Chapitre 14-5

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Je tenais la porte en saluant un par un, chaque homme qui sortait du bureau. Certains prirent plus de temps à quitter la pièce. Je m'impatientai. Il me fallait absolument avoir une conversation avec Yeraz.

Quand je refermai enfin la porte, je constatai, surprise, que Ian et Jessim étaient toujours là. Je me raclai la gorge :

— Yeraz, pouvons-nous avoir une conversation, maintenant ?

Toujours assis sur son fauteuil, il semblait hésiter. Finalement, avec un geste de la main, il m'invita à m'approcher de lui. Je jetai un coup d'œil à ses deux hommes de main qui restaient figés, la tête haute, telles des statues.

— En privé, précisai-je.

Yeraz, de plus en plus nerveux, se toucha la nuque avec sa main. Ses lunettes noires m'empêchaient de briser la glace entre nous.

— Non, Ronney !

Étonnée, je mis quelques secondes à retrouver la parole.

— Enfin, c'est grotesque ! Je n'ai pas l'intention de te faire la peau.

Ma remarque obligea Jessim et Ian à tourner leur visage vers moi avant de regarder Yeraz. Après un petit signe de la main de leur boss, ils levèrent de nouveau leur tête pour reprendre leur position initiale, mais cette fois-ci, les deux hommes semblaient davantage tendre l'oreille vers nous. Yeraz restait muet.

— Enlève ces foutues lunettes ! m'agaçai-je

À ma grande surprise, il obtempéra. Ses yeux empreints de sévérité vinrent se planter dans les miens. Il n'y avait plus une seule once de douceur au fond de ses prunelles sombres. Non, il n'y avait plus rien. Avec une admirable maîtrise de lui-même, il resta parfaitement impassible.

— Que veux-tu, Ronney ? J'ai beaucoup de travail. Ne me fais pas perdre mon temps !

Je ravalai de justesse un éclat de colère.

— Je veux savoir où en est l'affaire de...hier soir. Où est passé l'homme avec qui j'ai parlé sur le toit ?

Je priai pour que Yeraz ait compris le sens de ma question. Il s'affala dans son fauteuil et garda le silence un instant en m'observant.

— L'homme sur le toit est reparti à ses activités. Il reste avant tout un homme d'affaires avec peu de temps à accorder aux autres.

Sa voix sonnait faux. Je me rendais compte à quel point j'avais été naïve. Pendant que j'essayai de digérer ses paroles, une tempête hurlante était en train de saccager mon esprit. La déception, la colère et les regrets m'assaillirent.

Je tournai mon visage vers ses deux gardes du corps. Ils détournèrent aussitôt leurs yeux de nous, mal à l'aise d'assister à cette conversation. Un bref instant, mon visage s'empourpra. Yeraz feignit de ne rien remarquer. Il sortit un petit papier de la poche intérieure de sa veste et me le tendit. Il y avait une adresse et un nom inscrit dessus.

— Isaac t'attend. Il t'emmènera récupérer une enveloppe que tu devras transmettre ensuite à cette personne.

— Monsieur Clyde ?

C'était le nom inscrit sur le papier. Yeraz hocha la tête.

— Que contient cette enveloppe ?

Ses traits se durcirent. Il releva son menton en proférant un grognement puis, allant directement au fait, il s'exprima sans la moindre hésitation :

— Des photos compromettantes qui pourraient tomber dans les mains de sa femme s'il décidait de continuer à s'occuper de nos affaires.

Mon estomac se noua et un frisson me parcourut. Je reposai le papier sur le bureau et réussis à articuler malgré la boule grandissante dans la gorge :

— Non, je ne veux pas transporter ça ! C'est hors de question que je participe en quoi que ce soit à cette technique d'intimidation.

Ses paupières se plissèrent. Mes paroles ne faisaient qu'accentuer son expression furieuse.

— Tu n'as pas le choix, Ronney !

— Si, j'ai le choix ! Je verrais ça avec Camilia, ripostai-je vigoureusement.

— Pour lui dire quoi ? Que l'on a couché ensemble, cette nuit ?

Mon regard se tourna vers Jessim et Ian qui faisait semblant de n'avoir rien entendu, mais les traits de leur visage disaient tout le contraire. Ils auraient préféré être n'importe où plutôt qu'ici.

Je reculai, furieuse, en me mordant les lèvres jusqu'au sang.

— Tu as couché avec moi juste pour me faire chanter après ?

— Bien sûr !

Yeraz esquissa un léger mouvement de surprise devant la tristesse éloquente que mes yeux devaient révéler. S'apercevant trop tard des conséquences de ses paroles, il s'empressa d'ajouter d'une voix plus calme :

— Je ne t'ai rien promis, n'oublie pas.

Malgré que le sol se dérobait sous mes pieds, je devais encore faire l'effort de tenir debout.

— Et si je refuse de faire ce que tu me demandes ?

Il me répondit d'un ton indifférent :

— Tu ne pourras plus financer le traitement de ton frère. Si je ne me trompe pas, je crois qu'il est vital pour lui.

Il m'était impossible de dissimuler cette détresse sans nom qui hantait mon regard. Ma propre respiration resonnait dans mes oreilles. Je repris le papier en le pliant dans mon poing.

— Ce sera fait d'ici ce soir, monsieur Khan.

Un voile vint ternir l'éclat de ses iris orageux. Il contracta sa mâchoire et voulut ajouter quelque chose, mais je partis avant qu'il n'ait eu le temps de le faire.

Après avoir claqué la porte du bureau derrière moi, je m'appuyai contre le mur, la respiration saccadée et me giflai violemment le visage. Pauvre conne ! Il t'a bien eu.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant