Chapitre 9-4

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J'ouvris la porte de ma chambre pour la dixième fois et tombai toujours sur deux hommes qui paraissaient débarquer tout droit des films d'espionnages avec lunettes noires et oreillettes comme accessoires. Impossible de sortir d'ici. Les deux hommes ne parlaient pas, mais leur posture suffisait à me dissuader de sortir de ma suite. J'avais envoyé plusieurs messages à Yeraz pour lui demander de me laisser me promener dans l'hôtel, mais il ne m'avait pas répondu.

Les minutes m'avaient paru des heures depuis que Yeraz avait quitté ma suite. Je zappai les chaînes de la télévision sans faire attention aux programmes. Les images de notre dernière conversation tournées en boucle dans ma tête. J'essayais de comprendre comment nous étions arrivés à cette soudaine proximité. Nous avions passé trop de temps ensemble ces dernières semaines, c'était certain. Mes parents n'arrêtaient pas de m'appeler sur mon téléphone, mais je ne répondais pas. Je ne voulais pas qu'il décèle la moindre gêne dans ma voix.

Soudain, on tapa à ma porte, je me mis à espérer que ce soit Yeraz. La déception se lut sur mon visage quand je découvris le service d'étage qui m'apportait mon diner.

Plus tard dans la soirée, fatiguée par les émotions de la journée, je glissai doucement dans un sommeil profond.

Des voix envahirent mes rêves et je me retrouvais projeté dans la salle B5 de mon lycée. L'odeur de Javel incrustée sur le sol me montait au nez. Je finissais de ranger mes affaires quand Bryan, un élève de dernière année et une partie de l'équipe de football rentrèrent dans la salle de classe avec fracas. Ils étaient une dizaine et parurent surpris de me trouver seule.

— C'est Ronney la moche, s'écria un des garçons au polo bleu assorti à la couleur de ses yeux.

Je baissai la tête en me dépêchant de fermer mon sac à dos, puis remontai l'allée de la salle à grands pas pour sortir de la classe. L'un des garçons referma la porte violemment avant que je n'aie eu le temps de la franchir. Je me transformais en une créature épouvantée. L'haleine de Bryan sentait l'alcool.

— Hey, Ronney, pourquoi n'essaierais-tu pas de nous faire bander ?

Les larmes aux yeux, j'essayais d'enlever leurs mains dégoutantes qui se promenaient partout sur moi. Je les suppliais d'arrêter.

— Qui veut voir en dessous de ses vêtements ? beuglait Bryan.

— J'espère que le spectacle est moins moche en dessous ! s'exclama un des garçons.

Des cris d'encouragement s'élevèrent tout autour de moi. J'étais au bord du malaise, sur le point de m'évanouir tellement que le stress était intense.

— À poil ! À poil ! À poil !

Les rires gras, leurs cris, étaient insupportables.

— Non, arrêtez, suppliai-je en larme. Enlevez vos mains de moi, enlevez vos mains de moi !

— Ronney ! Ronney, réveille-toi. Ronney !

Je me réveillai brutalement en sanglot, perdue, la sueur perlait sur mon front. Il était là, avec moi. Yeraz me tenait si fort dans ses bras qu'il aurait pu me briser s'il avait encore resserré un peu plus son étreinte. Il me fit asseoir sur ses genoux. Je sentais, à travers sa chemise, son cœur battre à tout rompre. "La mort ? Je m'endors et me réveille au creux de ses bras", c'était ses mots. S'y sentait-on aussi bien que je l'étais maintenant ? Si c'était le cas, alors je le comprenais. Les paupières lourdes, je me rendormis contre lui, mais sans aucun rêve ni cauchemar cette fois-ci.

La sonnerie du téléphone de Yeraz retentit avant de s'arrêter. Je mis quelque temps pour me rappeler où j'étais. J'avais la tête posée sur son torse. Les paupières closes, il dormait encore. Je sentais tous ses muscles se soulever à chacune de ses respirations. Sa chemise était déboutonnée. Après quelques secondes d'hésitation, mes doigts effleurèrent sa peau. Il était incroyablement bien bâti.

La sonnerie retentit de nouveau, Yeraz se leva en sursaut en jurant :

— Merde, nous sommes en retard. Fais chier !

Il s'était couché près de moi, tout habillé. Sans mes lunettes ni mes lentilles de contact, j'avais du mal à en voir davantage. Je vis sa silhouette arpenter la pièce et l'écho de sa voix indiquait son degré d'humeur. Je tentai de deviner avec qui il parlait au téléphone.

— Oui, le tournoi "Bisbee black and Blue." Très bien, nous serons là.

Silence. Yeraz avait dû raccrocher. Sa silhouette s'assit au bord du lit, je le distinguais mieux. Je me redressai et rejetai en arrière, les mèches de cheveux devant mon visage.

— Où allons-nous ?

— À la pêche.

Je soulevai un sourcil.

— Je m'attendais à tout sauf à ça.

— C'est une religion sur cette île. On vient du monde entier pour participer à ce tournoi. Il est devenu le concours de pêche le plus richement doté de la planète.

Le ton de sa voix s'était fugacement adouci :

— Ronney, te souviens-tu de ton cauchemar cette nuit ?

Un sentiment de honte m'enveloppa. Je tirai sur la couverture pour la remonter sur moi.

— Tu m'as entendu ? C'est pour ça que tu es venu dans ma chambre ?

Ma voix sonnait creux à mes oreilles.

— J'étais déjà dans ta chambre, sur le fauteuil. J'avais peur que tu te sauves en pleine nuit.

Il marqua une pause avant de poursuivre :

— Tes cris m'ont complètement fait paniquer.

Yeraz se leva, mon malaise devait être perceptible. Finalement, j'étais soulagée de ne pas pouvoir voir grand-chose. Affronter son regard à ce moment m'aurait été insupportable. Je détournai le mien et fixai le vide devant moi pour éviter qu'il accapare la plus grosse blessure de ma vie et qu'il s'en serve contre moi ensuite. Après un moment de silence intolérable, il déclara :

— Je vais prendre une douche et me changer. Je t'attends dans le hall.

J'acquiesçai avec un signe de tête. Il se dirigea vers la porte. Avant de l'ouvrir, il se retourna dans ma direction. Avec une crainte imprécise, il me demanda :

— Est-ce...est-ce qu'ils t'ont...

— Tu vas être en retard, le coupai-je avec anxiété. Tu dois te préparer.

— Dis-moi.

— Non, j'ai réussi à partir. Le lendemain, j'ai arrêté le lycée.

Je sentis son hésitation à me laisser seule ici. En entendant la porte se fermer derrière lui, j'exhalai alors un long soupir et me détendis. Je ne m'étais pas rendu compte que je retenais ma respiration depuis un moment.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant