Chapitre 3-2

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En sortant de la pièce, je crus que ma tête allait exploser. Ça faisait des heures que nous étions enfermés dans ce bureau et je n'avais pas compris un seul mot de ce qui s'était dit durant toute la réunion. Dans le couloir, les discussions continuaient entre ces hommes d'affaires. Miguel et Fares restaient plus loin, à l'écart avec les autres gardes du corps. Je regardai ma montre. Il était une heure de l'après-midi.

Yeraz était à l'écart. Il ne décolérait pas. Son désaccord avec Hamza quelques instants plus tôt l'avait plongé dans de sombres pensées. Le maître de maison qui déambulait entre les convives lui proposa un verre de whisky qu'il accepta sans hésiter. Je pris une grande inspiration avant de m'approcher de lui.

— Monsieur Khan ? Allons-nous rester ici encore longtemps ?

Le jeune homme fourrageait dans ses cheveux avec rage avant de me répondre avec une nuance d'impatience dans la voix :

— Oui, miss Jimenez. Pourquoi ? Vous avez mieux à faire ?

Mes joues se teintèrent de roses. Son autorité impressionnante me déstabilisa. Je cherchai au plus profond de moi les dernières miettes de courage qu'il me restait.

— Je n'ai pas dormi de la nuit et rien avalé depuis ce matin. Monsieur Khan, je suis au bord du malaise.

Yeraz regarda au-dessus de mon épaule et avec un petit geste vif de la main, appela le maître de maison.

— Un siège et un repas pour mon assistante.

Le domestique obtempéra immédiatement.

— Merci, soufflai-je à mon bourreau, reconnaissante qu'il ne me laisse pas mourir de faim.

Yeraz siffla son verre et son regard se brouilla de nouveau.

Dans le couloir, de petits groupes s'étaient formés, mais personne ne vint se joindre à nous. Ces hommes plus ou moins vieux semblaient craindre Yeraz et son humeur facilement changeante. Je remarquais en mangeant ma salade copieuse qu'ils portaient tous la même chevalière au doigt. Cette tête de mort était sans aucun doute leur signe de ralliement.

— Miss Jimenez, regardez les derniers chiffres de la bourse et plus particulièrement celui du groupe "Fidutive". Comparez-les à ceux de la semaine dernière.

Je posai ma salade sur mes genoux et m'exécutai aussitôt pendant qu'il s'activait sur son téléphone tout en grognant entre ses dents :

— Peut-être que j'arriverais enfin à lui faire entendre raison avec ça !

Un petit rire forcé s'échappa de moi. Je repris immédiatement mon sérieux et me mis à tapoter sur la tablette d'Ashley évitant soigneusement de relever ma tête vers mon interlocuteur.

— La situation vous fait sourire à ce que je vois.

— Non, monsieur.

— Il y a une chose que je déteste par-dessus tout, miss Jimenez. La désobéissance et l'insolence.

Ça en fait deux. Je préférais garder cette remarque pour moi vu le sang-froid que Yeraz essayait de retenir. Je me confondais en excuse pour apaiser la situation.

— Ce n'est pas pour vous, monsieur Khan. Je ne voulais pas. C'est juste que vous trouvez une situation compliquée qui pour moi n'en est pas une.

Bon Dieu, pourquoi avais-je balancé ça ? J'aurais dû me taire et laisser passer l'orage. Maintenant, ces yeux noirs me fusillaient. Il était à ce moment-là d'une beauté terrifiante. Je me mis à regarder tout autour de moi, à part ce grand couloir, il n'y avait nulle échappatoire en vue. Yeraz, toujours debout à côté de moi, ferma les yeux en se pinçant l'arête du nez.

— Vous n'avez pas compris un seul mot de cette réunion, mais vous pensez être capable de résoudre un problème qui vous dépasserait si vous aviez toutes les informations à votre disposition.

— Des fois, il suffit juste d'examiner la personne qui se trouve en face de nous pour la comprendre. La gestuelle en apprend beaucoup plus sur elle que le discours qu'elle peut avoir.

— Une de vos théories ?

Son ton plein de mépris me gifla le visage. Je baissai les yeux sur ma tablette et ajouta, à mi-voix :

— Monsieur Saleh est un homme avec un esprit d'enfant. Il suit son instinct avant tout. Si vous voulez qu'il vous écoute, soyez le dernier à quitter la pièce.

Je repris le travail de recherche que Yeraz m'avait demandé. Le poids de son regard sur moi pesait des tonnes. Bizarrement, il n'ajouta rien.

La pause dura encore quelques minutes puis il fallut retourner dans le bureau discuter de poireaux, d'aubergines et d'œufs dans les paniers.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant