Yuriana bailla ostensiblement, avant de jouer machinalement avec une mèche de ses cheveux. Elle plongea son couteau dans la carcasse du poulet qu'on lui avait apporté, et en arracha un morceau de chair à pleine dent. Décidément, à défaut d'être un peuple honorable, les Miniens savaient cuisiner. La jeune femme se rinça ensuite le gosier d'une longue lampée d'eau glacée, avant de relever les yeux. Elle croisa le regard amorphe de sa captive - Nikaia, de son petit nom - dont la salive pendant au lèvres alors que son ventre criait famine. Son corps était affreusement défiguré, couvert de marques et de trous, de sang et de chair à vif. Cela répugnait Yuriana. Elle répugnait à faire subir cela à la servante, malgré la haine qu'elle lui vouait et sa colère. Mais elle ne pouvait permettre que les Reliques tombent entre les mains de n'importe qui. Le sort du monde passait bien avant celui de cette servante qui avait vendu la peau de deux invitées pour quelques piécettes.
-Tu as faim? Demanda Yuriana. Malheureusement, je crains de ne rien pouvoir te donner tant que tu continueras à t'obstiner dans ton silence. Je doute que le prix qu'on t'ai payé vale les souffrance que tu dois endurer à cause de lui.
Les lèvres de Nikaia frémirent quand Yuriana se leva. Son regard, auparavant empli de haine, était maintenant terrifié.
-Je sais probablement ce qui te retiens. Tu t'imagines que, lorsque tu sortiras d'ici, ceux qui t'ont payé te feront payer au centuple chaque parole que tu auras prononcée en ces lieux. Tu as peur de mourir, mais la vérité est là: tu es déjà condamnée.
Yuriana parlait d'un Pontois clair bien que basique, et elle savait que son interlocutrice le comprenait, au moins dans les grandes lignes.
-Tu peux te taire... mais la torture continueras et, même sans ma présence, tu seras exécutée pour ta tentative de meurtre. Ou bien, tu parles, et, dans l'optique ou tu sois tout de même libérée, ils te retrouveront pour te tuer. Dans tous les cas... tu a scellé ton avenir en acceptant ce pacte. Mais tu peux encore faire le bon choix.
Yuriana reprit une bouchée de poulet. Elle mâcha longuement, laissant du répit à sa victime.
-Tes amis nous ont dérobé des artefacts. Des artefacts que nous devions amener en lieu sûr, afin que personne n'en profite jamais. Des artefacts de la forêt de Brocéliande.
Nikaia tressaillit en entendant ce nom, comme nombre d'habitants des Mines comme des Taigas.
-Tu comprends, à présent, pourquoi il est absolu que je mette la main sur ces artefacts? Continua Yuriana. Qui sait ce que pourront en faire ceux qui t'ont engagée. Libérer ta cité du joug des maudits Nordiques? C'est ce que tu dois te dire... et je vais te donner une autre réponse qui, bien que validant cette première, te semblera peut être moins agréable: ils vont renverser le pouvoir et répandre le culte du Chaos. Uniquement...
Kiine pointa son doigt sur la poitrine nue de Nikaia.
-... par ta faute.
Un silence retomba, et Yuriana retourna s'asseoir pour continuer son repas, sans lever les yeux vers le corps mutilé de la servante. Le poulet était bon, certes. Mais elle avait envie de vomir. Elle ne voulait plus continuer. Il le fallait, elle le savait. Mais elle sentait qu'elle allait devoir sortir pour vomir si cela continuait. Et elle se maudit de cette faiblesse.
-Si... si j'accepte... de parler...
La voix était faible. Tremblante. Comme si chaque son était à l'origine d'une immense douleur.
-... pourras-tu... m'aider?
-À survivre? J'en doute très fort. Je peux abréger tes souffrances. Mais rien de plus.
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La Légende de Kiine
FantasyUn mal ancien rode. Alors que les Nordiques, pour deuxième fois de leur histoire, ont soumis toutes les tribus et le monde connu sous leur bannière, des signes inquiétant viennent troubler Orgnar, demi frère de l'Empereur, ainsi que Kynareth, guerri...