La chambre était baignée dans une lumière zénithale. À l'extérieur, il faisait un temps splendide en ce début d'après-midi pourtant, au fond de moi, tout était gris. J'avais détesté cet endroit dès le premier jour où j'étais arrivée et aujourd'hui, j'étais triste de devoir le quitter. Je continuai de plier et de ranger mes affaires dans ma valise, la tête ailleurs.
— As-tu besoin d'aide ?
Je me retournai vers l'entrée de la chambre. Yeraz se tenait là. Sa souplesse, sa grâce féline arrivait encore à me surprendre.
— Non, merci. J'ai bientôt fini. Je n'avais pas grand-chose de toute façon.
Je poursuivis d'une voix sans timbre et mécanique tout en rangeant mes affaires :
— J'ai vérifié la cohérence entre les opérations traitées de l'argent gagné et perdu de tes actions. Tout est à jour. Le rendez-vous avec la chargée de communication a été décalé à lundi, car les investisseurs du groupe Caforlia ont décidé d'avancer...
— Ronney, m'interrompit Yeraz, le monde continuera de tourner après ton départ alors laisse ça de côté.
Il s'avança vers moi et me donna le dernier tee-shirt qui restait sur le bord du lit.
— Nous serons amenés à beaucoup moins nous voir, mais tu sais où me trouver en cas de besoin.
Sa voix avait baissé d'une octave à la fin de sa phrase. Une soudaine angoisse montait en moi.
— Je ne sais pas ce qui est le pire : travailler avec toi ou être relookée chaque jour par Peter.
Yeraz sourit et dévoila une rangée de dents parfaitement blanches. Je baissai les yeux, impossible de soutenir ce regard qui me brûlait ardemment les prunelles. Tout était intense chez cet homme, de sa voix jusqu'à sa posture.
— Qu'il n'en fasse pas trop, je ne suis pas sûr d'apprécier une autre Ronney.
J'arrêtai de respirer. Mon étonnement était sincère. Comment pouvait-il me trouver jolie ? Je me rappelai tout à coup l'invitation pour le ballet de danse. Je pris, dans la poche arrière de mon pantalon, le carton et le lui tendis :
— Je sais que tu seras très occupé, demain, mais j'aimerais beaucoup que tu sois là.
Après un instant d'hésitation, Yeraz le prit et le glissa dans la poche interne de sa veste.
— Je ferai au mieux.
— Ils t'autoriseront sans doute à garder tes lunettes de soleil à l'intérieur.
Ce sarcasme vint à mes lèvres tout naturellement. Yeraz me jeta un coup d'œil complice. Il se retenait de rire.
— Finalement, tu as gagné, déclarai-je en fermant ma valise. Tu as réussi à te débarrasser de moi en m'éloignant le plus possible de ta vie et de ton quotidien.
D'un regard grave et autoritaire, Yeraz m'invita à poursuivre. Je pivotai sur moi-même pour m'en aller, mais sa main se referma brusquement sur mon bras avant que j'aie le temps de faire un pas.
— Je t'éloigne pour mieux te garder auprès de moi, Ronney.
Il approcha son visage du mien et je ne me dégageai pas. Je voulais qu'il m'embrasse. Ses lèvres se refermèrent délicatement sur les miennes et mon cœur s'arrêta aussitôt de battre. Je sentis son corps se presser contre le mien puis sa langue chaude s'enroula délicatement autour de la mienne. Nos souffles n'étaient pas en accord. Je lui rendais son baiser avec autant de passion. Nous restâmes ainsi à nous embrasser durant un bon moment jusqu'à ce qu'il relâche sa douce étreinte.
Tout s'arrêtait ici, brutalement, inachevé.
Le lendemain soir, mon père m'accueillit, débordant de joie. Il courait vers moi en agitant au-dessus de sa tête une grosse enveloppe marron.
Dans le restaurant, toute ma famille était à pied d'œuvre pour remettre l'établissement dans un état correct afin qu'il rouvre le plus vite possible. Mes cousins avaient même mis leur vie entre parenthèses pour nous donner un coup de main.
— Ronney, tu ne devineras jamais ! s'exclama mon père. Le gros John est passé ce matin et il nous a donné ça.
Curieuse, je me dépêchai de poser mon sac derrière le comptoir et pris l'enveloppe que mon père me tendait, le sourire toujours incrusté sur le visage. À l'intérieur, une liasse de billets si énorme qu'il m'était impossible de tout compter. La surprise me coupa le souffle, je blêmis et dus faire un effort pour me ressaisir. Mon père exalta :
— C'est un miracle, n'est-ce pas ? Il est venu nous rendre tout l'argent que lui et sa bande nous ont exhorté toutes ces années. Il a aussi ajouté que le restaurant n'aurait plus à donner une quelconque commission à l'avenir.
Sous le choc, j'étais incapable de répondre quoi que ce soit. J'avais l'impression de sortir d'un long cauchemar. Mes parents pourraient enfin avoir une vie normale. Yeraz avait tenu sa promesse.
Mon père me prit les mains et planta son regard rempli de reconnaissance dans le mien.
— Hija, je ne sais pas ce que tu as fait et je crois que je ne veux pas le savoir, mais ta mère et moi te remercions infiniment. Nous sommes si fiers de toi.
Je pris mon père dans mes bras. C'était mieux comme ça. Il n'avait pas besoin de savoir pour Yeraz, pour l'arme que j'avais braquée sur lui ni de l'échange auquel j'avais échappé de peu avec Nino. Non, il devait garder l'image intacte qu'il avait de moi.
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Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]
RomantikRonney est une jeune femme introvertie au physique disgracieux. Elle vit très modestement dans un des quartiers les plus pauvres de Sheryl Valley, une ville gangrénée par la mafia au sud de la Californie. Sans diplôme, elle travaille dur dans le res...