Chapitre 10-6

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J'arrivais ce lundi matin avec une boule au ventre chez Yeraz. Le chef était en train de déposer les repas dans la cuisine, guidé par Ashley. Quand elle m'aperçut à l'entrée, elle m'indiqua avec son doigt la direction du salon en articulant doucement :

— Timothy a besoin de vous.

Je hochai la tête et partis le rejoindre. Le pauvre était avec son ordinateur portable en train de jongler avec un fichier dans lequel étaient répertoriés les contacts de milliers de personnes. Il parut soulagé de me voir.

— Bonjour, Ronney. Nous devons commencer à envoyer les cartes de vœux pour cette fin d'année. Yeraz souhaite aussi faire le tri dans ce fichier qui n'a pas été mis à jour depuis un moment. Il perd trop de temps à chaque fois dessus.

Timothy s'arrêta soudain de parler et m'observa en biais.

— Pourquoi gardez-vous votre veste ? Et pourquoi me regardez-vous avec ce regard désolé ?

Il se leva brusquement du canapé en mettant ses deux mains devant lui.

— Non, non, non. Je vous interdis de nous dire que vous nous quittez. Je ne peux pas entendre ça, pas maintenant.

— Je ne pars pas, le coupai-je.

Un soupir de soulagement s'échappa de lui.

— Je prends des vacances.

— Quoi ? Vous prenez quoi ?

Mon assistant, choqué, secoua la tête en levant ses sourcils.

— Il n'y a pas de congé dans ce boulot. Nous sommes des esclaves dociles, des paillassons où des bottes couvertes de boue peuvent venir s'essuyer. C'est ça notre job !

— Je suis passée chez Camilia à l'aube. Elle m'accorde une semaine de congé qui est compris dans mon contrat.

Timothy posa ses mains sur ses hanches, visiblement surpris par cet aveu.

— J'aurais dû négocier mon contrat moi aussi, murmura-t-il, grognon.

— Je reste à Sheryl Valley. S'il y a quoi que ce soit, je suis joignable. Je n'aime pas l'idée de vous laisser en plan, mais j'ai vraiment besoin de prendre du recul. Ce poste est si anxiogène.

À cet instant, Ashley rentra dans la pièce de son pas dansant et interrogea Timothy du regard en remarquant l'ambiance étrange entre nous deux.

— Ronney prend une semaine de vacances, lâcha mon assistant vert de jalousie en faisant virevolter sa main dans les airs.

— Merde ! Camilia est-elle...

— Oui, elle est au courant, répondis-je avant même qu'elle ne finisse de poser sa question.

— Et monsieur Khan ?

Silence.

— Pas encore.

Ma voix chevrota un peu. Ashley resta silencieuse et me dévisagea longuement. Je réprimai une envie de partir en courant de cette maison avant que tout le monde ne devine qu'il s'était passé quelque chose sur l'île.

— Bien ! Comptez-vous lui annoncer maintenant ? Ou le faire par message ?

Elle avait pris un ton indulgent, presque docte.

Je me pinçai les lèvres et me mis à regarder vers le plafond pour réfléchir un instant. Lorsque je reportai de nouveau mon regard sur eux, mon sang se glaça. Ils regardaient tous les deux par-dessus mon épaule, l'air terrifié. Je fermai mes paupières.

— Il est là, c'est ça ?

Le silence répondit à leur place. Je rouvris les yeux et me tournai lentement en direction de l'entrée du séjour. Yeraz se tenait debout, les mains dans les poches, en me fixant d'un regard important. Tiré dans son costume noir à quatre épingles, il dégageait quelque chose de si fort. Je me sentis devenir toute petite. Même s'il ne laissait rien transparaître, je savais que son sang-froid se rapprochait dangereusement de la fureur.

— Ma mère vient de m'appeler. Vous prenez des vacances, miss Jimenez ? Pourquoi n'ai-je pas été informé avant elle ?

Sa voix était basse et grave, comme s'il avait hurlé toute la matinée. J'avais du mal à répondre. Une brûlure me remontait dans la poitrine.

— J'ai pris beaucoup de retard au studio. Nous devons absolument boucler cette fin de saison.

Yeraz inclina la tête et révéla un léger sourire sardonique sur les lèvres.

— Vos vacances sont refusées ! Vous les prendrez après le gala si j'en conviens.

Je poussai une exclamation de surprise. Tétanisés, Ashley et Timothy observaient la scène. Yeraz pensait qu'il pouvait faire ce qu'il voulait de moi. Je n'étais pas un pion et je ne travaillais pas pour lui, merde ! Je pris une profonde inspiration et m'adressai à mes assistants d'une voix assez forte pour qu'ils m'entendent :

— Donc, comme je vous l'ai dit, je serais joignable sur mon téléphone.

Ils me regardèrent tous les deux avec de grands yeux comme si j'étais devenue folle.

— Jimenez, je veux vous voir dans mon bureau, MAIN-TE-NANT !

Je rassemblai mon peu de courage et me dirigeai vers la sortie du séjour, mais au moment de dépasser Yeraz, il me barra la route avec son bras.

— Qu'est-ce que tu fous ? me glissa-t-il à l'oreille, la mâchoire serrée.

— Laisse-moi prendre mes jours de congé.

Mon murmure était teinté de colère.

— Si tu pars maintenant, Ronney, je te le ferais regretter.

Je m'écartai de lui, les traits crispés de dégoût.

— Va te faire soigner !

Il me plaqua contre le mur et leva son doigt menaçant devant lui. Ses prunelles ténébreuses vinrent se planter dans les miennes. Son visage était si proche de moi que je pouvais sentir son haleine parfumée caresser ma peau.

— Ne m'oblige pas à me répéter, Ronney. Je déteste ça.

Il me relâcha brusquement et quitta la pièce. Timothy et Ashley vinrent aussitôt à mes côtés pour s'assurer que j'allais bien.

— C'est la première fois que nous voyons monsieur Khan dans cet état. Il ne fait jamais de scène devant les gens d'habitude. Pourquoi est-il dans un tel état de rage ?

Timothy essayait de comprendre les agissements de son boss tandis qu'Ashley me regardait silencieuse avec un air suspicieux. Son sixième sens lui indiquait sûrement que quelque chose avait dû se passer entre Yeraz et moi à Los Cabos.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant