Chapitre 1-3

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Les murs sombres et étroits du couloir étaient ornés de portraits de famille qui montaient jusqu'au haut plafond. J'avais la désagréable impression d'être observé. Plusieurs générations me fixaient sur mon passage. Le sol au carrelage noir et blanc rendait cet endroit assez froid. À la fin du long corridor, les portraits de famille étaient plus chaleureux. Je reconnus les filles Khan : Aaliyah, Ghita et Cyliane, véritable star sur les réseaux sociaux et dans le monde des people. Impossible d'ignorer ces prénoms, le pays entier connaissait le moindre de leurs faits et gestes. Elles étaient magnifiques. Le portrait d'Hadriel suivait. Il était le second fils de Camilia. Lui aussi, très en vue et très suivi sur la toile. Les publicitaires s'arrachaient son nom. Milliardaire à tout juste vingt-huit ans, il avait fait la UNE du magazine Forbes cette année. Cette famille était richissime, qu'est-ce que je faisais ici, moi ?

Je m'arrêtai subitement sur la dernière photo et plissai mes yeux comme pour mieux observer chaque contour du visage de l'homme qui posait dessus. Il me disait quelque chose, mais je n'étais pas sûr. J'inclinai ma tête.

— Est-ce ?

— Oui, c'est le fils aîné, Yeraz.

La voix de la gouvernante était teintée d'impatience, mais il m'était impossible de détacher mes yeux de ce visage magnétique.

Yeraz était l'aîné de cette fratrie. Très discret, il n'apparaissait jamais dans le tourbillon médiatique dans lequel était plongé le reste de sa famille. Toujours muni de ses grosses lunettes noires, personne ne pouvait le reconnaître en public. C'était la première fois que je le voyais à visage découvert et c'en était presque déstabilisant.

— Miss Jimenez, Camilia Khan est une femme pressée, il ne faut pas la faire attendre.

Abigaëlle fit un petit signe de tête en direction de la porte fermée. Elle paraissait subitement moins sûre d'elle. Mon pouls s'accéléra de nouveau. La matriarche qui était surnommée "l'Ogresse" dans tous les journaux se trouvait juste derrière cette cloison. Je ne pouvais plus revenir en arrière, le cauchemar continuait.

La pièce était chaleureuse contrairement à l'entrée de la demeure. Les couleurs vives des murs et du tapis complétaient la décoration déjà bien chargée avec encore de nombreuses photos de famille ainsi que des trophées et des couvertures de magazine. Derrière l'imposant bureau de style ancien se tenait une femme pleine de grâce à la coupe de cheveux très courte. Son visage ovale, sans aucune ride et parfaitement lisse, ne me permettait pas de lui donner un âge. Ses lunettes rondes étaient placées au bout de son nez menu et ne paraissaient pas la gêner. Sa robe pâle, au goût impeccable, moulait le haut de sa silhouette parfaite.

Assise, au fond son fauteuil, elle me scrutait avec attention et paraissait détailler chaque millimètre de mon apparence avant d'arrêter son regard sur mon baladeur à cassette, accroché à ma ceinture. Madame Khan se pinça les lèvres puis ses mains se refermèrent sur ses avant-bras nus. Je paraissais l'intriguer.

— Peter a dû oublier d'annuler cette candidate pour le poste d'assistante, intervint la gouvernante avec une voix hésitante. Voulez-vous que...

Sa patronne leva sa main en l'air pour lui demander de se taire. Pendant qu'elle triait des dossiers, j'observais furtivement la pièce.

— Où est sa fiche ? Je ne la trouve pas dans le dossier de Peter.

Miss Abigaëlle souleva ses épaules, l'air embarrassé, avant de baisser ses yeux et de fixer le sol. Madame Khan soupira avant de déclarer sur un ton calme, mais agacé :

— En plus de n'être pas présent aujourd'hui, Peter se permet de nous envoyer des candidates un dimanche sans aucune fiche ni information sur celle-ci.

Cette dernière me considéra avec un sourire aimable, mais évasif. Elle avait visiblement du mal à comprendre le choix de son assistant. De mon côté, j'avais les mains si moites que je les dissimulais derrière dans mon dos. Je me forçais à respirer calmement même si j'étais sur le point de m'évanouir. Je posai mes yeux sur la grande horloge Rolex accrochée au mur, derrière elle. Les minutes défilaient lentement. J'étais pressée de partir d'ici.

— Je vous en prie, miss Jimenez, asseyez-vous.

Non ! Ce n'est pas possible. J'obtempérai à la demande de madame Khan, les traits crispés par la déception. La matriarche jeta un coup d'œil par-dessus mon épaule et j'entendis les pas de gouvernante quitter discrètement la pièce pour nous laisser seules. La femme d'affaires en face de moi enleva ses lunettes et plongea ses yeux au fond de moi. Je me sentis alors complètement nu. Mal à l'aise, je baissai automatiquement mon regard sur mes mains et serrai mon baggy de toutes mes forces.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant