Chapitre 9-3

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Nous traversâmes, avec le petit groupe de la sécurité, les jardins luxuriants de ce Palace aux détails exquis. Il était un peu isolé de la station balnéaire, mais comblait toutes les attentes des clients mêmes les plus exigeants. Tout était immense à l'intérieur de l'établissement en commençant par le hall d'accueil, les couloirs, puis les piscines.

J'étais soulagée de retrouver Lucas...vivant. Son œil au beurre noir et sa lèvre coupée témoignaient d'un passage à tabac sévère. Je m'en voulais tellement.

Nous montâmes au dernier étage du Palace, dans des cabines transparentes avec une vue imprenable sur la mer de Cortez. Ces installations modernes renforcées d'une technologie de pointe donnaient une touche raffinée à ce lieu que j'aurais trouvé enchanteresse dans d'autres circonstances.

La suite élégante, étonnamment vaste avec des meubles cossus donnait un charme à la fois ancien et moderne à la pièce.

Stratégiquement, je me plaçai à côté de la porte, contre le mur, juste à côté d'une commode en chêne sombre. Lucas rentra tête baissée d'un pas hésitant et se plaça près de moi. Yeraz se tourna vers son équipe composée de cinq hommes et leur adressa quelques mots en arabe. Les hommes sortirent de la chambre pour nous laisser seuls. Yeraz enleva ses lunettes et décrocha vers Lucas un regard peu amène.

— As-tu volontairement éteint ton téléphone ?

— Non, boss, la batterie était à plat.

Yeraz se mit à arpenter la pièce d'une démarche rigide. Lucas quant à lui gardait toujours la tête tournée vers le sol.

— Je n'ai plus besoin de toi, ici. Tu rentres à Sheryl Valley.

Lucas, accablé par la frustration, hocha la tête en murmurant :

— Oui. Je vous adresse mes plus sincères excuses. Ça ne se reproduira plus.

Yeraz se pinça les lèvres et laissa partir le jeune homme dans un silence lourd. Avant de sortir de la chambre, Lucas me jeta un petit regard désolé avant de baisser à nouveau la tête. Je déglutis. C'était à mon tour. J'aurais voulu à cet instant me séparer de mon corps ou bien tomber dans un profond coma au lieu de devoir affronter cet homme qui se tenait droit devant moi en me fusillant du regard. Appuyée contre le mur, j'étais incapable d'esquisser un seul mouvement.

— Pourquoi passes-tu ton temps à faire le contraire de ce que je te demande ?

Yeraz s'approchait dangereusement de moi. Dans son costume noir, il incarnait à la fois la beauté et l'opulence.

— Je ne savais pas que ça serait aussi grave, murmurai-je apeurée. Je n'ai pas réfléchi sur le coup.

— Cette île regorge de requin et quand je dis "requin", je ne parle pas de l'animal aquatique.

Ses mains allèrent chercher son arme à l'arrière de son pantalon, puis il la posa sur la commode, à côté de moi.

— Je resterai à ma place, la prochaine fois. Je comprends que je t'ai fait perdre ton temps, mais si tu ne m'avais pas emmené, nous n'en serions pas là !

Je n'avais pas voulu ajouter ces derniers mots à voix haute, mais ça m'avait échappé. Je notai une fugitive expression de surprise sur son visage. Je détournai mon regard de ses prunelles intense pour le poser sur l'arme. C'est alors qu'une effroyable idée me traversa l'esprit. Il suffisait que je la prenne et que je lui tire dessus en veillant à bien viser. J'expliquerais mon geste par de la légitime défense. Et ensuite ? Qui appellerai-je en premier ? Les secours ou Camilia ? Je serais sûrement mise sous protection judiciaire toute ma vie pour avoir descendu un membre à la tête d'une des plus puissantes mafias au monde. Seigneur ! Ma tête serait mise à prix. Combien pouvait-elle valoir ? Des milliers de dollars ? Des centaines de milliers de dollars ? Je secouai la tête pour empêcher mes pensées de divaguer encore plus loin dans ma réflexion. Je ne sais pas comment, mais Yeraz lut à ce moment dans mon esprit. Il déclara à voix basse :

— Il est toujours chargé et je suis assez proche de toi pour que tu ne rates pas ton tir. Peu de gens ont osé braquer une arme sur moi et ceux qui ont essayé ne sont plus en vie pour en témoigner. Crois-tu vraiment que j'ai peur de la mort alors que je la tutoie depuis mes premiers pas ? Je m'endors et me réveille au creux de ses bras.

— Si vous ne craignez pas la mort, de quoi avez-vous peur ?

— La peur ce sont des chaînes qui nous entravent et nous empêchent d'avancer.

— Nous avons tous peur de quelque chose.

Une soudaine expression de fureur crispa ses traits. Je l'examinai d'un regard rempli de crainte et de mépris, puis ajoutai :

— Tu as rassemblé une armée d'homme pour me retrouver. Qu'as-tu ressenti durant toutes ces heures passées à me rechercher ?

— Une envie de meurtre, riposta Yeraz avec un sourire froid.

Il laissa passer un instant pour s'assurer que j'avais bien compris ses paroles.

— J'en veux au monde entier, Ronney, tu ne pourras jamais changer ça. Jusqu'ici, j'ai passé mon temps à flirter avec les tentations du Diable et ça me suffisait.

Je vis dans le frémissement de ses lèvres comme une douceur sous la colère. Le voile qui recouvrait ses prunelles venait de se lever pour m'offrir un regard rempli de délicatesse. Mon souffle se coupa. Je refusais de m'avouer que j'étais incontestablement attirée par cet homme tourmenté par ses démons intérieurs et miné par la douleur. À cet instant, son visage était si près du mien que je sentais son souffle caresser mon visage.

— De quoi ai-je peur ? Des vendredis soir, quand tu pars et que je n'ai plus de garde fou pour m'empêcher de charger cette arme.

Mon cœur battait à tout rompre. Ma respiration se faisait plus rapide. Dans ma tête c'était le chantier. Je laissai Yeraz poser sa joue contre la mienne et respirai son odeur en fermant à demi les paupières. Sa barbe, rasée au raz de sa peau, me picotait la peau. Sans réfléchir, je levai ma main devant moi pour le toucher, mais je ne brassai que de l'air. Quand je rouvris les yeux, il avait disparu, l'arme aussi. Haletante, je me laissai tomber au sol. Il me fallut de longues minutes pour calmer mon pouls, mais aussi pour que ma tête arrête de tourner.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant