Chapitre 15-6

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Je pris une grande inspiration et ouvris avec fracas la porte du bureau sans avoir pris la peine de frapper avant. Je dégainai aussitôt mon arme et entrai en action. Comme je l'avais deviné, Yeraz se tenait derrière son bureau. Il leva vers moi d'abord un visage étonné puis se recula sur son fauteuil comme un homme que l'on secouait brutalement. Je relevai l'absence d'Hamza.

Un homme de petite taille avec les cheveux ramenés en arrière bondit sur moi, mais il s'arrêta net quand je braquai mon arme sur lui.

— Fais encore un pas et je t'explose le crâne, rugis-je d'une voix menaçante.

Les hommes qui m'encerclaient reculèrent prudemment.

— Putain, Ronney, qu'est-ce que tu fous ? vociféra Yeraz, hors de lui.

Il parcourut la pièce à grandes enjambées en ma direction. Résolue, je pointai l'arme sur lui en ôtant le cran de sûreté. Yeraz se figea, le teint blême. Il cherchait visiblement à comprendre la raison de mon comportement pourtant, celui-ci était plus que justifié.

— Sortez de la pièce, hurla Yeraz sur ses hommes. C'est entre moi et miss Jimenez.

La dizaine d'hommes présents ne bougea pas. Tous me scrutaient avec des yeux plus menaçants les uns que les autres, prêts à se jeter sur leur arme.

— Foutez le camp ! tonna Yeraz, les yeux sortis de leurs orbites.

Sentant que la situation dégénérée, il bouscula un de ses hommes. Le bras tendu depuis de longues secondes, je commençai à fatiguer, mais ne relâchai pas pour autant mon geste. J'étais prête à tirer sur le premier qui ferait un pas vers moi. Les hommes regagnèrent lentement la sortie à reculons en prenant soin de ne pas me tourner le dos. Leur regard me criait que je ne sortirais pas d'ici vivante, chose que je savais déjà.

Lorsque nous fûmes enfin seuls, Yeraz tourna brusquement la tête vers moi pour me transpercer d'un regard glacial. Les mots jaillirent de ses lèvres en un flot de haine :

— Ça fait deux fois que tu pointes ce flingue sur moi. Je te jure que tu as intérêt à vider ton chargeur et de vérifier ensuite que je sois bien mort, Ronney. Tu te prends pour qui pour venir me braquer chez moi avec mon arme en plus ?

Le canon levait sur lui, je hurlai :

— C'est toi qui es venu me menacer, ce soir, chez mes parents. Tes hommes ont brisé leur vie. Ils ont tiré dans tout le restaurant. Je te déteste.

Ma voix s'enflait à mesure que je parlais. Les muscles du visage de Yeraz se relâchèrent. Il paraissait ne pas comprendre ce que je lui racontais. Une expression de stupeur prit place sur ses traits. Il ferma les yeux et murmura :

— Le plan Kayser.

Je fronçai les sourcils. Que racontait-il ? Yeraz revint planter son regard sévère dans le mien. Il garda le silence quelques instants avant d'ajouter :

— Après une guerre de territoire et un accord passé avec le chef du clan de la Rosa Negra, la Mitaras Almawt a pris le contrôle des restaurants et des clubs de Sheryl Valley.

— Quand avez-vous passé cet accord avec eux ?

Yeraz secoua la tête avant de détourner les yeux.

— Quelle importance, Ronney ?

— Quelle importance ? On vient de nous tirer dessus et tu ne trouves rien de mieux à me répondre.

Je resserrai la main sur mon arme. Yeraz s'abstint de répondre. Il demeurait impassible, dans l'espoir que ma colère se calmerait s'il ne l'alimentait pas de ses provocations.

— Quand as-tu signé cet accord ?

Sur un ton dur et résolu, il répondit enfin :

— Deux semaines après que tu aies pris tes fonctions à ce poste d'assistante.

J'eus l'impression qu'une lame brulante me transperçait. Je suffoquai. J'avais l'impression de tomber d'un immeuble de vingt étages, de plonger un peu plus dans le néant. Les larmes coulaient sur mes joues. Yeraz s'avança vers moi, mais je le tenais en joue avec mon arme.

— C'était une formalité comme une autre pour moi. Je te jure, Ronney, que jamais je n'aurais signé quoi que ce soit à ce jour qui puisse te mettre toi ou tes proches en danger. C'était avant.

— Avant quoi ? criai-je en sanglot. Vous pourrissez la vie des habitants de Sheryl Valley. J'ai failli me prendre une balle dans la tête, ce soir. Qu'aurais-tu fait, Yeraz ?

Une profonde tristesse se peignit sur son visage, ravagé par la douleur. D'une pâleur excessive, il paraissait à cet instant mourir de souffrance. Je ne parvenais pas à lire dans le fond les plus obscures de sa pensée. Mes larmes continuaient de couler, je ne pouvais pas les arrêter.

— Je préfèrerais souffrir mille morts plutôt qu'on te fasse du mal.

Il avait articulé chaque mot en insistant sur chacun d'eux. Ma main qui tenait le pistolet se mit à trembler et à se ramollir.

— Je ne referais pas les mêmes choix, aujourd'hui. Tu es la chose que j'ai de plus pure dans ma vie, Ronney.

Je baissai doucement mon arme, le cœur gonflait de douleur et de tristesse.

— Pourtant tu m'as dit le contraire, l'autre jour, rétorquai-je pleine de rancœur.

Yeraz, désemparé, murmura :

— Je sais et j'aurais tellement aimé croire ce que je racontais.

Vidée de toutes mes forces, j'arrivai à peine à prononcer ces mots :

— Je suis épuisée, Yeraz, si fatiguée par cette vie.

Yeraz franchit l'espace qui nous séparait pour presser ses lèvres sur mon front. D'une main, il tenait fermement l'arrière de ma tête tandis que l'autre me désarmait.

Je sursautai quand j'entendis la porte s'ouvrir dans un boucan. Yeraz se retourna brusquement. Placé devant moi, il braquait son MAC 50 sur ses hommes.

— Tout va bien, messieurs, ranger vos armes !

Le petit groupe obtempéra après une analyse rapide de la situation. Yeraz fit de même en rangeant son pistolet à l'arrière de son pantalon.

— Soan, préviens Hamza que j'arrive. Je dois régler quelque chose avec lui. Les autres, vous pouvez y aller. Nous continuerons la réunion, lundi.

Les hommes saluèrent respectueusement Yeraz avant de quitter la pièce chacun leur tour. J'allais partir moi aussi, mais il me retint.

— Je vais arranger ça, je te le promets.

Il me suppliait du regard de le croire. Je me dégageai de ses bras et répondis d'un ton glaçant :

— Tu as intérêt sinon, tu ne me reverras plus jamais.

Je quittai la pièce après lui avoir lancé un regard chargé de promesses.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant