Chapitre 6-6

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Je m'assis sur les marches du perron, à l'entrée de la maison de ma tante Maria. Les larmes aux yeux, je mis le casque de mon baladeur sur les oreilles. La voix d'Elvis me calma aussitôt. Mes mains s'arrêtèrent de trembler et j'arrivai de nouveau à respirer calmement. Yeraz devait déjà être parti. Je ne l'avais pas vue à l'intérieur de la maison et sa voiture n'était pas garée devant. Tant mieux ! Il m'avait, une fois de plus, gâché ma journée. La pluie avait laissé dans l'air une odeur aux petites notes florales. Je respirai profondément et posai ma tête sur mes genoux. Quel week-end de merde ! pensai-je.

— Vos cousins et cousines ne sont pas des enfants de chœur avec vous.

Non, il était encore là. Mais d'où sortait-il ? Je ne fis pas l'effort de relever la tête, tout simplement parce que je n'avais aucune envie de le voir. Yeraz s'assit à côté de moi.

— Je comprends mieux pourquoi mes remarques ne vous touchent pas. Vous devez être plus que blindé pour survivre au sein de cette famille.

J'augmentai le son de mon baladeur pour ne plus entendre sa voix. Malheureusement, ce vieil appareil manquait de puissance et couvrait peu le bruit autour de moi.

— Pourquoi ne les envoyez-vous pas aller se faire foutre ?

Je relevai doucement mon visage vers lui et enlevai le casque de mes oreilles

— C'est ma famille, Yeraz !

Nous étions que tous les deux et son prénom m'avait échappé. Il ne me reprit pas.

— Et alors ? Il faut apprendre à dire non dans la vie.

Je rêvai. Yeraz Khan me donnait des leçons sur la façon dont je devais me comporter en société. Je promenai mes yeux tout autour de moi avant de revenir sur lui.

— Si c'est la seule façon pour eux de se sentir mieux dans leur vie, alors je veux bien endosser le rôle du vilain petit canard. Je préfère qu'ils s'acharnent sur moi plutôt que sur une autre de mes petites cousines. Parce que moi je peux le supporter, pas elles.

Quelque chose traversa le regard de Yeraz, une expression que je ne connaissais pas.

— Mon monde est dangereux, Ronney. Si je vous traite aussi durement c'est que je ne veux pas que vous en fassiez partie.

Je levai les yeux au ciel.

— Merci, je l'avais bien compris. Mais j'ai besoin de cet argent et je ne veux pas du vôtre. Alors, quoi faire pour que vous arrêtiez de me suivre partout durant mes week-ends ?

Yeraz détourna son regard du mien. Il respira profondément avant de me scruter bien en face avec un air de défi.

— Apprenez à dire non !

— Pardon ?

— Oui, Ronney. Je vous laisserais tranquille quand vous aurez appris à répliquer et à dire non.

Je remontai mes lunettes et secouai ma tête.

— Impossible.

— Donc nous sommes destinés à passer tous nos week-ends ensemble jusqu'à la fin de votre contrat.

Au moment d'ouvrir la bouche pour riposter, la porte s'ouvrit derrière nous. Ma mère et ma tante apparurent dans l'encart de la porte, soulagées de nous trouver ici.

— Ronney, ma chérie, je te cherchais partout. Pourquoi restez-vous sur le perron ? Venez à l'intérieur.

— Madame Jimenez, je vais devoir y aller.

Ma mère ne cacha pas sa déception.

— Déjà ? Mais vous reviendrez ?

Ma tante et elle s'inquiétèrent soudain de voir ce prince charmant partir pour ne plus jamais revenir.

— Oui, nous allons avoir le plaisir de nous revoir très prochainement, déclara Yeraz sur un ton rempli de promesse.

J'essayai de dissimuler mon désappointement à l'idée de passer tout mon temps avec lui.

— Nous sommes ravies.

Ma mère jeta un regard satisfait à ma tante.

— Ronney ?

— J'arrive, maman.

Les deux femmes saluèrent celui qu'elle considérait comme mon petit ami avant de nous laisser de nouveaux seuls.

— Vous ne voulez-vous pas que je vous ramène ?

Yeraz se releva et enfouit sa main dans la poche pour en sortir son téléphone. Je me redressai également et refusai poliment sa proposition. Je n'avais pas envie d'être embarquée de nouveau de force. Il composa rapidement un message sur son portable et même pas une minute après, Isaac apparut au volant d'une grosse cylindrée, noire.

— À demain, miss Jimenez.

Je croisai les bras sur moi et le regardai s'éloigner vers la voiture. La nuit commençait à tomber. Dans quelques heures, je le retrouverais dans son monde, comme il aimait me le rappeler. Soudain, une force instinctive s'empara de moi.

— Yeraz ?

Je descendis les marches du perron et le rejoignis à grande enjambée sur la chaussée. Il m'attendait devant sa portière déjà ouverte. Devant son imposante stature, je me forçai à faire abstraction de son charme étourdissant.

— Vous en avez appris beaucoup sur moi aujourd'hui, tandis que de mon côté, je ne sais pratiquement rien de vous. Pourquoi vous êtes-vous attaché à cette vie alors que vous aviez une chance de vous en sortir à la mort de votre père ?

Je guettai sa réponse. Yeraz referma la portière et me répondit avec une tranquillité inquiétante:

— Quand vous avez reçu votre poupée à votre quatrième anniversaire, moi, au mien, j'ai reçu un fusil 22 long rifle. Si vous me demandez quel était mon dessin animé préféré lorsque j'étais petit, je serais incapable de vous répondre, car je n'en ai jamais vu un seul, sauf hier, à votre studio.

Yeraz rouvrit la portière de la voiture et monta à l'intérieur, l'air plus sombre que jamais. Avant de la refermer, il mit sur son nez ses lunettes aux verres opaques que je détestais tant. Médusée par ses paroles, je restais là immobile.

La grosse cylindrée partit dans la nuit en me laissant sous le choc, au milieu de la route.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant