Chapitre 16-5

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Je révélai juste à Peter l'existence du plan Kayser qui liait Yeraz à la Rosa Negra et que pour donner suite à cet arrangement, j'insistais pour que le restaurant de mes parents soit retiré de la liste des commerces à racketter.

— Vous échanger ? Vous ?

Peter, ahuri, se laissa tomber sur une chaise en apprenant la proposition qu'Hamza avait faite à Yeraz.

— Mais vous êtes loin d'être un trophée, ma chère.

Je donnai une petite tape sur son épaule.

— Je suis une très bonne assistante ! ripostai-je.

— OK, trêve de plaisanterie. La Rosa Negra est une organisation très puissante, l'affaire est donc sensible. Pour eux, un accord reste un accord.

— La vie de Yeraz n'est pas en jeu, tout de même ?

Peter recula son visage et m'observa d'un air suspicieux :

— Voyez-vous ça ! Notre Ronney est plus inquiète pour son boss que pour elle-même. Ma chérie, c'est vous qui risquez d'être vendue comme du bétail.

— Échangée !

Je croisai les bras. Peter continua :

— Je ne sais pas lequel d'entre vous est le plus fou. Seriez-vous réellement prête à vous sacrifier pour lui ?

— Je veux juste qu'il ne lui arrive rien !

Peter secoua la tête et changea brutalement de ton. Il était plus sérieux que jamais :

— Il lui arrivera forcément quelque chose un jour, Ronney. Lorsqu'on est à la tête d'une organisation criminelle comme celle-ci, on ne vit pas assez vieux pour regretter quoi que ce soit dans sa vie. Yeraz restera toujours jeune.

Quelque chose se brisa en moi en entendant ces paroles.

— Vous devriez vous préparer à ce jour où il faudra lui dire au revoir, d'une manière ou d'une autre.

Je détournai mon regard pour balayer la pièce des yeux. La douleur dans ma poitrine grandissait. Les paroles de Peter étaient criantes de vérité, mais insupportables à entendre pour moi.

— Bon, Camilia n'a pas besoin de savoir que vous avez outrepassé la règle numéro un, s'exclama-t-il pour changer de sujet. Et qu'en est-il pour la règle numéro deux ?

Prise de court, je revins planter mes yeux dans les siens. Je bégayai quelques mots incompréhensibles avant de terminer ma phrase par :

— C'est sans importance.

Peter ouvrit de grands yeux ronds, il n'en revenait pas. Mes joues s'empourprèrent.

— Jésus ! Et moi qui pensais que plus rien ne pouvait m'étonner dans ce monde.

Il allait ajouter quelque chose, mais Abigaëlle se présenta à l'entrée de la chambre pour m'annoncer que mon déjeuner était prêt. Peter décida de m'accompagner, ce qui me convenait parfaitement. Je n'avais pas envie d'être seule ni de broyer du noir.

Je mangeai sans vraiment d'appétit. L'assistant de Camilia, assis en face de moi, passait de nombreux coups de fil. Il râlait au téléphone et se plaignait d'être entouré d'une bande d'incapables. Voir cet homme passer par toutes les émotions possibles avait au moins le mérite de me faire oublier ces derniers jours d'horreurs et de stress intense.

Abigaëlle me demanda si je voulais reprendre un peu de poulet grillé, mais je refusai poliment en ajoutant que le repas était délicieux. Peter darda un œil noir sur l'employée qui quitta la cuisine sans attendre.

— Pourquoi êtes-vous si désagréable avec les gens qui vous entourent ?

Ce dernier haussa les épaules avant de prendre son verre d'eau et d'en boire une longue gorgée puis il répondit d'un ton plein de sarcasme :

— J'attends des employés qu'ils soient irréprochables, même si avec vous, j'ai appris à faire avec.

Je levai les yeux au ciel.

— Vous n'êtes qu'un sale con !

Il éclata d'un petit rire qui s'apparentait à celui d'un cartoon. Je baissai mes yeux sur ma montre, cela faisait presque deux heures que Yeraz s'entretenait avec sa mère. Que pouvaient-ils bien se raconter ? La situation était-elle aussi préoccupante que ça ?

— Ronney, que diriez-vous de reprendre les entraînements de coaching dès lundi ? Ce serait dommage de perdre tout ce que nous avons appris jusqu'ici.

Je me levai et partis chercher la bouteille de vin sur le plan de travail. La suggestion de Peter ne me plaisait guère. En revenant à ma place, il ne me laissa pas l'ignorer.

— Vous devriez y mettre un peu plus de volonté. C'est pour vous que je fais ça. La prochaine étape serait que vous enleviez cet appareil dentaire immonde. Je sens qu'il y a un petit potentiel en vous, il faudrait juste que...

— Peter ! Pourriez-vous arrêter de tout critiquer rien qu'une minute ? J'ai l'impression d'être avec mes pestes de cousines. Croyez-moi, si je pouvais enlever ce truc collé sur mes dents, je le ferai. Le problème est que j'ai une orthodontiste camée, la moins chère de Sheryl Valley, je précise, qui visiblement fait traîner les choses pour garder ses patients le plus longtemps possible afin de pouvoir continuer à se payer ses doses.

Peter posa sa tête entre ses mains. Scandalisé par mes paroles, il ne prit pas la peine de répondre au coup de fil qu'il était en train de recevoir.

— Mais c'est horrible. Cette femme est un monstre ! Quel plaisir a-t-elle à laisser les gens défigurés ainsi ? Ronney, vous ne pouviez pas le dire plus tôt ?

Je laissai ma fourchette en suspens devant ma bouche et l'interrogeai du regard, les yeux plissés.

— Qui peut résoudre les problèmes aussi bien que moi ? Ce n'est pas un hasard si je suis l'assistant de Camilia. J'appelle Taylor tout de suite.

— Que... quoi ? Qui est Taylor ?

— Le dentiste de la famille Khan, le meilleur de la Californie.

Paniquée, je posai ma fourchette et mis les mains devant moi pour arrêter Peter qui avait déjà saisi son téléphone.

— Non, arrêtez, je vous en prie. Je n'ai pas les moyens ! Je ne peux pas me payer ses services.

L'assistant de Camilia plissa son nez et d'un revers de la main, me renvoya mes paroles à la figure.

— Je sais que vous me revaudrez ça.

Son petit clin d'œil en disait long. L'expression « vendre son âme au Diable » venait à cet instant de prendre tout son sens.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant