Chapitre 5-5

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L'endroit cosy était peu fréquenté à cette heure déjà bien avancée de l'après-midi. J'étais mal à l'aise avec tous les regards curieux de la clientèle tournés vers nous. Les gens de cette classe sociale devaient se demander comment une femme comme moi pouvait se trouver en compagnie d'un des plus beaux spécimens de la gent masculine. Je levai les yeux au ciel intérieurement. J'aurais préféré être en train de déjeuner dans le restaurant de mes parents ou sur un banc dans le parc à deux pas de celui-ci. Le serveur lui-même parut déstabilisé par ma présence lorsqu'il était venu prendre notre commande. Yeraz était comme à son habitude : inébranlable.

Je reprenais une bouchée de mon carré d'agneau rôti en croute. La subtilité de ce plat calma un temps ma colère.

— Allez-vous vraiment aider à la rénovation de l'immeuble ?

Yeraz se resservit un verre de vin rouge, puis me répondit sèchement :

— Je m'y suis engagé.

Je secouai la tête et me pinça la lèvre jusqu'au sang pour ne pas exploser.

— Ce n'est pas un peu exagérer ? Il y avait d'autres moyens que celui-ci pour m'atteindre, non ?

Le jeune homme regarda quelques instants autour de lui. Il paraissait chercher ses mots. Ça ne lui ressemblait pas.

— J'avoue, c'est un peu exagéré. J'aurais dû laisser cet endroit à son sort. On peut dire que je suis dans mon bon jour.

— Quelle grandeur d'âme, déclarai-je sur un ton ironique.

Yeraz me jeta un regard glacial avant de se retrancher dans le silence.

— Nous n'avons pas besoin de votre argent. Je ne veux pas que vos pratiques douteuses s'immiscent dans ma vie.

Il soupira, exaspéré par mes propos. Ses doigts fins vinrent caresser lentement le bord de son verre.

— Cet arrangement a été fait en respectant toutes les formalités administratives et a été rédigé sous les formes les plus légales. Il m'arrive, bien plus que vous le croyez, de respecter les règles. Vous avez d'autres questions ?

— Parce que vous me répondrez ?

— J'essaierais !

Ses traits prirent une expression grave. Il me remplit mon verre vide. Je détournai le regard, agacée par ses bonnes manières. Je le trouvais presque charmant et attirant à cet instant. Je poussai mon assiette vide et remontai mes lunettes avant de joindre mes deux mains sur la table.

— Pourquoi Camilia pense-t-elle encore pouvoir vous sauver ? Comment arrive-t-elle encore à croire que vous renoncerez à votre appartenance à la Mitaras Almawt ?

Le jeune homme se laissa aller contre le dossier de sa chaise.

— Votre frère est malade, c'est bien ça ?

Interloquée par sa soudaine question, je pris quelques secondes avant d'y répondre :

— Oui, vous êtes bien renseigné.

Ma voix basse et tremblante trahissait toute la tristesse qui m'habitait à cet instant. À ma grande surprise, les traits du visage de Yeraz se radoucirent.

— A-t-il un traitement ?

— Pas encore, mais c'est pour bientôt, enfin je l'espère.

Je dois juste garder ce poste d'esclave.

— Si demain les médecins disaient à votre mère qu'il n'y avait plus rien à faire pour son fils, qu'il fallait le laisser partir, que ferait-elle ?

Les larmes me montèrent aux yeux. Je remontai mes lunettes puis me mis à regarder partout autour de moi. Finalement, je revins planter mon regard désespéré dans celui de Yeraz. Je comprenais où il voulait en venir.

— Elle ne lâcherait rien. Je ne lâcherais rien, non plus. Nous y croirons toujours, jusqu'à son dernier souffle.

Ses yeux glissèrent sur mon tee-shirt délavé, inélégant avant de revenir sur moi. Il me fixa quelques secondes, comme s'il m'évaluait. Son visage demeurait impassible.

— Il y a un grand nombre d'actes que je pourrais faire pour aller à l'encontre de ma mère. Si je le voulais, ses actions demain ne pourraient plus rien valoir, mais je veux lui éviter tout ça. Je ne vais pas lui voler ces quelques mois. Elle en a encore besoin pour se faire à l'idée et pour me laisser partir.

Il marqua un temps d'arrêt avant de poursuivre :

— J'ai eu de nombreux assistants et assistantes, personne n'a jamais pu rendre un seul rapport de mes réunions à Camilia. Je me demande encore comment vous avez pu y parvenir. Ces informations sont sensibles et peuvent mettre beaucoup de monde en danger, y compris, vous.

Ces derniers mots restèrent suspendus dans l'air. Son regard pénétrant était indéchiffrable. La bile me brûla la gorge.

— Combien ?

Sa question me surprit. Je me mis à bégayer :

— Combien quoi ?

— Tout à un prix, Ronney. Combien pour que vous démissionniez de ce poste ? Combien pour le traitement de votre frère ?

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant