Chapitre 12-3

8.1K 667 58
                                    

Je détournai la tête et décidais enfin à le regarder. Yeraz était dans un sale état tout comme moi. Assis, l'un en face de l'autre, nous étions trop épuisés pour continuer la bataille.

— Nous avons saccagé le magasin. Le propriétaire va être furieux.

Inquiète, je regardai le sol recouvert de peinture. Je culpabilisai d'avoir commencé ce carnage.

— Les dommages et intérêts qui lui seront transmis couvriront les frais et bien plus, ne t'en fais pas pour ça.

— Des fois, j'ai presque l'impression que tu n'es pas une si mauvaise personne, même si...

Je laissai ma phrase en suspens quand ses yeux vinrent se planter dans les miens. Une tristesse mélancolique passa dans son regard, promptement remplacé par une résolution de fer.

— Tu ressembles à Marge Simpson avec ce jaune qui dégouline sur toi.

Je clignai des paupières avec un demi-sourire sur les lèvres. Pour la première fois, je voyais l'enfant en lui. Il ne paraissait plus effrayant dans cet état. Je répondis en faisant mine d'être offensé par sa remarque :

— Et toi, tu ressembles à Stitch, l'animal de compagnie de Lilo, le monstre extraterrestre.

Il eut un frais éclat de rire et je me mis à rire aussi avant de déclarer :

— Je dois rentrer prendre une douche.

J'avais pris ma voix la plus douce pour l'amadouer. Yeraz secoua la tête. Il semblait partagé à l'idée de me laisser partir.

— Tu la prendras chez moi !

Son ton tranchant ne laissait pas de place à la négociation.

— Pourquoi as-tu tellement besoin que je sois là ?

— Je ne sais pas, murmura-t-il sans me regarder. Il y a tellement de fantômes qui m'entourent. Ils s'en vont quand tu es près de moi.

Ses paroles me laissèrent bouche bée.

— Écoute, Ronney. Viens t'installer chez moi, je te promets de te laisser de l'espace et de bien te traiter.

Il hésita un instant avant de poursuivre :

— Pose-moi tes conditions et je les accepterais.

J'étais au pied du mur. Yeraz m'offrait là une opportunité de négocier, chose rare quand on connaissait un peu cet individu. Je sentais sur moi, le regard suppliant de Camilia pour me demander d'accepter cette proposition. D'un autre côté, j'avais l'impression que des liens se resserraient autour de mes poignets. Yeraz ne me lâchait pas du regard et tentait d'atteindre mes pensées, mais je les défendais.

— Pourquoi hésites-tu, Ronney ?

Je rejetai ma tête en arrière avant de répondre :

— J'ai l'étrange impression de passer un pacte avec le Diable.

Il sourit et sa beauté s'en trouva confirmé.

— Pourquoi n'essaierais-tu pas ? Il n'y a pas que du mauvais chez lui.

Je secouai la tête.

— Je préfère de loin son rival.

Yeraz poussa un petit soupir méprisant.

— Le vieux monsieur ? Lui, il ne t'apportera rien juste des illusions. Le Diable est moins silencieux. C'est peut-être un génie du mal, mais il reste un génie. Qu'est-ce que les anges, l'univers ou le vieux monsieur t'ont apporté dans ta vie ? Dis-moi.

Un éclair passa dans ses yeux. Il inclina la tête. Je compris à sa voix qu'il attendait en toute sincérité une réponse de moi.

— L'impression d'être une bonne personne.

Yeraz répondit après un silence de quelques secondes :

— Tu n'as pas une très bonne opinion de moi, je le sais. Pourtant, je ne fais que défendre les intérêts de milliers de personnes. Ce n'est que du business, rien de plus.

Je sentais que ça lui coûtait un effort surhumain de garder une voix posée et égale.

— Ce n'est pas moi qui cohabite avec des fantômes, rétorquai-je acide.

Mécontent, Yeraz tourna la tête. Je regrettai mes paroles.

— D'accord, murmurai-je.

Un long soupir lui souleva la poitrine. Il paraissait soulagé.

— Mais il faudra que tu te livres plus à moi. Je veux apprendre à connaître l'autre Yeraz, celui qui arrive à me faire rire.

Pour la première fois, je vis le haut de ses oreilles rosir. Mal à l'aise, il baissa la tête et fixait le sol.

— Plus d'armes contre moi ni aucune insulte à mon encontre.

— Pour l'arme, j'avais pourtant eu l'impression que tu avais aimé.

Yeraz esquissa un petit sourire, le regard toujours baissé. Mon pouls s'accéléra. Honteuse, je chassai le souvenir de la veille.

— Yeraz, je ne veux plus avoir peur de toi.

Il releva doucement la tête. Son regard noir, intense vint se planter dans le mien. Je refoulai l'envie soudaine de m'approcher de lui.

— Je ne le veux pas non plus. Ce n'est plus ce que je souhaite.

— Donc, tu ne veux plus que je démissionne ?

Yeraz grimaça. Se confier à quelqu'un paraissait être si difficile pour lui.

— Je ne crois pas. Je n'aurais jamais dû passer tous ces week-ends auprès de toi, Ronney. Tout ce temps...c'est... Maintenant, les choses sont différentes.

Je perçus une certaine douceur dans sa voix teintée de regrets. Nous nous dévisageâmes en silence avant que la sonnerie de mon téléphone vienne troubler cet instant si irréel. Je venais de recevoir un message de Camilia.

— Ta mère veut me voir en fin d'après-midi.

Yeraz, le visage grave, se leva en poussant un soupir.

— Elle veut sûrement savoir s'il y a quelques choses entre nous.

— Est-ce le cas ? me hasardai-je.

— Bien sûr que non !

Cette pensée semblait le réconforter. Prise de honte, je restai clouée au sol. Sans transition, Yeraz m'aida à me relever tout en me disant qu'Isaac était déjà à mon appartement pour prendre mes affaires et qu'il avait encore beaucoup de travail, aujourd'hui. Je décidais de suivre cet homme avec la sensation qu'à cet instant tout m'échappait. C'était fini, je ne pouvais plus faire marche arrière.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant