Chapitre 15-2

6.9K 573 5
                                    

— Elle travaille pour le Daily News. Merde ! Qu'est-ce que cette journaliste peut bien me vouloir ?

Je me frottai le front d'une main en parcourant la pièce de long en large. Bergamote, assise sur le canapé, son cadre tambour de broderie entre les mains, releva la tête. Une prompte réponse lui monta aux lèvres, mais elle répondit par une autre question :

— Es-tu sûr qu'elle ne travaille pas pour le gouvernement ?

— Non, je ne pense pas. Tu la verrais, c'est comme si ses petits yeux étaient à eux seuls un détecteur de mensonges.

Changeant de ton, Bergamote se pencha en avant et demanda d'un air persuasif :

— Tu veux que je m'en occupe ?

Abasourdie, je m'arrêtai de marcher et interrogeai ma colocataire du regard.

— Tu veux que je la fasse disparaître ?

Un faible sourire effleura le coin de ses lèvres peint de rose.

— Non ! m'exclamai-je. Mais enfin, nous ne sommes pas comme...bref, laisse tomber.

Je secouai la tête et repartis dans la cuisine en me demandant qui des personnes qui entouraient ma vie en ce moment était la plus normale.

En me voyant réapparaître, madame Lawrence me regarda d'un air gentiment condescendant puis exposa la situation d'une voix nette :

— Miss Jimenez, un article va sortir dans les prochaines semaines sur Yeraz Khan et ses liens supposés avec la mafia après une investigation longue qui a demandé près d'un an d'enquête. Vous êtes l'assistante personnelle de monsieur Khan, votre témoignage pourrait nous être utile pour clore cette enquête.

Mon regard vacilla.

— Pourquoi ferais-je ça ?

— Quel est le prix de votre parole, miss Jimenez ? Nous sommes prêts à négocier.

Donc, tout revenait toujours à la même chose : l'argent.

— Elle n'a pas de prix, répondis-je d'une voix glaciale. Merci de claquer la porte derrière vous quand vous partirez.

La journaliste entrouvrit ses lèvres. L'étonnement se reflétait dans ses yeux.

— Vous défendez un criminel. Pourquoi ? Leur argent suffit à acheter votre silence ?

Il n'y avait plus rien d'amical dans le ton de sa voix. Je répondis de la même manière :

— La vie est faite de choix, madame Lawrence. Croyez-moi, je suis impartiale avec les gens avec qui je travaille même si leur mode de vie ne correspond pas au mien, même si je n'approuve pas leurs actes.

— Quitte à fermer les yeux sur ce qui est bien ou mal, miss Jimenez ?

Mes mots restèrent coincés dans ma gorge. La journaliste me décrocha un regard grave.

— Vous êtes né à Sheryl Valley. Cette ville, vous l'aimez, non ? Cet article pourrait faire bouger les choses, envoyer les méchants en prison et obliger le gouvernement à faire leur satané boulot.

J'accueillis la remarque avec un petit rire lugubre.

— C'est justement parce que je suis née ici que je sais que le gouvernement ne sauvera pas votre vie ni la mienne !

La journaliste m'observa pendant un moment sans se donner la peine de cacher son scepticisme, puis d'un geste vif, elle rangea ses affaires dans son sac. À cet instant, j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir et la voix d'Alistair résonna dans l'entrée :

— J'ai pris du poisson frais pour midi.

Lorsque Tess Lawrence sortit de la cuisine, elle salua poliment Alistair qui entra, l'air surpris.

— C'était qui, ça ?

Je haussai les épaules et répondis à voix basse :

— Une journaliste qui enquête sur Yeraz.

Alistair posa les courses sur le bord de l'évier et plissa le front.

— Et ?

J'ai couvert ses crimes. La première réflexion que sa question éveilla dans mon esprit était si affreuse que je la repoussai aussitôt.

— Je lui ai demandé de partir.

Satisfait de ma réponse, Alistair hocha la tête et commença à ranger les courses dans le frigo.

— Tu as bien fait ! Tu viens sûrement de sauver la vie à cette femme et la nôtre au passage.

Je soupirai en me tenant la tête entre les mains. L'atmosphère me pesait. J'avais besoin d'air frais.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant