Chapitre 2-5

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— Ashley, ne me laissez pas, je vous en supplie.

Mon assistante ouvrit la porte coulissante de l'impressionnant van aux vitres teintées.

— Monsieur Khan est un homme ingérable et paranoïaque. N'espérez pas le voir rire un jour, n'espérez rien de lui. Ronney, vous devrez être courageuse. Je ne pense pas que vous ayez les épaules pour ce boulot, d'ailleurs personne ne les a. Tenez le coup le plus longtemps possible en vous préservant. C'est une affaire de six mois.

La jeune femme consciente que j'étais complètement terrorisée essayait de me rassurer tant bien que mal, mais c'est l'effet inverse qui se produisit.

— Combien y en a-t-il eu avant moi ?

Mon assistante se pinça les lèvres et soupira.

— Miss Jimenez...

— Ronney, appelez-moi Ronney, comme vous venez de le faire à l'instant.

— Beaucoup. Je ne peux pas vous dire.

— Vous avez tenu, vous. Comment ?

— Je suis l'assistante de son assistante. Je n'ai quasiment aucun contact avec lui contrairement à vous.

Ashley s'arrêta de parler et balaya le parking des yeux avant de reprendre :

— Vous devez monter à l'intérieur du van, Ronney. Ne faites pas de vague et adressez-lui la parole seulement quand il vous la donnera. Tout se passera bien si vous faites ce que je vous dis.

Elle posa sa main sur mon épaule et m'adressa un petit sourire. Mon physique disgracieux ne semblait plus la déranger. À cet instant, je lui accordai bizarrement toute ma sympathie. J'espérais ne pas me tromper.

Yeraz donnait les dernières directives à son équipe. Assise sur la banquette en cuir, à l'arrière du véhicule, je fermai les yeux et me massai les tempes sentant le mal de crâne arriver. C'est le bruit de la porte qui me fit rouvrir les paupières. Cet homme d'une perfection irréelle, tiré dans son costume à quatre épingles, était là, en face de moi. Il avait ôté ses lunettes. C'est là que je remarquais sa grosse chevalière qui représentait une tête de mort. Je tressaillis à peine, mais Yeraz perçut ce mouvement infime. Le coin de sa lèvre se retroussa légèrement. Quelque chose d'inquiétant passa dans son regard d'un noir intense, profond. Il n'y avait personne d'autre que nous à l'intérieur du van mis à part le chauffeur qui ne semblait pas prêter attention à nous.

Assis en face de moi, le jeune homme me fixait comme s'il essayait de déchiffrer une énigme impossible à résoudre. Au premier aspect, il fallait avouer que tout en imposait dans sa personne : sa stature, son charisme. Les manches de sa chemise un peu remontée laissaient apparaître des avant-bras musclés aux veines saillantes et l'on pouvait deviner les contours de la musculature de son torse sous celle-ci. Caleb est loin d'être bâti ainsi, pensai-je presque troublée. Je regrettai aussitôt de planter à nouveau mes yeux dans les siens. Yeraz me toisait de son regard le plus noir.

— Alors, quel est le plan de ma mère cette fois-ci pour que j'accepte de lui remettre les clefs du royaume de mon père ?

Je remontai mes lunettes et me tortillai d'une fesse sur l'autre. Je n'arrivais pas à m'enlever de la tête l'image très amochée de l'homme que j'avais croisé au club. Ça me revenait à coups de flash.

— Il n'y a peut-être aucun plan. Une mère reste une mère, vous savez.

J'avais prononcé ces mots d'une voix basse, mais sincère. Yeraz émit un soupir puis un éclat de rire silencieux. Il détacha ses yeux sombres des miens et regarda à travers la vitre. Le véhicule longeait Jalen Avenue à toute vitesse.

— Vous ne la connaissez pas. Elle contrôle tout, de la vie de mon frère et de mes sœurs. Manageuse et mère, cela ne va pas ensemble.

Il semblait être plein de rancune à son égard. Je plissai mes yeux derrière mes verres à doubles foyers et essayais de prendre un peu plus d'assurance, mais ma voix restait hésitante.

— Vos assistantes ne restent jamais longtemps. Pourquoi ?

