Chapitre 19-5

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Je bus une gorgée d'eau fraiche à même la bouteille. Ça me fit un bien fou.

— Ronney ! Nous n'avons pas le temps de nous reposer, le défilé commence dans quelques minutes.

Peter claqua des mains pour me presser en poussant un soupir exaspéré.

— Les filles Khan sont-elles prêtes ?

— Oui, répondis-je, elles sont avec Camilia en loge, Hadriel est avec elles. Les filles passent en dernier juste avant la belle Carla qui doit clôturer le défilé avec la robe de Balmain.

Je secouai la tête avant de poursuivre sur un ton désapprobateur :

— Mon Dieu, cette robe si courte est scandaleusement transparente.

— Ronney, c'est de la mode. La dentelle est placée au bon endroit, on ne voit strictement rien. Carla ne sera pas nue, c'est juste un effet d'optique. Le mépris que vous avez pour cette robe est juste ahurissant. Cette tenue est une œuvre d'art.

J'évitai de peu un groupe de personnes qui fonçait sur moi. Peter consulta sa montre. Avant qu'il tourne les talons pour repartir au fond des coulisses, je le retins par le bras.

— Yeraz sera-t-il là, ce soir ?

L'assistant de Camilia croisa les bras sur lui et me lança un regard aigu.

— Laissez Yeraz de côté ! J'ai besoin que vous soyez complètement disponible ce soir.

Je lui adressai un regard insistant. Peter leva alors les bras au ciel.

— Non, ce soir il a une réunion importante. Que voudriez-vous qu'il fasse ici ? Camilia a bien essayé de le traîner de force, malgré ce que pensait Hadriel, mais en vain. Maintenant, allez apporter des boissons aux modèles et vérifiez qu'elles se mettent bien en ordre pour défiler.

Je tentai de cacher mon immense déception avec un petit hochement de tête, mais Peter n'était pas dupe.

J'observais au loin Hadriel. Les mains dans les poches, il murmurait à l'oreille d'une mannequin, à la longue chevelure blonde, qui se laissait volontiers séduire. Leur petit jeu de séduction avait débuté il y avait quelques heures déjà. Dans la salle, les invités affluaient tandis que dans les coulisses la pression était à son comble.

Soudain, les cris catastrophés d'un styliste attirèrent à tous notre attention. Peter partit immédiatement à sa rencontre. Je décidai de le suivre.

— Carla vient de faire un malaise, une ambulance est en train de l'emmener à l'hôpital.

L'homme grand et mince aux cheveux décolorés avait un fort accent italien et tenait dans ses mains la robe de chez Balmain. Le visage de Peter se vida de son sang. Je le sentis perdre tous ses moyens. Il s'épongea le front nerveusement.

— Non, souffla Peter. Mon Dieu, c'est la catastrophe. La garce !

Sentant tous les regards sur nous, j'improvisai et déclarai d'une voix forte :

— Tout va bien, retournez à votre poste !

Pourquoi avais-je dit ça ? Mon intervention permit cependant à toutes les équipes de reprendre leur travail. Peter nous entraîna en vitesse, le styliste et moi, dans la loge de Camilia.

— Pourquoi n'annulons-nous pas le passage de Carla, tout simplement ? demanda Cyliane, assise sur une chaise.

— C'est une des tenues les plus importantes de la soirée, la pièce maîtresse, répondit Peter, agacé.

— Maman, arrête de marcher comme ça. Tu vas finir par me rendre folle ! s'écria Aaliyah en levant ses mains au-dessus de sa tête.

— Il y a bien une mannequin qui peut défiler à sa place ? Il y a l'embarras du choix, ce soir.

Le styliste étudia la question de Camilia, mais balaya vite cette idée d'un revers de la main.

— Carla fait moins d'un mètre soixante-dix. Cette robe a été quasiment cousue sur elle. Où peut-on trouver une femme de taille moyenne, à la poitrine non retouchée et qui fait du trente-six en pointure ? Dites-moi.

Soudain, tous les visages se tournèrent vers moi. Putain de merde ! Mon rire trop rapide, trop nerveux, répondit à ma place.

— Ronney peut le faire ! affirma Ghita avec aplomb.

Prise de malaise, je fermai les yeux.

— Non... voyons Ghita, je ne peux pas. Vous avez perdu la tête.

Je ne reconnaissais pas le son de ma voix.

— Ronney a raison, intervint Camilia. Elle a peut-être les mensurations, mais les journaux ne lui feront pas de cadeau en ce qui concerne son physique.

Camilia, moulée dans sa robe bleu marine, se tourna vers moi :

— Loin de moi l'envie de vous blesser, mais je refuse de vous donner en pâture à ces requins de journalistes.

— Ne vous en faites pas, la rassurai-je, ce soir, vos propos sont les bienvenus. Vous pouvez même en rajouter.

Ghita se leva de son fauteuil pour s'adresser à tout le monde :

— Non ! Ronney est une belle femme. Elle a juste besoin qu'on le lui dise. Peter, tu sais faire des miracles, alors ce soir, tu vas faire de Ronney la femme la plus belle de tout Sheryl Valley et même de toute la Californie.

— Oui, enfin bon, il y a des limites, murmura Peter en regardant ailleurs.

Je hochai la tête pour approuver ses paroles. Le styliste s'approcha et tourna autour de moi en m'observant attentivement.

— C'est elle que je veux ! lâcha-t-il d'un coup.

— Non, non, répondis-je, paniquée. Je suis un cas perdu. Mes cheveux sont emmêlés, mes yeux sont cernés.

J'avais beau mettre mes défauts sur la table, personne ne m'écoutait. Ils se disputaient tous entre eux dans la pièce en me laissant à l'écart.

— Mettre Ronney sur scène est un risque, c'est vrai, car elle n'a jamais défilé de sa vie, mais nous n'avons pas d'autre solution pour sauver cette soirée.

La remarque d'Aaliyah poussa Peter dans une profonde réflexion. Je levai la main devant moi comme pour demander la parole puis déclarai sur un ton hésitant :

— Si j'ai mon mot à dire, je pense que c'est une très mauvaise idée. Je veux bien dépanner, mais il y a des limites. Je ne suis pas mannequin. Je joue l'autre rôle, vous savez ? « La fille moche » et je vous avoue que ce soir, je suis bien contente de l'avoir.

Tout le monde fit mine de prendre en compte mes paroles avant de repartir aussitôt dans leur débat houleux comme si je n'étais pas là.

Peter mit fin à la discussion en poussant un grand cri qui écrasa brusquement un silence dans la loge. Je soupirai, soulagée qu'il arrête cette mascarade et sonne la fin de la récréation. L'assistant de Camilia se posta en face de moi et porta une main sur son menton, plus sérieux que jamais. Après une attente interminable, il déclara :

— Il me faut la meilleure équipe de maquilleurs. Pour le coiffeur, je veux Ethan et une tonne de soins. N'oubliez pas la manucure et la prothésiste ainsi que la podologue. Pour les épilations, je veux Charly. Nous avons deux heures devant nous pour transformer Ronney, mieux vaut ne pas traîner.

Camilia et ses filles se précipitèrent vers la porte. La matriarche se tourna vers Peter avant de sortir :

— Il te faut autre chose ?

— De l'alcool, répondis-je à sa place d'une voix chevrotante. Beaucoup d'alcool.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant