Chapitre 18-2

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Le séjour donnait l'impression d'être directement dans le jardin à cause de l'immense baie vitrée qui laissait passer une lumière transparente.

Installée autour de la table, je profitai de ce moment de solitude pour échanger avec Timothy et Ashley par visioconférence. Je souris en observant leurs mimiques sur leur visage. Ils se plaignaient de leur dure journée de travail, de l'agitation qui régnait au sein des murs, mais ils trouvaient tout de même le temps de plaisanter ensemble.

Yeraz avait décidé de leur supprimer leur jour de repos dans la semaine. Dorénavant, ils n'auraient que le dimanche.

— Il est d'une humeur massacrante depuis que vous êtes partie, déclara Ashley.

— Oui, à cause de vous, nous ne dormons plus et sommes obligés de nous nourrir que de sandwichs tellement les pauses sont courtes.

Timothy fit mine de se tirer une balle dans la tête. Tous les deux me manquaient.

— Je vous ai gardé une bouteille de vin. Elle est planquée sous l'évier, chuchota Ashley avec un clin d'œil complice.

Je souris.

— C'est avec plaisir que je passerai boire un verre, répondis-je le cœur lourd.

Soudain, j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir. Ma pause était finie. Camilia et ses filles revenaient du déjeuner passé en compagnie de Yeraz. La matriarche avait préféré que je reste là. C'était un repas de famille où des choses devaient être dites.

Je saluai rapidement mes deux anciens assistants et me dépêchai d'éteindre la tablette. Camilia, accompagnée de ses filles et d'Hadriel, entra dans le séjour. Peter, qui venait de les rejoindre, me décrocha un regard peu amène. Il tira une chaise à côté de moi et s'assit en me fusillant du regard.

— Super le pull ! me lança Cyliane. Les gros cercles veulent-ils dire quelque chose ?

— Oui, c'est un message pour dire aux extra-terrestres qu'elle est des leurs.

Le ton de Peter était au-delà de la moquerie acerbe. Je serrai la mâchoire et tournai mon visage vers lui.

— Je ne me sentais pas prête ! chuchotai-je.

— Quel est votre but dans la vie, miss Jimenez ? murmura Peter un brin agacé. Rester moche jusqu'à la fin de vos jours ?

— Peut-être !

Blessée, je me renfermai sur moi-même.

— C'est bien dommage, car même avec toute la volonté du monde vous n'y arriveriez pas.

Je revins brusquement sur lui. Cet aveu si inattendu de sa part m'ébranlait. Mal à l'aise, il évita soigneusement de me regarder, mais ajouta à voix basse :

— Je ne peux pas faire de miracle si vous ne mettez pas un peu du vôtre !

Je me pinçai les lèvres et réfléchis un instant avant de répondre :

— Choisissez-moi des vêtements un petit peu moins voyants et je vous promets de faire un effort. Je ne peux pas changer du jour au lendemain.

Quand il plongea son regard dans le mien, je ressentis une étrange empathie à mon égard. Il m'adressa un demi-sourire et hocha la tête.

— Pouvons-nous commencer ? demanda Camilia en consultant sa montre.

Tout le monde autour de la table acquiesça. Je baissai la tête et rivai mes yeux sur les quinze centimètres de talon de Ghita. Elle avait tout mon respect d'arriver à marcher avec ça toute la journée. Peter me donna un petit coup de pied sous la table afin que je me concentre sur la réunion.

— J'aimerais revenir sur le prochain gala de charité qui aura lieu le vingt-trois décembre, le dernier de l'année. Tyra Bank, la porte-parole et amie de l'association Fashion for liberty organisera cet évènement autour de la lutte contre la précarisation des mères isolées dans les quartiers défavorisés de Californie. L'intégralité des dons sera reversée à Better life et One chance. L'association compte sur nous pour convier un parterre d'invités d'exception pour cette soirée importante.

Camilia se tourna vers moi et ajouta :

— Ronney, j'imagine que cet évènement doit forcément vous tenir à cœur. Vous êtes issue de ces quartiers.

Les hochements de tête compatissants des filles Khan et d'Hadriel m'obligèrent à prendre l'air le plus solennel.

— Oui, en effet, ça pourrait aider beaucoup de familles.

Peter leva discrètement les yeux au ciel. Camilia poursuivit :

— Bien, l'évènement aura lieu à Los Angeles. Au programme : diner, concert et défilé de mode. Aaliyah et Ghita vous défilerez pour la maison Victoria's secret et Chanel. Hadriel, Dolce Gabana et Balmain te veulent absolument.

Camilia marqua une pause et consulta ses notes sur son téléphone avant de poursuivre en levant ses yeux au-dessus de ses lunettes :

— Peter, tu assisteras la direction artistique. Rien ne devra être négligé.

Mon voisin accepta la mission qui lui incombait avec le plus grand sérieux comme si ce gala de charité était devenu la chose la plus importante pour lui. Lorsque Camilia se tourna vers moi, mon cou s'enfonça dans mon pull.

— Ronney, ce soir-là vous devrez veiller à ce que les invités trouvent leur place et qu'aucun paparazzi n'entre dans les coulisses. Seuls les photographes avec des badges pourront venir photographier les mannequins avant le défilé.

Je hochai la tête. Elle parlait d'une voix calme, mais empreinte de froideur. Tout le monde autour de la table l'écoutait attentivement et avec respect pendant qu'elle donnait les instructions et les tâches de chacun.

Cyliane demanda au détour de la réunion :

— Yeraz sera-t-il présent ?

Camilia se tut et suivit sa pensée puis son regard se posa par hasard sur le bouquet de roses blanches qui trônait sur la table. Elle s'inquiétait de savoir si la présence de son fils était nécessaire. Finalement, Hadriel répondit à sa place :

— Même si l'ombre de la tragédie de ce week-end se dissipe peu à peu, il vaudrait mieux qu'il ne soit pas présent lors de cette soirée. C'est un gala de charité, il ne doit pas accaparer l'attention de cet évènement important.

Il avait parlé d'un ton aimable, mais dépourvu de chaleur.

Les filles Khan échangèrent leur point de vue avant de se mettre du côté d'Hadriel puis Camilia changea brusquement de sujet pour ne pas s'étendre sur ce point sensible.

— Mon avocat a envoyé un avertissement au Daily News pour répondre aux mensonges colportés sur notre famille. J'étais ce matin en entretien avec les dirigeants du journal et l'affaire semble sur le point de se régler.

— Et Tess Lawrence ?

Cette question m'avait brusquement échappé. Camilia me jeta un regard appuyé. Les yeux plissés, elle examinait ma question. Des regards surpris à peine voilés furent échangés tout autour de la table. Peter, la tête baissée, se frottait le front.

— Mutée. Elle sera affectée à un nouveau poste, en Europe.

Camilia marqua une pause puis claqua sa langue contre son palais avant de déclarer :

— Elle a voulu jouer, elle a perdu !

Elle me fixa quelques secondes avant de revenir sur ses enfants. Sur un ton plus léger, elle demanda :

— Chez qui se fera la veillée de Noël, cette année ?

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant