Chapitre 14-4

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Je me dépêchai de rentrer dans le bureau de Yeraz. Le cours de Peter me valut quelques minutes de retard. Hamza et ses hommes étaient déjà installés dans la pièce, face à lui. Ma soudaine apparition les interrompit dans leurs échanges. Hamza se retourna et son expression se rembrunit aussitôt. Il se pinça les lèvres pour éviter de prononcer des paroles mal placées à mon encontre. Je partis m'asseoir à une place vide, dans un coin de la pièce, en retrait du petit groupe et je sortis rapidement mon bloc note. À côté de moi se tenaient les deux gardes du corps de Yeraz : Jessim, l'homme au visage émacié et aux yeux clairs ainsi que Ian, le tatoué aux cheveux longs. Très attentifs à ce qui se passait dans la pièce, rien ne semblait pouvoir les perturber.

Yeraz portait ses grosses lunettes. Pas une seule fois, il tourna son visage vers moi. Assis derrière son bureau, il écoutait attentivement Hamza qui s'exprimait à voix basse afin de me compliquer le travail. Je me forçai à me concentrer pour ne pas être troublée par la présence de Yeraz. Des flashs de la nuit dernière me revenaient en rafale. Je fermai les paupières et secouai la tête pour les chasser.

— Miss Jimenez, tout va bien ?

La voix de Jessim me ramena au moment présent. Confuse, je fis oui de la tête avant de me remettre sérieusement au travail. L'attention de Yeraz faiblit l'espace d'un court instant, mais personne ne s'en aperçut.

— Quel est le taux d'intérêt du prêt pour cette entreprise ?

— Un pourcentage de quarante sur un an.

Yeraz parut enchanté de la réponse d'Hamza. L'homme écarta ses mains et ajouta l'air satisfait :

— L'entreprise ne pourra jamais tout rembourser. Maintenant, il suffit d'attendre. Dans quelques mois, l'entrepreneur devra nous céder ses parts.

— Et s'il refuse ?

Tous les visages se tournèrent vers moi. Ma question semblait les étonner. Le petit groupe de personnes se jeta des coups d'œil interloqués avant de détourner leurs regards vers Yeraz qui me répondit d'une voix curieusement lente :

— S'il refuse, il se fera tuer.

Horrifiée, je demeurai bouche bée. Incapable de bouger, je regardai fixement Yeraz. Mon cœur se mit à cogner dans ma poitrine. Pendant ce temps, la réunion continuait comme si de rien n'était. Leurs voix me parvenaient comme un écho lointain.

— Les Yakturas ont profité du tremblement de terre de l'année dernière en Chine pour décrocher des contrats de reconstruction immobilière. Ils ont gagné des millions d'euros.

Yeraz écoutait attentivement Hamza. Il frotta son front et répondit d'un ton bref :

— Les Yakturas font très bien la distinction entre les affaires légales et illégales.

— Nous avons sûrement des choses à apprendre d'eux. Quand je dis "nous", je parle surtout de vous. Dans quelques semaines, vous serez à la tête de la Mitaras Almawt.

— Dites ce que vous avez à dire Hamza.

Yeraz avait joint ses deux mains sur le bureau et inclina sa tête en attendant la réponse de son interlocuteur. C'est alors qu'un homme d'une cinquantaine d'années au teint cireux et à l'air antipathique s'adressa à Yeraz :

— Vous vous obstinez à miser sur "Roskuf." Ce groupe est une bombe à retardement. Leurs actions ne vaudront plus rien, demain, en bourse. C'est un des pires placements que vous pouvez faire. Pensez à l'empilage et à l'intégration. Avec eux, ces opérations sont impossibles.

Un sourire machiavélique se dessina sur les lèvres de Yeraz.

— "Roskuf" peut être un joli cadeau, un cadeau empoisonné pour l'un de nos collaborateurs ou un entrepreneur un peu trop gênant. Il suffira de le convaincre alors de mettre tout son argent sur les actions de ce groupe pétrolier au moment voulu. Ne vous en faites pas, j'y travaille.

Un silence lourd prit place dans le bureau puis de petits rires diaboliques montèrent crescendo dans la pièce.

— Yeraz, vous me rassurez ! s'exclama Hamza en secouant la tête. Je ne peux que m'incliner devant cette idée de génie. Vous allez finir par mettre notre milice au chômage avec des plans comme ça.

Yeraz, satisfait, s'affaissa dans son fauteuil. Il paraissait déjà à cet instant, le roi au milieu de ses disciples. Hamza demanda prudemment :

— Pour ce CADEAU, pensez-vous à quelqu'un en particulier ?

Yeraz hocha la tête sans rien ajouter de plus. Le mystère restait entier.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant