Chapitre 19-3

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Les jours passaient sans se ressembler. Je croulais chaque jour sous un énorme travail avec un rythme effréné. Je devais suivre les sœurs Khan sur leur shooting photo, assister aux interviews, gérer les déplacements professionnels, m'occuper des modérateurs, préparer les fêtes de fin d'année. Un groupe d'activiste était également entré en contact avec les filles afin qu'elles puissent porter la cause du combat contre le réchauffement climatique auprès du sénateur Town. Tout ça représentait un travail colossal, mais avait le mérite de m'occuper l'esprit. Penser à Yeraz me faisait énormément souffrir. J'avais tenu ma parole, j'étais sortie de sa vie et lui de la mienne. Pourtant, rien n'arrivait à arrêter l'hémorragie, derrière ma poitrine.

Bergamote et Alistair me voyaient à peine en semaine. Heureusement, nous nous retrouvions chaque samedi soir, sur le toit. Même si Daphné et son ballet étaient partis fouler les planches du pays, d'autres danseuses avaient pris leur place dans la salle de danse.

Ma colocataire faisait tout pour me changer les idées quand nous étions seules, toutes les deux. Elle savait qu'entendre le prénom de Yeraz était douloureux pour moi. Nous n'avions jamais été ensemble, nous ne pouvions donc pas parler de rupture, mais mon chagrin était vrai. Je m'écroulais parfois en pleurs, dans mon lit, tard le soir en espérant que son absence serait moins déchirante le jour d'après, mais ce n'était pas le cas.

J'avais dû annoncer à mes parents ma « fausse » séparation. Ma mère avait mis des jours à s'en remettre. Mes tantes l'avaient consolée plus que moi, d'ailleurs. Ils ne connaissaient pas Yeraz, seulement Giovanni : l'homme respectable, beau et qui travaillait dans la légalité la plus totale.

Je n'allais plus aux fêtes de famille, je n'étais pas prête à répondre aux questions les plus embarrassantes. Je préférais me plonger à corps perdu dans mon travail, la semaine au service de Camilia et de ses filles et le week-end, au restaurant. Elio était particulièrement attentionné envers moi malgré la fatigue. Les médecins avaient augmenté les doses de son traitement à la suite d'une rechute.

Alistair me répétait qu'il fallait laisser le temps au temps, qu'il ferait son job, mais je ne voulais pas attendre, non ! Je voulais que la douleur disparaisse vite, que mon addiction pour cet homme s'en aille.

Un des jours les plus difficiles de ces trois dernières semaines fut quand Camilia me convoqua dans son bureau pour me parler de la fête d'anniversaire de Yeraz. Si nous savions tous qu'il allait prendre ses fonctions à la tête de la Mitaras Almawt dans quelques semaines, Camilia insistait pour fêter les trente-et-un ans de son fils même si ça lui coûtait beaucoup.

— Je veux lui dire au revoir correctement, m'avait-elle dit dans un murmure, à la fin de notre entretien.

Elle avait fait ce qu'elle avait pu, personne ne pouvait dire le contraire. Avant de quitter son bureau, je lui avais demandé avec hésitation si elle connaissait le parfum préféré de son fils. Elle m'avait répondu sans réfléchir une marque de Christian Dior. Je lui avais demandé ensuite quelle était sa glace préférée. Surprise par mes questions, elle m'avait lancé un regard en coin avant de me répondre avec méfiance que son fils n'aimait pas ce genre de dessert, car ses dents avaient toujours été sensibles au froid.

— Pourquoi me demandez-vous ça, Ronney ?

— Pour voir jusqu'où vous connaissez votre fils. J'aurais aimé que la mienne sache, ne serait-ce que ma couleur préférée.

Camilia avait hoché la tête, l'air désolé.

— La sienne c'est le noir, mais je pense que vous vous en doutiez.

Peter avait préparé mes tenues tous les jours, du lundi au vendredi, pendant trois semaines. J'avais pris goût aux petites touches de coquetterie, mais toujours pas de devoir défiler sur des talons aiguilles durant mes pauses déjeuner. Zeus était venu en renfort, j'avais l'impression de me préparer pour les jeux Olympiques tellement les entraînements étaient intensifs.

Puis le jour du gala pour soutenir l'association Fashion for Liberty arriva. Un des plus grands événements de cette fin d'année.

J'arrivai dans le cabinet de Taylor. Nous étions en pleine semaine, mais il s'était, au téléphone, montré si pressé de me voir que ça m'avait semblé bizarre.

— Notre prochain rendez-vous était normalement samedi, lui fis-je remarquer pendant qu'il m'entraînait doucement vers le fauteuil sur lequel je m'allongeai. J'ai énormément de boulot aujourd'hui avec la soirée caritative. Peter va me tuer.

Le visage joufflu et sympathique de Taylor apparut au-dessus de moi. C'était un homme brun à l'allure militaire, mais pas du genre séduisant. Cependant, il avait un charme piquant dû à son sourire chaleureux et à ses yeux bleu pâle.

— Je sais, miss Jimenez. Votre journée est très chargée à cause du gala de ce soir. Je suis désolé de vous avoir demandé de venir ce matin, mais je voulais vous faire la surprise.

Je l'interrogeai du regard. Il poursuivit :

— Ce soir, vous pourrez sourire comme bon vous semblera et dévoiler une rangée de dents parfaite à tous les invités.

Je restai bouche bée. Mon esprit analysa chacun de ses mots pour vérifier que j'avais bien compris ce qu'il venait de me dire.

— Allez-vous me retirer mon appareil dentaire ? demandai-je sans y croire.

Taylor hocha la tête.

— Maintenant ?

Nouveau signe de tête de Taylor.

Je mis mes mains devant la bouche, je n'en revenais pas.

— Allez, miss Jimenez, mettons-nous au travail ! Il est temps de révéler votre véritable sourire aux yeux du monde.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant