Timothy et moi avions travaillé toute la journée d'arrache-pied et je voyais enfin le week-end arriver. Oui, dans moins de deux heures j'éteindrais ce foutu téléphone et serais loin de Yeraz que j'avais à peine vue cette semaine, mais dont l'ombre menaçante me suivait partout. Il me faudrait des années pour vaincre cette peur que j'avais de lui.
— Tenez, Ronney, nous l'avons bien mérité.
Assise en bas des marches des escaliers, Timothy me tendit un verre de vin rouge que je m'empressai d'avaler d'une traite.
— Comment arrivez-vous à rester ici ? Moi, je rêve de m'enfuir et de ne jamais revenir dans cette maison.
Mon assistant rit d'un air entendu avant de me répondre :
— Pour la même raison que vous : le salaire. On se dit toujours qu'on va partir et puis on finit par rester. Vous vous habituerez, Ronney.
— Je ne pense pas. Il est tout ce que je déteste. J'ai l'impression que son rêve est de m'enterrer dans le parc, derrière la maison, au milieu d'autres corps, bredouillai-je dans une veine tentative de sarcasme.
Mon assistant respira un grand coup. Ses traits se durcirent.
— Donc, vous aussi vous allez jeter l'éponge, comme tous les autres.
— Non, pas moi, Timothy. Camilia a de quoi me tenir ici, elle l'a bien compris et puis je ne risque pas de coucher avec son fils, moi. Nous nous écœurons l'un et l'autre.
— Vous êtes le dernier vatout de Camilia. Dans quelques mois, Yeraz sera libre de ses chaînes et actionnaires majoritaires de toutes les affaires de son défunt père. Vous et moi, nous serons mis à la porte. Trinquons à ça.
Mon assistant se resservit un verre. Nous étions seuls dans la maison comme la plupart du temps. À l'inverse des membres de sa famille, le fils aîné ne s'encombrait pas de personnel.
— Timothy, pourquoi Yeraz et son frère Hadriel ne s'entendent-ils pas ?
Mon assistant hésita un instant à me répondre :
— Le boss a couché avec la fiancée de son frère quelques jours avant leur mariage. Je pense que c'est une raison suffisante pour lui en vouloir.
— Vous parlez de la mannequin russe ?
— Oui. Hadriel a annulé le mariage. Je ne vous dis pas l'ambiance qui régnait au sein de ses murs les jours qui ont suivi cette annonce.
Mes traits se décomposèrent. Yeraz n'avait rien d'humain en lui, c'était un être sans foi ni loi. Je me rappelai alors que je devais terminer de rédiger le compte rendu de la réunion de lundi. Il me restait à peine deux heures avant mon entrevue avec Camilia.
— Pouvez-vous me laisser, Timothy ? J'ai besoin de me retrouver seul un moment.
Le jeune homme rejeta sa mèche rousse en arrière avant de se lever. Je le regardais battre doucement en retraite vers le salon avec un coup d'œil curieux en ma direction avant de disparaître. Je partis chercher mon calepin dans mon sac, posé sur le meuble de l'entrée, puis me remis dans ce travail fastidieux et ennuyeux de rédaction qui commençait enfin à prendre forme.
— Timothy, criai-je en rangeant précipitamment toutes mes affaires. Appelez-moi un chauffeur, je suis en retard. Camilia m'attend.
Le nez plongé dans mes notes je n'avais pas vu le temps passé. Encore sous le choc de ce que j'avais entre les mains, je n'arrivais pas à me décider si je devais rendre ce rapport à la mère de Yéraz. C'était un sujet brûlant. Il n'y avait plus aucun doute possible, j'avais infiltré le réseau des plus grands mafieux et criminel de Sheryl Valley. Impossible d'expliquer la terreur que je ressentais à ce moment-là. Une peur suffocante mêlée à un sentiment de certitude. Je devais partir, m'enfuir, m'éloigner le plus loin possible de cette famille.
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Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]
RomanceRonney est une jeune femme introvertie au physique disgracieux. Elle vit très modestement dans un des quartiers les plus pauvres de Sheryl Valley, une ville gangrénée par la mafia au sud de la Californie. Sans diplôme, elle travaille dur dans le res...