Chapitre 7-2

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Son regard glissa et finit par se fixer sur mes converses rouges qui n'étaient plus vraiment rouges. Yeraz assit derrière son bureau, rangeait des piles de dossiers qu'il entassait devant lui. J'essayai de l'imaginer avec sa comptable. Comment les choses avaient-elles dégénéré ? Étaient-ils restés là ? Ou bien...je chassai mes pensées déviantes de mon esprit. Il n'avait pas l'air gêné. Son chemisier noir à manche longue était parfaitement reboutonné. Peut-être qu'il n'avait baissé que son pantalon ou...

— Miss Jimenez ! répéta Yeraz. Je vous parle.

Il venait de m'appeler par mon nom, c'était mauvais signe. Je balbutiai des paroles incompréhensibles pour m'excuser tout en déposant les journaux sur son bureau. Yeraz essaya d'adopter une expression aimable, mais son ton était inflexible.

— Que vous est-il arrivé ? Vous êtes dans un état pitoyable ! Encore pire que d'habitude.

Je décelai l'impatience et l'exaspération dans sa voix. Mon cerveau se remit en route en jonglant avec plusieurs scénarios possibles pour me pondre finalement le plus approprié.

— Je suis tombé dans la cour, dans l'herbe. Devant chez vous.

Finalement, je ne sais pas si c'était le meilleur scénario, mais je ne pouvais pas parler du jardinier. Je ne voulais pas que Yeraz le vire. Il poussa un juron et me tendit une chemise verte cartonnée :

— Le dossier de présentation. Il concerne les versements de commissions à un intermédiaire dans le cadre des marchés publics liés à Ma comptable a validé les chiffres.

— Oui, avec la bouche !

Mince, ma remarque avait jailli de mes lèvres sans que je ne puisse la retenir. Espérons qu'il n'avait rien entendu. Je feuilletai le dossier de présentation, les joues en feux. Je ne voulais pas relever mon visage. Croiser son regard était soudain devenu insupportable. Je me raclai la gorge et déclarai, le regard toujours baissé sur les feuilles :

— La véritable nature des paiements n'a pas été enregistrée correctement. Tous les paiements que je vois ne respectent pas les règles ni les exigences légales de système de contrôle comptable interne.

Silence. Je relevai ma tête pour interroger Yeraz du regard. Surpris par ma rapide introspection, il prit la parole avec un air sérieux :

— Vous avez du potentiel, miss Jimenez. Pour quelqu'un qui n'a pas fait d'étude, vous vous débrouillez bien avec les chiffres.

— Je suis bien obligée pour faire fonctionner le restaurant de mes parents.

Yeraz hocha la tête et s'enfonça au fond de son siège. Sa main droite jouait nerveusement avec un crayon. Ses yeux noirs vinrent se vriller dans les miens à la recherche de quelque chose qui paraissait le dépasser.

— En effet, en ce qui concerne ces paiements que vous voyez inscrits vous pouvez les qualifier de frais de courtage faisant bénéficier au groupe pétrolier une déduction fiscale illégale aux yeux de la loi. Ça répond à vos interrogations ?

Je refermai le dossier et remontai mes lunettes.

— N'y a-t-il pas d'autres moyens plus légaux pour vous associer à ce groupe ?

Yeraz se leva et vint s'appuyer au bord de son bureau, juste en face de moi. D'ici je contemplai ses traits d'une régularité parfaite. Devant sa beauté non négligeable, je résistai de toutes mes forces pour soutenir son regard rempli de colère. Son humeur taciturne ne le quittait jamais.

— Miss Jimenez, je ne vous demande pas votre avis. Votre boulot consiste à rendre des comptes à ma mère et non à trouver des solutions subalternes sur le contrôle de mes firmes et le recyclage de l'argent sale qui en découle.

Sa voix sèche et forte agressive me déstabilisa. Un frisson de panique parcourut tout mon corps. Rien ne déstabilisait Yeraz. Chaque jour, je découvrais un peu plus la noirceur de sa personne. J'ouvris la bouche pour répondre à demi-mot, dans un souffle à peine audible :

— Quand avez-vous perdu votre âme ?

Son regard intense se désintégra. Il parut soudain désarçonné. Pour la première fois, son assurance s'envola. Il se reprit très vite et se redressa bien droit devant moi.

— Quand j'ai arrêté d'avoir peur du noir, articula Yeraz avec une profonde irritabilité dans la voix.

Il marqua une pause et me considéra un instant avec dédain avant de conclure :

— Miss Cooper vient d'arriver. Change-toi et rejoins-moi à la réunion !

Je n'étais plus miss Jimenez. Et comment savait-il qu'Ashley devait m'apporter mes affaires ? Même s'ils couchaient ensemble, Yeraz ne devait pas être le genre d'homme à envoyer de petits mots doux à longueur de journée à ses conquêtes.

Figée sur place, je le regardai quitter la pièce. C'est là que j'aperçus la crosse de son arme, dépassé à l'arrière de son pantalon. Une vague de frayeur viscérale s'empara de moi. Yeraz représentait à lui seul les ténèbres. Comment Camilia pouvait-elle encore croire qu'il y avait au fond de son fils, cette flamme pas encore éteinte ?

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant