenance. Alors, Lefko restait immobile, impassible, au bord de l'un des deux minuscules bassins, alors qu'on la reluquait, qu'on commentait la couleur de sa peau, la rougeur de ses yeux, les anneaux qui perçaient ses seins ou le noir de sa chevelure d'ébène. Certains osaient même venir lui caresser la poitrine en ricanant: elle n'y réagit pas. Elle aurait pu se défendre, après tout elle ne devait obéir à nul autre que son maître, et ce dernier eut été très fâché d'apprendre que des inconnus touchaient à son trophée - car elle était son trophée, tout comme toutes ses autres esclaves.
Elles étaient cinq à le servir sexuellement, ce qui ne comptait donc pas la myriade d'autre esclaves au service du marchand, serviteurs, cuisiniers, et autres, parmi lesquels le maître venait parfois piocher les jolis minois pour les enfermer dans sa terrible salle de jeu, quand il se lassait des cinq filles qui y passaient leur vie sans jamais en sortir. Lefko était la seule opaline; mais aucune des cinq n'était une simple humaine, et en cela, elles s'étaient rapprochées par leur différence. Il y avait Naïa, une nymphe de saule à la belle chevelure pomme et aux traits fins, comme tous les membres de sa race. Il y avait Dol'taim, une keshiane, cette race aux aspects félins, avec ses deux grandes oreilles de chat, ses pupilles fendue et sa longue queue tigrée, seules différences notables avec une simple humaine. Puis, il y avait Viyanah et Rehyan, les deux Kisaengs, ces femmes frappées par la malédiction des fleurs, esclaves de l'appétit sexuel et de la douleur provoquée par la progression de la plante qui poussait sous leur peau, et les terrassait, disait-on, avant l'âge de trente ans. Telle était la singulière équipe qui, chaque nuit, devait satisfaire leur maître insatiable par tous les moyens. Les autres s'étaient faites une raison déjà longtemps auparavant. Lefko, elle, en souffrait atrocement. Elle avait cru que rien ne pouvait être pire que de satisfaire certains des pires client du maître Algamaque... elle n'aurait jamais imaginée être acquise par l'un des clients en question, et devoir subir ses châtiments quotidiennement. Elle pleurait souvent, la journée. Elle était alors consolée par ses compagnes de misères, celles qu'elle avait fini par appeler ses amies malgré le peu de temps depuis lequel elles se connaissaient. Le chant de Naïa séchait ses larmes. Le ronronnement de Dol'taim l'apaisait. Les caresses chaleureuse et l'odeur enivrante de fleur de Viyanah et Rehyan la rassuraient. Le soir venu, cependant, toutes baissaient les yeux. Toute priait en silence pour que les supplices finissent au plus vite. Et, parfois, discrètement, elles se tenaient la main alors qu'elles devaient endurer les tortures de leur maître, comme si ce lien les unissant était la seule chose leur permettant de tenir.
Mais ce soir, elle avait pu s'échapper. Ce soir, le maître s'était trouvé une maîtresse, à qui il obéissait comme un bon chien; il aurait remué la queue devant elle si elle le lui avait demandé, et les surnoms ridicules qu'elle lui donnait avaient beaucoup fait rire les esclaves. Personne n'aimait le maître. Presque tous ses serviteurs avaient servi d'autre maîtres, Miniens ou Pontois, et ceux ci avaient tous une certaine considération pour leurs esclaves, et les employaient souvent au milieu d'hommes et femmes libres. Parnaxercès n'était pas Minien, et il n'était pas un homme bon. Il ne voulait aucun employé, sa paranoïa constante l'empêchant de faire confiance à quiconque n'étant pas en son pouvoir total. Il était cruel, sadique, et méchant. Il fouettait ses esclaves et en retirait du plaisir, il leur enfonçait des objets toujours plus gros jusqu'à ce qu'elles en saignent ou s'évanouisse, il s'amusait à écrire des insultes sur leur peau au fer rouge. Mais face à la Seigneure Freya, il avait juste l'air d'un chiot. Et la grande guerrière devait visiblement préférer les chats.
Lefko l'avait immédiatement trouvér aussi attirante qu'effrayante. Ses yeux mauves et sa chevelure argentée lui rappelaient Kiine, bien que la comparaison s'arrête là: la seconde était gentille, loyale, aimante et désintéressée, quand la première semblait toujours ennuyée, impatiente, orgueilleuse, et surtout aussi violente et cruelle que le maître, voir plus. Et c'était à cette femme que Lefko voyait son corps être offert pour la nuit...
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La Légende de Kiine
FantastikUn mal ancien rode. Alors que les Nordiques, pour deuxième fois de leur histoire, ont soumis toutes les tribus et le monde connu sous leur bannière, des signes inquiétant viennent troubler Orgnar, demi frère de l'Empereur, ainsi que Kynareth, guerri...