Le majordome annonça notre arrivée avant de nous laisser entrer dans le bureau d'Hamza. Après un rapide coup d'œil à son employé, celui-ci nous laissa seuls avec le maître de maison. Hamza se leva à demi derrière son bureau pour nous saluer puis nous indiqua les deux fauteuils en face de lui.
Nerveuse, je posai mes mains sur mes genoux. Hamza m'observait avec curiosité. Son air antipathique ne quittait pas son visage. Il se tourna ensuite vers Yeraz et lui proposa un cigare qu'il refusa poliment avant de retirer ses lunettes. Calé au fond de son siège, Hamza commença la conversation :
— Comme je vous l'ai dit l'autre jour, Nino est un homme aux idées arrêtées. Modifier les termes du contrat le chiffonne.
— Ce n'est pourtant pas la première fois que nous modifions quelques lignes dans un contrat !
Le ton de Yeraz était glacial.
— Notre entente avec la Rosa Negra et son chef, Nino, est fragile, vous le savez bien. Nous leur avons cédé une grande partie du territoire de la cocaïne dont vous ne vouliez pas entendre parler contre des commerces. Nous avons suivi vos directives et soudain...
Hamza tourna sa tête vers moi avant de revenir sur Yeraz et acheva sa phrase :
— Vous faites marche arrière pour combler les désirs de votre assistante.
Véhément, Yeraz riposta :
— Ne vous aventurez pas sur cette pente, Hamza ! Je connais personnellement l'établissement des parents de miss Jimenez. Je refuse qu'il soit un dommage collatéral à nos affaires. Ce restaurant n'aurait jamais dû faire partie de notre liste.
Hamza porta son cigare à sa bouche avant de s'emparer d'un dossier, posé sur son bureau, qu'il examina scrupuleusement puis ajouta d'une voix calme :
— Tous les établissements commerciaux ainsi que ceux de la restauration font partie de notre liste. Comment pouvait-il en être autrement pour celui de la famille Jimenez ?
Interdite, je regardai longuement Hamza pendant que l'air se chargeait d'électricité.
— Maintenant, ça a changé ! trancha Yeraz d'une voix grave. Il n'y a pas matière à discuter. Débrouillez-vous pour réparer cet incident et enlever ce restaurant de cette putain de liste.
Absorbé dans ses réflexions, Hamza plissa son front puis hocha enfin la tête l'instant d'après.
— Nino et moi nous sommes longuement entretenus à ce sujet. Vous m'avez demandé d'arranger ça, je m'y suis attelé. Finalement, nous sommes arrivés à un accord très correct.
Yeraz joignit ses deux mains sur son torse et invita son interlocuteur à poursuivre. Un faux sourire se dessina alors sur les lèvres d'Hamza.
— Nous avons convenu d'un échange d'employés. Miss Jimenez va désormais travailler au service de Nino.
Je sentis le sang quitter mon visage. L'horreur se lisait sur mes traits. Où étions-nous ? Sur le marché des esclaves ?
— Jamais ! rugit Yeraz, hors de lui.
Il se leva si brutalement de son fauteuil que celui-ci se renversa. Hamza tira sur son cigare avant de hausser le ton :
— Faites attention, jeune homme, la politesse est indispensable, même entre nous ! Surveillez votre comportement quand vous vous adressez à moi. Je n'accepte aucun acte de rébellion au sein de notre famille. Khan, vous avez encore tout à apprendre au sein de la Mitaras Almawt.
Yeraz, furieux, arpentait la pièce tel un lion en cage en fulminant. De mon côté, c'était à peine si j'arrivais à réaliser ce qui était en train de se passer. Le cauchemar continuait. À ce moment, la voix d'Hamza parut me parvenir de très, très loin.
— Les échanges d'employés ont toujours existé dans notre milieu. Ils font partie du business eux aussi. Ce procédé ne te dérangeait pas il y a encore peu de temps. Combien de cuisiniers, de femmes de ménage, de comptables ou d'assistants avons-nous échangé ?
La bile me montait à la gorge. Cette rencontre devenait irréaliste. J'allais être vendue, ou plutôt échangée, comme une vulgaire chaussette. Que pouvais-je faire ? Si je refusais, mes parents seraient plongés à jamais dans cet engrenage sinistre de racket.
— Ronney ?
Je repris mes esprits quand Yeraz posa sa main sur mon épaule.
— Attends-moi dans la voiture.
Sa voix se voulait rassurante. Encore sous le choc, je me levai difficilement. Mes jambes peinaient à me porter. Je quittai le bureau d'Hamza sans lui adresser un mot ni un regard. Mon sort était désormais entre les mains de Yeraz.
Après avoir refermé la porte derrière moi, je soufflai de toutes mes forces l'air contenu dans mes poumons. J'étais au plus mal, ma tête me tournait. À travers les murs, j'entendais des bribes de leur conversation.
— Il n'y aura aucun échange !
Yeraz éclata de colère.
— Vous vous mentez à vous-même depuis des semaines. Vous ne pouvez tenir les rênes du royaume si votre esprit est ailleurs. Votre vie demande des sacrifices et celui-ci en est un !
— Je suis toujours resté le même. J'ai toujours été loyal envers vous et je n'ai jamais reculé face à mes devoirs.
— Vous pourriez tuer un inconnu dans la rue s'il le fallait, mais vous êtes incapable de laisser cette femme partir. Vous vous éloignez de vos principes pour elle !
Hamza criait lui aussi. Maintenant, ils se disputaient en arabe jusqu'à cette dernière phrase :
— C'était une erreur de partir à Los Cabos avec votre assistante, je vous avais mis en garde. Quand vous êtes revenu, j'ai tout de suite compris, j'ai tout de suite su. À la seconde où j'ai posé mes yeux sur vous, j'ai su que nous vous avions perdu.
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Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]
RomanceRonney est une jeune femme introvertie au physique disgracieux. Elle vit très modestement dans un des quartiers les plus pauvres de Sheryl Valley, une ville gangrénée par la mafia au sud de la Californie. Sans diplôme, elle travaille dur dans le res...