Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]

Chapitre 5-2

Nous étions à la deuxième prises et j'avais bien assimilé le texte sur la bande rythmo qui défilait sous les images. Le générique serait fini en moins de temps qu'il faudrait.

Au troisième et dernier couplet, je vis la porte du studio s'ouvrir. Je reconnus la coupe au carré blond à Mackenzie, la directrice artistique. Poliment, elle invitait quelqu'un à rentrer dans le studio. C'est alors que le monde s'arrêta de tourner autour de moi. Ma voix ralentit, puis se brisa lorsque j'aperçus Yeraz franchir le seuil de la porte. Putain de merde, mais qu'est-ce qu'il fout ici ? J'avais l'impression d'être en plein cauchemar tellement que la scène était horrible.

Ce dernier se tenait bien droit en face de moi dans son polo noir parfaitement repassé, il ne portait pas ses lunettes de soleil. Je me pressai les tempes des deux mains, persuadée que j'hallucinai. Lorsque je relevai ma tête, Yeraz me fixait avec son petit sourire de connard professionnel, sans éclat.

Mackenzie appuya sur un bouton situé sur la table de mixage et sa voix résonna dans toute la pièce :

— Je vous présente Giovanni Cucitore. Ce généreux investisseur vient de racheter Red Channel. Grâce à lui, une grande partie de l'immeuble sera rénové et nous pourrons rester ici.

Logan et Tonio accueillirent la nouvelle avec de grandes exclamations et des applaudissements.

— Bienvenue dans cette famille monsieur Cucitore, s'écria Tonio, les yeux brillants de joie. Vous êtes donc notre nouveau boss.

Un sentiment de panique et de colère me serrait la gorge. Giovanni ? Mais c'était quoi encore cette connerie ? Yeraz tourna vers moi un visage hermétique. À quoi jouait-il ? Mackenzie venait d'inviter le Diable en personne. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Sans ses lunettes, le fils Khan n'était pas reconnaissable. Soudain inquiète, elle s'adressa à moi :

— Ronney, ça va ? On dirait que tu as vu un fantôme.

C'est pire que ça, pensai-je. Yeraz pencha sa tête sur le côté en me scrutant intensément. La panique remonta le long de mon épine dorsale. Mackenzie et les autres étaient comme hypnotisés par cet homme au charisme hors du commun. Il était vrai qu'il suffisait que Yeraz respire pour remplir une pièce de sa présence, mais à moi il m'inspirait que haine et dégoût.

— J'aimerais rester ici, le temps de la séance d'enregistrement, déclara le jeune homme d'un ton mielleux qui m'exaspérait. J'ai toujours été fasciné par les coulisses de ce métier.

J'ai toujours été fasciné par les coulisses de ce métier, répétai-je dans ma tête sur un ton niais. Pourquoi ne leur dis-tu pas que c'est les armes et l'odeur du sang qui t'aide à dormir ! Mackenzie qui avait le double de son âge paraissait être revenue à l'âge de l'adolescence. Ses yeux papillonnaient comme ceux d'une petite fille devant une les vitres d'une boutique de pâtisserie et ses joues ne cessaient de rosir. J'avais envie de vomir. Allez Mackenzie, dites non. C'est interdit dans le règlement.

— Bien sûr ! Vous êtes maintenant chez vous, monsieur Cucitore. Logan et Ronney sont nos meilleurs doubleurs dans les films d'animation, c'est plaisant à les regarder. Installez-vous donc avec eux.

Je remontai mes lunettes et levai discrètement les yeux au ciel devant l'attitude de Mackenzie. Elle posa une main sur son épaule un peu trop longtemps ce qui permettait facilement de comprendre une tout autre invitation silencieuse.

Nous nous défiâmes du regard lorsqu'il passa devant moi pour aller s'asseoir derrière avec Tonio.

— OK, Ronney, nous reprenons depuis le début.

Une légère grimace traversa mon visage. Je sentais le regard lourd de Yeraz dans mon dos. Il voulait me déstabiliser, me ridiculiser, faire de moi sa marionnette comme il l'avait fait avec les autres assistants avant moi. Il était le meilleur à ce petit jeu. Les lèvres pincées et les doigts noués comme des cordes je pris une grande respiration, achevai mon verre d'eau et commençai l'enregistrement.