Le Chant du Couchant XII

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Dans l'obscurité mate de la nuit, la forêt s'agitait d'une silencieuse frénésie. Les proies sortaient timidement de leur terrier, persuadée de pouvoir profiter du couvert de la nuit pour se nourrir à l'abri des prédateurs diurnes, mais cependant bien conscients du danger omniprésents des nocturnes. Le daim surveillait d'un œil attentif les mouvements derrière les pins, tout en broutant l'herbe rase de la taiga. Les érimans remuaient le sol de leur immense groin, à la recherche de racines, sans perdre de vue les environs et leur jeune portée de marcassins, proies de prédilection des fenrir, ours et autres tigres. Toute cette faune prenait son essor à cette heure tardive car, quels qu'en soient les dangers, ils restaient moindre que ceux que l'on pouvait croiser dans la journée. Car les heures dominées par l'astre solaire étaient celles où un bien plus grand prédateur encore rodait: l'homme. Les Nordiques, dont la chasse était l'un des sports de prédilection et l'une des principales source de nourriture, représentaient une menace bien grande même pour les immenses érimans, capables d'encorner les meilleurs guerriers sur leurs imposantes défenses, ou pour les mégacéros, malgré leur bois si massifs, telles des massues meurtrières fracassant le crane des chasseurs imprudents. Alors ces grands animaux, à proximité des foyers de peuplement, avaient pris l'habitude de sortir de nuit, lorsque les hommes s'endorment au sein de leurs huttes et de leurs murs, tandis que rodent des prédateurs certes mortels, mais bien moins nombreux.

Cependant, ce soir là, la forêt n'était pas vide de tout être humain. Ce soir là, deux silhouette humanoïdes se détachèrent sur l'obscurité de la forêt, avançant d'un pas sûr et non camouflé. La laie, d'un grognement sourd, ordonna à ses marcassins de se tapir derrière elle. Le daim, d'un court braiment, signala la nécessité de fuir au reste de la harde. Les campagnols se tapirent au fond de leur terrier, et le fenrir, qui guettait sa proie à l'ombre d'un buisson d'aubépine, sembla décider que son repas pouvait attendre. Car cette présence humaine était inhabituelle. L'homme était un prédateur pour bien des êtres, mais également pour lui même. Et ces êtres en dehors des normes, plus dangereux que les autres, ne dégageaient pas la même aura. Mais les deux silhouette qui traversaient silencieusement les fourrés étaient encore différents. Les animaux des bois pouvaient le sentir. Les arbre millénaire également, de leurs racines jusqu'à leurs branches épineuses. Il y avait quelque chose d'étrange et d'anormal chez ces humains: peut être était-ce le fait qu'ils ne l'étaient plus totalement.

L'un marchait au sol, l'autre flottait à ses côtés. L'un avançait à tâtons, l'autre émettait une faible lueur luminescente. Mais malgré ces détails qui les différenciaient, il était une chose qui frappait au premier abord toute personne les rencontrant: leurs visages étaient exactement identiques. Deux hommes au traits fins, au nez pointu, au très grands yeux et à la chevelure blonde, légèrement cendrée. Mais cette description si humaine et mortelle n'était en aucun rapport avec la répulsion naturelle qu'ils engendraient chez les habitants de la forêt. C'était leur aura qui avait cet effet, car ils n'en avaient simplement aucune. Ou plutôt, l'un des deux en avait une étrange distordue, incontrôlable, dont les vibrations chaotiques semblaient s'entrechoquer et s'annihiler elles même, tout en désirant tout déchirer et tout emporter. Les animaux ne savaient pas qui étaient ces hommes. Mais ils craignaient le signe de la Relique que l'un d'eux portait, ils craignaient sa folie, et ils craignaient la signification de mort et de peur qu'elle entraînait dans son sillage.

Arrivés au sommet d'un petit promontoire rocheux, les deux hommes s'arrêtèrent. Ils contemplèrent la cité qui s'illuminait en contrebas, encaissée entre les deux parois d'un blanc opalin qui marquaient le longs ravins des Rives Blanches. Les toits s'élançaient vers les cieux sans pouvoir dépasser de cette encaissement naturel, et seul la ville haute en sortait, sur la rive opposée, là où les inconnus pouvaient apercevoir la maison de la Kesjarinna.

La Légende de KiineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant