Le Destin du Kesjare VI

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-Peste! Quelle stupidité d'avoir laissé les Reliques hors de portée! S'écria Yuriana. Dire que je me suis jetée sur cette imbécile de servante sans même penser un instant que cela pouvait être une opération simultanée.

Yuriana tempêtait avec mauvaise humeur, faisant les cents pas au centre de la chambre, tandis que Kiine s'étirait devant la fenêtre, réalisant une série d'exercices de mise en forme transmise par sa mère.

-Du calme, Yu.

-Tu veux que je me calme? Les Reliques ont disparu, Kiine! Je pensais que de toutes les personnes, ce serait toi la plus énervée. Je... j'ai échoué à la première occasion! Alors si tu es énervée, cesse de jouer l'indifférente, je déteste ça.

-Yu. Je ne suis pas énervée contre toi, au contraire. Si j'avais été en état de faire quoi que ce soit, nous aurions pu nous séparer pour prendre les deux actions séparément. De plus... si tu avais sauté pour secourir les Reliques, cette servante m'aurait tuée sans même que je puisse faire quoi que ce soi avec ses fléchettes empoisonnées. Entre moi et les Reliques, tu m'as choisie. Et pour ça, je te suis reconnaissante.

Kiine respira longuement, et replia une jambe sous elle, restant ainsi en équilibre sur sa deuxième.

-Maintenant, il faut voir ce que nous allons faire. Le mieux serait de se diviser les tâches.

-Commence par régler l'affaire pour laquelle nous sommes venues ici, comme ça nous partirons dès l'instant où nous aurons retrouvé les Reliques. De mon côté, je vais assister à l'interrogatoire.

-Tu es sûre que...

-Kiine, je suis touchée de ton attention, mais s'il le fallait, je mènerai moi même la torture si cela permettait de réparer cette erreur. N'oublie pas de te faire accompagner par l'interprète, et de rester sur tes gardes. Si tu sens la moindre vibration des Reliques, tu fonces. Il faut absolument les récupérer avant que quelqu'un se lie à elles... surtout au Sablier. J'ai cru comprendre qu'il permettait de manipuler le temps... c'est atrocement dangereux de la laisser entre n'importe quelles mains.

-Heureusement que la Matrice leur a échappé... murmura Kiine. Mais il va falloir la laisser à l'abri.

-Je vais mener ma petite enquête. Mener la justice est aussi l'un des rôles de la Guerrière d'Hel, en tant que pont neutre entre les tribus. Allons y!

Elles se séparèrent sur un court baiser, l'esprit trop occupé par les récents évènements.

Yuriana exigea d'être menée à la cellule de son agresseuse de la nuit précédente, ce qui lui fut plus difficile que prévu.

-Je suis la victime, et cette femme a fait partie d'un complot qui a volé un artefact puissant et dangereux! S'exclamait-elle dans son Pontois approximatif devant le jeune hoplite qui lui refusait l'entrée à la prison de la ville.

Ce dernier se recroquevilla quelque peu face à la hargne de la nordique, et resserra sa prise sur sa lance. La solution apparut d'elle même lorsque le Polémarque apparut derrière elle et ordonna quelques chose d'un ton impérieux au soldat, qui se replia d'autant plus et s'écarta en ouvrant la lourde porte. Yuriana pénétra dans les couloirs sombres et sales de la prison, bien différent des belles couleurs pastels qui ornaient les beau bâtiments de la ville haute. Le Polémarque, accompagné de son escorte de deux hoplites, la suivit avec l'aisance d'un homme qui avait l'habitude de se mouvoir dans ces couloirs. Le jeune garde mena la guerrière au travers de plusieurs longs couloirs bordés de cellules étroites et crasseuses, dans lesquelles des paires d'yeux vides fixaient avec un regard morne le passage des visiteurs, conscients que cette visite ne leur était pas destinée. Quant à ceux qui semblaient craindre une quelconque visite, ils se recroquevillaient dans l'ombre de leur cellule. Certains, cependant, apparemment les caïds de la prison, sifflèrent Yuriana à son passage, avant de se recroqueviller en croisant le regard du Polémarque. Yuriana devina donc que sa fonction devait être liée de prêt ou de loin à l'armée ou la justice, sans pouvoir préciser plus que cela - toutes les cités avaient des fonctionnements politiques bien distincts. Elle fut menée à un escalier en colimaçon qui descendait au sous sol, dans les entrailles de la terre. Là, le peu de lumière qui provenait des étroits soupiraux disparut pour laisser place au faible vacillement de quelques torches, noircissant la roche déjà sombre de suie, et l'humidité qui semblait s'infiltrer au travers des murs suintait et gouttait, formant de petites flaques qui reflétaient les flames vacillantes des torches.

La Légende de KiineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant