Je remerciai Ashley pour les vêtements de rechange qu'elle m'avait apporté même si je trouvais que le tee-shirt vert citron était trop voyant et moulant à mon goût.
— Allez, filez à l'étage, vous êtes en retard.
Ashley paraissait s'inquiéter pour moi. Elle m'enleva des mains mon pantalon sale et le plia soigneusement. Timothy qui était resté avec nous pendant que je me changeais rouvrit les portes du séjour.
— Vous êtes sûr que ça va comme ça ?
Je remontai mes lunettes puis tirai sur le bas de mon tee-shirt en espérant l'allonger un peu plus. Heureusement, le pantalon n'épousait pas mes courbes.
— Vous êtes parfaite ! répondit Timothy d'un air peu convaincu.
Je pris une profonde inspiration et relevai la tête avec une autorité impérieuse avant de partir rejoindre Yeraz. Dans quelques minutes, je serais au milieu des lions.
J'eus l'impression de me pétrifier sur place lorsque tous les regards se tournèrent vers moi. Je refermai doucement la porte pour ne pas troubler le lourd silence qui régnait dans le lieu. La pièce était baignée dans la lumière du jour qui s'infiltrait par les grandes fenêtres, le long du mur. Une dizaine d'hommes, réunis autour d'une grande table ovale, m'examinaient de la tête au pied avec un air empreint de pitié puis s'échangèrent des coups d'œil consterné.
Hamza en bout-de-table s'agitait. Il s'adressa à Yeraz en langue arabe. L'homme semblait désapprouver ma présence avec véhémence. Les rides s'accentuèrent sur le front de Yeraz. Avec un signe de main, il m'indiqua un siège vide, à côté de lui.
Les yeux tournés vers la fenêtre de la cuisine, j'entendis à peine la question de Timothy. C'est quand il posa sa main sur la mienne que je revins à moi. Mon assistant me regardait d'un œil perplexe.
— Les dossiers que vous m'avez demandé d'imprimer, c'est pour monsieur Khan ?
— Non, c'est pour Camilia.
— Mais, monsieur Khan est-il au courant ? C'est que je ne veux pas avoir d'ennuis avec le boss.
Timothy jeta un coup d'œil autour de lui comme s'il avait peur d'avoir été entendu. Je soupirai puis remontai mes lunettes avant de piquer avec ma fourchette le bœuf aux carottes dans mon assiette.
— Je ne rends pas de compte à Yeraz, mais à Camilia. Et vous, vous travaillez pour moi donc, merci d'imprimer ce dossier avant la fin de la journée.
Mon ton avait été plus sec que je ne l'aurais voulu. Timothy n'y pouvait rien si mon cerveau menaçait d'exploser après la réunion tendue de ce matin.
— Je suis désolée. Mon week-end a été un peu chamboulé. Passer mon temps avec Yeraz...il est complètement différent en dehors de ces murs.
Un silence stupéfait accueillit mes paroles. Le visage de Timothy changea aussitôt d'expression. J'ouvris la bouche en secouant la tête pour me rattraper, mais aucun son n'en sortit.
— Attendez une minute. Vous et monsieur Khan vous êtes vus durant le week-end ?
— Oui, mais ce n'est pas ce que vous pensez Timothy.
— Oh, mais je ne pense rien.
Merde, je m'enfonçai.
— Il essaie de m'intimider afin que je démissionne de ce poste.
Le jeune homme hocha la tête, ce qui fit bouger légèrement sa mèche rousse sur son front.
— Et bien, vous êtes encore là aujourd'hui. Ça prouve que vous êtes bien plus forte qu'on peut le penser.
Timothy partit d'un pas agité me chercher ma tasse de café. Le fait d'être servi ainsi me mettait mal à l'aise, mais mes assistants refusaient que j'accomplisse certaines tâches moi-même. Lorsqu'il revint se poser en face de moi, il tordit sa bouche et me tendit ma tasse de café d'un air embarrassé. Je l'interrogeai du regard.
— À vrai dire, commença-t-il, je ne pensais pas vous revoir cette semaine. Nous avons vu passer beaucoup de monde avant vous, mais vous êtes la seule à ne pas redouter les conséquences de mettre le nez dans les affaires de monsieur Khan. Il ne va pas vous rendre la vie facile, vous savez.
— J'en suis consciente, mais je n'ai rien à perdre. Ma vie est déjà un chaos absolu. Il ne peut rien faire de plus.
Je bus une gorgée chaude de mon café puis changeai de sujet :
— Où est Ashley ?
— Partit repérer les lieux pour le gala de Thanksgiving. La décoratrice a besoin des mesures exactes de la salle et de plus de photos. Elle est chargée de tout organiser avec elle.
J'avais envie de lui poser des questions au sujet d'Ashley et de Yeraz, mais leur relation ne me regardait pas. Je me demandais juste si je pouvais avoir une totale confiance envers mon assistante qui couchait avec le patron.
— Demain, je dois rencontrer les cadres nationaux et internationaux de Roskuf. Pour préparer cette rencontre, j'aurais besoin de consulter les dernières rédactions de correspondance commerciale avec cette société et les analyses de rapports.
Timothy jeta un coup d'œil rapide sur sa montre et commença à débarrasser l'îlot.
— C'est dans les archives. Je vais te montrer comment marche le logiciel avec lequel monsieur Khan travaille et ensuite tu devras te débrouiller seule. Tu es la seule à être autorisée à consulter ces fichiers.
J'allais le remercier quand soudain nous entendîmes la porte d'entrée s'ouvrir. Timothy et moi nous regardâmes, surpris. Yeraz n'attendait personne. C'est alors qu'un visage qui commençait à me sembler familier surgit juste dans l'encart de la porte de la cuisine.
— Peter, merci de vous présenter quand vous débarquez à l'improviste, admonesta Timothy en portant une main sur son cœur.
Peter fit tourner sa main en rond dans les airs.
— Vous plaisantez, j'espère. Je suis plus chez moi ici que vous.
Son regard se porta ensuite au-dessus de l'épaule de mon assistant pour me détailler avec insistance. J'étais incapable d'esquisser un seul mouvement. La paire d'escarpins vert anis à haut talon qu'il tenait dans sa main droite attira mon attention.
— Vous avez besoin de quelque chose ? s'impatienta Timothy.
— Oui, j'ai besoin de Ronney. Si vous saviez dans quoi je me suis embarqué, vous n'en reviendrez pas. Souhaitez-moi bonne chance. Je vais en avoir besoin.
La voix lasse de Peter indiquait presque un début de dépression nerveuse. Timothy se retourna vers moi en s'adressant à notre invité :
— Désolé, nous avons encore beaucoup de travail et...
Sans attacher d'importance à la remarque de Timothy, Peter tourna les talons.
— Ronney, je vous attends à l'étage, dans vos quartiers. Je n'ai pas beaucoup de temps à perdre avec vous, alors dépêchons-nous.
Sur ce, il s'éloigna dans l'entrée et monta les escaliers. Peter me faisait penser à un acteur sur la scène d'un théâtre. Il paraissait toujours en représentation en faisant ressortir son côté gay jusqu'à son paroxysme.
Timothy claqua des mains et dit :
— Tu devrais y aller. Il vaut mieux ne pas le faire attendre. Je vais ranger tes emails dans l'ordre d'urgence à traiter et commencer à y répondre.
J'étais sur le point de riposter, de refuser de monter cet escalier, mais je me rendis compte que je n'avais pas d'autre choix que de rejoindre Peter. On ne disait pas non à cet homme.
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Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]
RomanceRonney est une jeune femme introvertie au physique disgracieux. Elle vit très modestement dans un des quartiers les plus pauvres de Sheryl Valley, une ville gangrénée par la mafia au sud de la Californie. Sans diplôme, elle travaille dur dans le res...