Yeraz revint planter son regard ténébreux dans le mien et ma maîtrise de moi-même s'envola en une seconde. Le coin de sa bouche se releva en un étrange sourire tandis que l'ombre des lumières de la ville dansait sur son visage en se mêlant à l'obscurité de la nuit.

— Il y a une clause dans le contrat, à la dernière page. L'avez-vous lu, miss Jimenez ?

Sa voix basse aux intonations séduisantes provoqua en moi sans le vouloir un effet d'étourdissement.

— Non, non pas encore, monsieur Khan. Je dois voir le contrat en fin de semaine, vendredi.

Yeraz se cala au fond de la banquette. Il semblait prendre plaisir à m'intimider. Ce n'était sans nul doute le genre de personne habitué à tout posséder, contrôler en hypnotisant son auditoire avec son charme naturel.

— Mes assistantes ont TOUTES outrepassé la première et la deuxième clause du contrat.

— Quelles sont-elles ?

— Vous le découvrirez assez tôt, miss Jimenez, mais avec vous il sera impossible de dépasser les règles du jeu. Ma mère à tout prévue !

— Et pour vos assistants ? Pourquoi ont-ils démissionné ? Est-ce pour la même raison que les femmes ?

Yeraz émit un petit rire mauvais avant de reprendre son sérieux.

— Non ! Nous avons tous des choses à cacher, des secrets inavoués. J'aime fouiller dans la vie des personnes qui m'entourent et qui me conseillent dans mon travail. Je dépoussière les cadavres de leur placard et me sers d'eux pour les renvoyer à la moindre erreur. La médiocrité m'exaspère.

Ses dernières paroles coururent dans mes veines. Je sentais bien à son ton qu'elles étaient pour moi. Le mot médiocre était pourtant le mot le plus gentil que l'on avait prononcé pour me définir, mais ça, monsieur Khan l'ignorait. Pour me blesser, il m'en fallait davantage.

— Les gens que j'ai en face de moi sont souvent mal à l'aise, continua-t-il. Je lis de l'admiration dans leurs yeux, de la peur, de l'envie ou même une certaine fascination que je leur inspire, mais vous c'est différent. Vous n'êtes habité par aucun de ces sentiments. Ce que je vois c'est du mépris, voire même un dégoût intense à mon égard.

Ses iris me fixaient désormais avec une hostilité évidente. Les flashs me revinrent en rafales.

— Vous vous trompez. Jamais...non ! Je ne me permettrais pas un instant de vous...

— De me juger ?

Désarçonnée, je bafouillai comme un bébé. Yeraz paraissait lire en moi comme dans un livre ouvert.

— Je n'envie personne dans ma vie, c'est vrai. Chacun suit son chemin. Je veux juste faire mon travail et ne cherche rien en retour, monsieur Khan.

— Je doute que vous puissiez le faire sans motivation. Il y a forcément quelque chose qui vous habite.

— C'est exact, le coupai-je sans le vouloir, j'ai mes motivations personnelles.

Soudain suspicieux, Yeraz plissa les yeux puis allait ouvrir la bouche quand son chauffeur l'interrompit :

— Vous êtes arrivé, Monsieur.

Quelques secondes d'un lourd silence s'installèrent dans l'habitacle. Yeraz cherchait toujours l'énigme à résoudre au plus profond de moi. Sa mâchoire se crispa. Au moment où je crus mon heure arrivée, la porte du van s'ouvrit pour libérer ce fauve en proie à ces démons intérieur. Je me redressai un peu rapidement et trébuchai maladroitement sur lui. Les mains du jeune homme se refermèrent sur mes poignets avec une poigne d'acier et me repoussa brutalement sur ma banquette.

— Ne me touchez plus jamais !

Yeraz sortit du véhicule. Les membres tremblants, je secouai la tête pour remettre mes idées en place tout en respirant profondément. J'étais soulagée de ne plus me trouver en face de cet homme que je trouvais à la fois mystérieux, détestable et complexe. Je n'avais jamais ressenti une atmosphère aussi polaire avec quelqu'un d'autre. Nous avions été durant tout le trajet, à même pas un mètre de distance l'un de l'autre et pourtant, cet espace qui me séparait de lui m'avait paru infini.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant