Mon père m'envoya un regard plein de colère quand je pris place à ses côtés, derrière le comptoir, mais je n'y prêtai pas attention. Un homme de grande taille, mince, aux traits sévères se tenait devant nous. Vêtu de noir, il portait un chapeau sur la tête qu'il ne prit pas la peine de retirer. Des cicatrices d'acné creusaient sa peau à certains endroits de son visage. Lorsque son regard se posa sur moi, ses yeux sombres donnaient l'impression de voir les ténèbres. Un frisson me parcourut le dos. Rien chez cet homme ne semblait penser qu'il venait négocier ou discuter de quoi que ce soit avec nous.
Derrière lui, son garde du corps à la carrure émacié et habillé de la même façon ne paraissait pas plus commode. Il attendait les ordres de son boss en nous fixant avec de petits yeux menaçants. À côté d'eux, le gros John n'était qu'un petit voyou de seconde zone.
— Monsieur Jimenez, nous sommes là pour redéfinir les règles du contrat et revoir à la hausse le montant que vous nous devrez désormais toutes les deux semaines. Contre cet argent vous aurez bien sûr notre protection et notre aide si besoin pour certaines tâches.
Mon cœur s'arrêta. Je tournai la tête vers mon père qui tentait de refouler sa colère du mieux qu'il pouvait. Il redressa ses larges épaules et lança d'une voix remplie d'animosité :
— Qui êtes-vous ? Nous ne vous avons jamais vu par ici, avant.
L'homme enleva son chapeau, puis s'essuya le front avant de le replacer sur la tête. Il croisa ensuite les bras et s'exprima de façon détachée et impersonnelle :
— Vous n'avez pas besoin de savoir mon nom. Comme je viens de vous le dire, je suis là pour régler quelques détails au sujet de votre établissement.
— Nous ne paierons pas ! déclara mon père d'une voix tranchante. Vous n'êtes qu'une bande de sangsues, des parasites de la pire espèce. C'est fini le racket avec mon restaurant. Je refuse d'alimenter votre organisation aux méthodes plus que douteuses.
Ma mère intervint en posant une main sur l'épaule de mon père. Elle était, elle aussi, terrorisée des conséquences que pouvaient avoir ses paroles. L'homme se retourna à demi vers son homme de main dont les traits s'étaient figés en un masque impénétrable. Ils s'échangèrent un bref regard puis notre interlocuteur porta de nouveau ses yeux noirs sur mon père. La situation prit un sens terrifiant. Je détestais leur attitude menaçante envers nous.
— Monsieur Jimenez, vous êtes un des gérants qui nous pose le plus de problèmes à Sheryl Valley. Notre ancien collaborateur acceptait votre excès de zèle, mais pas nous ! Vous feriez mieux d'accepter de coopérer sans faire d'histoires.
— Sinon quoi ?
L'homme répondit à mon père par une autre question :
— Êtes-vous sûr de vouloir le savoir ?
Sans attendre de réponses, il leva légèrement sa main en l'air. Son garde du corps sortit alors une arme et la lui confia. Je poussai une exclamation de stupeur. Mon père se mit devant ma mère et moi pour nous protéger. À ce moment, mes yeux se posèrent sur ses doigts refermés sur la crosse du pistolet et mon souffle se coupa. D'un regard immense, je fixai la chevalière que le mafieux portait. C'était un membre de la Mitaras Almawt et son chef s'appelait Yeraz.
Les yeux dans le vague, je balayai l'intérieur du restaurant sans vraiment le voir. Ma tête me tournait et un bourdonnement sourd au creux de mes oreilles m'empêchait d'entendre les hurlements de ma mère et les suppliques de mon père. Mon esprit dérivait, impuissant. Yeraz venait de m'abattre d'une balle en plein cœur. Comment avait-il pu me trahir comme ça ? Rien ne comptait plus pour lui que de régner sur cette ville.
Des coups de feu me ramenèrent brutalement à la réalité. Mon père se jeta sur moi pour me plaquer au sol. Malgré mes mains posées de toutes mes forces sur mes oreilles, j'entendais le tintement des douilles de cartouche vide tomber à terre. Ma mère, allongée à côté de moi, pleurait et criait demandant au seigneur de nous épargner. Ce fut les secondes les plus longues de ma vie. Mon cœur se brisait un peu plus à chaque coup de feu.
Quand les tirs cessèrent, nous attendîmes un long moment couché sur le sol, paralysés par la peur. Le silence avait pris place tout autour de nous. Seul le bruit de nos respirations troublées cet instant de quiétude. La voix d'Elio se fit soudain entendre. Il nous appelait, paniqué.
— Restez là ! nous ordonna mon père.
Je pris ma mère dans mes bras. Elle tremblait de peur. Mes mains caressaient son visage comme si elles avaient le pouvoir de la calmer.
— C'était qui ces gens ? Pourquoi ne m'as-tu pas appelé ? Je serais descendu !
Elio hurlait de rage. Je laissai ma mère et me relevai, chancelante. Mon frère se jeta sur moi pour me prendre dans ses bras. Il me serrait si fort que je dus lui demander de me relâcher pour pouvoir respirer.
Je faillis perdre l'équilibre en parcourant le restaurant des yeux. Les murs étaient criblés de balles et les vitres étaient complètement brisées. L'endroit ressemblait à un champ de bataille. Dépité, mon père porta ses mains au-dessus de son crâne et hurla de toute ses forces. Ma mère et lui venaient, ce soir, de tout perdre. Yeraz leur avait tout pris.
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Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]
Roman d'amourRonney est une jeune femme introvertie au physique disgracieux. Elle vit très modestement dans un des quartiers les plus pauvres de Sheryl Valley, une ville gangrénée par la mafia au sud de la Californie. Sans diplôme, elle travaille dur dans le res...