Chapitre 11-5

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Isaac m'attendait près de la voiture. La portière grande ouverte, il m'invita à prendre place à l'arrière. Je le regardais d'un air suspicieux puis déclinai poliment :

— Je vais prendre un Uber, merci.

— Miss Jimenez, laissez-moi vous ramener chez vous, j'insiste.

— C'est Yeraz qui vous l'a demandé ?

L'homme acquiesça.

— Je ne veux rien de lui !

— Soyez raisonnable. Dans vingt minutes, vous pourrez être dans votre lit.

Je soupirai. Les mots d'Isaac finirent de me convaincre.

— Depuis combien de temps travaillez-vous pour lui ?

Ma question avait brisé le silence qui régnait depuis plusieurs minutes à l'intérieur de l'habitacle. Isaac me jeta un coup d'œil dans le rétroviseur.

— Longtemps, madame.

Sa réponse évasive indiquait le désir de ne commencer aucune conversation avec moi. Je persistai, car j'avais vraiment besoin de me confier à quelqu'un :

— Je crois qu'il me déteste. Pourtant, il s'entête à vouloir me retenir.

Je regardai le paysage défilé sous mes yeux, à travers la vitre. Isaac avait emprunté un autre chemin pour me ramener.

— Monsieur Khan n'est pas un homme qui fait dans les sentiments. Il n'a pas le temps de vous détester ni même de vous apprécier.

La mine attristée, je collai mon front sur la vitre. La sensation de fraîcheur me fit le plus grand bien. Isaac se racla la gorge avant de déclarer à voix basse :

— C'est la première fois en huit ans de carrière que je l'ai vu complètement absent par la pensée, ces derniers jours.

Je me redressai et regardai de nouveau dans le rétroviseur. Isaac, mal à l'aise de divulguer ces informations, n'osait pas rencontrer mon regard.

— Il a passé son temps à se renseigner à savoir où vous étiez et ce que vous faisiez.

— Je ne comprends plus rien, murmurai-je.

— Avant de vous rencontrer, monsieur Khan était un homme mort, sans âme. Vous êtes la personne qui lui avait montré qu'il était en vie.

Isaac s'arrêta une seconde avant de reprendre d'une voix étrange :

— Mais est-ce une bonne chose, miss Jimenez ?

Un frisson me parcourut le corps. Lorsque je détournai mes yeux, je reconnus la demeure de Yeraz. Je me redressai brusquement.

— Qu'est-ce que vous faites ?

— Je suis désolé, ce sont les ordres.

— Vous m'avez dit que vous me rameniez chez moi, je vous faisais confiance !

Je me retenais de ne pas hurler.

— Comprenez-moi, miss Jimenez, personne ne dit "non" à monsieur Khan.

Il descendit de la voiture, mais je ne l'attendis pas pour ouvrir la portière. Furieuse, je la refermai avec fracas derrière moi et foudroyai Isaac du regard sur mon passage. Il s'excusa une dernière fois avant que je rentre dans la maison, hors de moi.

La chambre de Yeraz était plongée dans une étrange pénombre. Je croisai mes bras sur ma poitrine pour me rassurer. Rien ne venait troubler le silence de la demeure. Une sorte de brume flottait dans l'air. La clarté de la lune éclairait la pièce et faisait danser sur le sol des ombres aux formes diverses. Je m'avançai doucement vers le grand buffet placé sur le côté du mur. Il était recouvert d'une vitre en verre transparente. En dessous, je distinguai six armes de calibres différents, rangée méticuleusement. Je me demandai alors : combien de temps un homme comme Yeraz pouvait rester en vie ? Il devait forcément avoir un tas d'ennemis. Ma gorge se serra à cette pensée. Soudain, des mains se posèrent sur la commode, de part et autre de mon corps, m'encerclant tel un étau.

— Tu ne devrais pas admirer ces jouets.

Je fermai à demi les yeux en entendant le murmure de sa voix.

— Et toi, tu ne devrais pas jouer avec ça, répondis-je d'une voix faible.

Yeraz fit coulisser le haut de la vitre transparente pour en sortir un pistolet. Toujours dos à lui, je sentis son corps se rapprocher encore un peu plus près de moi. Il prit mon poignet avant de me mettre l'arme dans la main.

— Non, je n'en veux pas !

Je me débattais, mais Yeraz resserra son étreinte et sa poigne d'acier sur mon poignet.

— C'est plus lourd que tu ne le pensais, je me trompe ? Ne te sens-tu pas plus forte, maintenant ? Ce MAC 50 a presque une âme.

J'essayai de lâcher le pistolet qui paraissait me brûler la paume des mains, mais Yeraz continuait de m'obliger à la tenir. Il me plaqua contre la commode pour m'empêcher de bouger et alla chercher avec sa main libre, des balles.

— Laisse-moi, tu es cinglé !

Le cœur battant, je me débattais comme je pouvais en criant. Il dirigea mes mains pour ouvrir le chargeur et installa les balles à l'intérieur. L'arme chargée, Yeraz la pointa droit devant nous, en mettant mon doigt sur la détente. Sa joue contre la mienne, je sentais sa barbe caresser ma peau puis ses lèvres s'approchèrent de mon oreille :

— Maintenant, tu sais comment ça marche. Quand tu allumes la mèche, je suis comme cette arme : capable de tout.

Yeraz n'appuya pas sur la détente, mais la menace était claire. Il me relâcha et j'en profitais pour m'écarter le plus loin possible de lui.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant