Chapitre 20-2

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Ghita se pencha au-dessus du bar et commanda un verre de gin. Le serveur plongea quelques secondes les yeux dans son décolleté et déglutit. Elle se tourna vers moi pour me demander ce que je voulais boire.

— Un verre de vin rouge.

— Très classe, observa Ghita. Une vraie femme du monde, Ronney.

Elle se tourna de nouveau vers le serveur.

— Mettez ça sur le compte de mon frère, votre boss !

Je ne pus m'empêcher de sourire devant sa désinvolture. Une part de moi l'admirait.

Je partis rejoindre Cyliane et Aaliyah qui dansaient sur la piste. L'alcool dans le sang me faisait oublier à quel point ma robe était courte, moulante et transparente. Tous ces regards posés sur moi m'auraient fait fuir en temps normal, mais j'étais dans un tout autre état d'esprit pour m'en préoccuper, ce soir.

Au milieu de la foule survoltée, je levai mon visage et regardai au loin la grande baie aux vitres opaques, là où se trouvaient les salons privés de Yeraz. Était-il là ? Me voyait-il ? Rien ne me permettait de le savoir. Mon cœur se souvint de son absence avec une pointe de douleur. Cyliane m'interpella à ce moment. Je détournai mon regard des vitres teintées.

— Ronney, danse ! Ce soir tu n'as pas le droit d'être triste. C'est ta soirée.

Je hochai la tête et me laissai transporter par la musique. Petit à petit, j'oubliai tout et me laissai complètement aller. Je fermai les yeux, levai les bras et bougeai au rythme de la musique. Une sensation de liberté et de planitude m'envahit tout entière. Quand je rouvris les paupières après un long moment, un cercle s'était formé autour de moi et pour cause : les hommes de sécurité de Yeraz m'entouraient sans laisser personne m'approcher.

Quelqu'un derrière moi vint, avec une veste, recouvrir mes épaules. Je humai la douce fragrance qui se dégageait du vêtement, un parfum que je connaissais. La foule observait la scène à la fois surprise et admirative. Je me retournai. Sans surprise, Yeraz se tenait devant moi. Ses lunettes aux verres foncés m'empêchaient de voir ses yeux. Seuls ses traits dégageaient une certaine admiration. Je me rapprochai au plus près de lui jusqu'à pouvoir poser ma tête contre son torse. À cet instant, je pris conscience de l'état d'épuisement dans lequel je me trouvais. Nous commençâmes à nous balancer doucement, en cadence sur la musique.

— Je ne sais pas qui je dois étriper en premier, mes sœurs ou toi.

Le ton de sa voix était sévère, il luttait pour ne pas laisser éclater sa colère en public. Mes mains caressèrent sa nuque et je sentis soudain sa pression se relâcher. Ses bras m'entourèrent. Je ne voulais être nulle part ailleurs. Ses lèvres s'approchèrent de mon oreille.

— Mes hommes vont te ramener chez toi.

Je relevai brusquement mon visage vers lui, le suppliant du regard pour qu'il change d'avis.

— Non, Ronney, je ne peux pas te laisser ici, habillée comme ça. Les regards des hommes sur toi sont en train de me rendre fou. J'en ai marre de ressentir ce sentiment de jalousie quand je suis avec toi ou même quand je pense à toi. C'était plus simple quand j'ignorais tout de cette émotion, quand je ne te connaissais pas.

Ma main caressa sa joue, je lui souris. Yeraz se figea et le monde entier sembla s'être arrêté autour de lui.

— Tu es si belle. Je pourrai rester là, à te contempler une éternité.

Il baissa sa tête, son front se plissa.

— Je t'aime, Ronney. Je suis tombé amoureux de toi sur Los Cabos. J'ai tout fait pour me convaincre du contraire durant des semaines.

Mon souffle se coupa, mes pas ralentirent. Ses mots venaient de tout foudroyer en moi. Je rapprochai mon visage du sien jusqu'à sentir son souffle sur ma peau.

— Je t'aime aussi, répondis-je le cœur serré. Mon amour te suivra partout où tu iras.

Nos lèvres se frôlèrent puis il m'embrassa d'un long baiser passionné, douloureux, désespéré. Il me pressa contre son torse, oubliant que nous étions au milieu de la foule. Un frisson de désir me transporta. Je m'écartai de lui pour reprendre mon souffle, pour calmer son ardeur pressante. Sa voix baissa d'une octave :

— Monte avec moi. Il faut que je t'enlève cette robe tout de suite.

J'inclinai ma tête et allai lui répondre quand un homme l'interpella :

— Monsieur Khan ?

Yeraz et moi nous tournâmes en direction de la voix. Ses hommes de main ne laissèrent pas passer cet individu trapu à forte corpulence qui insistait pour lui parler.

— Monsieur Khan, Nino vous envoie le bonjour.

Le type dégaina son pistolet plus vite que les hommes de la sécurité. Yeraz me poussa violemment avec sa main, mais c'était trop tard. Deux balles m'arrivèrent en pleine poitrine sans que j'aie eu le temps de comprendre ce qu'il se passait.

Je sentis mes jambes fléchir. Yeraz me rattrapa avant que ma tête touche le sol. L'homme qui venait d'ouvrir le feu tomba lourdement à terre, un peu plus loin, le corps criblé de balles.

Yeraz tourna mon visage vers lui avec sa main ensanglantée et il retira précipitamment ses lunettes. Mon Dieu, faites qu'il n'ait rien, pensai-je au fond de moi. Les yeux révulsés, il hurlait de toutes ses forces des ordres à ses hommes avant de revenir sur moi. Je n'avais jamais vu une telle expression de stupeur sur quelqu'un.

— Tiens bon ! Ne ferme pas les yeux, reste avec moi ! Je t'interdis de me quitter. Je t'en supplie, Ronney.

Je n'arrivais plus à respirer. Un goût désagréable de métal imprégnait ma bouche. Je ne sentais plus mon corps. Mon être tout entier semblait vouloir s'échapper vers une force puissante qui m'appelait.

— Je t'interdis de mourir ! cria Yeraz, les yeux pleins de larmes.

Ses traits étaient déformés par la douleur, par la culpabilité, par la peur. Il ne laissa personne nous approcher, pas même ses sœurs. Je me forçai à rester éveillée, mais mes paupières étaient lourdes. Je rassemblai mes dernières forces et lui souris avant d'articuler difficilement, au prix d'un énorme effort :

— Le vieux monsieur, je crois... je crois qu'il est temps que tu t'entretiennes avec lui. Maintenant, c'est entre lui et toi.

Je n'entendis pas sa réponse. Il me plaqua contre lui et tout devint subitement noir. J'arrêtai de lutter, c'était trop difficile. Elio, mes parents. Ma dernière pensée était pour eux. Je me laissai doucement partir, la mort n'était finalement pas très douloureuse, au contraire. Mon cœur s'arrêta, puis mes poumons aussi.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant