Chapitre 11-2

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Je triai à l'entrée de l'appartement, les prospects en papier glacé d'agence immobilière et des pizzerias qui proposaient les livraisons à domicile. Je gardais les brochures commerciales pour plus tard. À l'intérieur, des coupons de réductions pourraient nous servir pour les courses.

— J'ai déposé le courrier sur le buffet, criai-je pour que Bergamote et Alistair m'entendent.

Un doux air de jazz flottait dans l'appartement. Avec un signe de tête, j'invitai Caleb à me suivre dans ma chambre. En passant devant la cuisine, j'aperçus Bergamote qui préparait des quiches pour les donner plus tard aux familles les plus démunies de notre quartier. C'était son rituel du jeudi soir.

Ma colocataire sursauta dans son tablier rose en me voyant. Visiblement, elle ne m'avait pas entendu entrer. Un grand sourire illumina son visage avant de se faner brusquement en apercevant Caleb à mes côtés. Bergamote m'interrogea du regard, le sourire crispé.

— Caleb est juste passé me voir pour me parler de la prochaine réunion de famille.

— Juste ?

Les lèvres pincées, elle hocha la tête et dans un effort ajouta :

— Resterez-vous pour diner ?

— Non, merci. Je ne fais que passer.

Bergamote parue satisfaite de la réponse. Avant de se remettre à sa cuisine, elle m'avertit du regard de ne pas me faire avoir avec cet homme.

— Où est Alistair ?

Bergamote releva ses yeux sur moi avant de répondre :

— C'est jeudi soir. Il est au café du coin, à sa partie de bridge.

Je ne m'attardai pas dans la cuisine et la laissai finir ses plats.

Dans ma chambre, Caleb referma la porte derrière lui. J'enfouis mes mains dans les poches arrière de mon baggy et attendis qu'il prenne la parole. Mal à l'aise, il passa une main dans ses cheveux et les ébouriffa nerveusement.

— Écoute, Ronney. Je n'espère pas que tu me pardonnes pour ce que je t'ai fait. Je sais que Carolina et moi t'avons trahie, mais une partie de moi reste très attachée à toi.

Mon cœur cognait fort, très fort dans ma poitrine. Le moment que j'avais tant attendu, tant espérer était enfin arrivé.

— C'est moi qui l'ai quitté, continua Caleb. Carolina est une jolie fille, mais quand on gratte un peu, on s'aperçoit que ce n'est pas une si belle personne.

J'ouvris la bouche, mais Caleb leva sa main devant lui pour me supplier de le laisser poursuivre.

— Giovanni a l'air d'être quelqu'un de bien. Il y a quelque chose entre vous, ça crève les yeux, mais il semble si autoritaire. J'avoue qu'il peut foutre la trouille à certains moments.

Je baissai les yeux. Comment lui dire qu'il avait raison à propos de Yeraz et qu'il n'était pas en réalité mon petit ami ?

— Penses-tu vraiment que c'est l'homme qu'il te faut ? Qu'il est honnête ? Que ses attentions envers toi sont bonnes ?

Je voulais crier "non" à toutes ses questions, mais aucun son ne franchit mes lèvres. Pire, elles restèrent scellées. Caleb profita de mon étrange silence pour prendre le dessus sur Yeraz.

— Je ne doute pas de ses sentiments pour toi. C'est un homme riche qui pourra t'offrir tout ce que tu désires, mais je te connais, l'argent n'est pas ce qui te fait vibrer.

Je sentis cette sorte de boule se durcir en moi, combinant rancœur et tristesse. Pendant un instant plana un silence contraint, tendu, avant que je me décide à réagir à ses paroles :

— J'avais des rêves et des espoirs pour nous.

Ma voix faible laissait entrevoir toute la douleur que je gardais de notre rupture. Caleb esquissa une moue chagrinée.

— Je t'attendrai, Ronney. Réfléchis à ce que tu veux, à ta relation avec Giovanni. Sache que j'éprouve de profonds regrets.

Le bruit d'une portière qui claqua à l'extérieur attira mon attention. Je gagnai la fenêtre et regardai la rue en contrebas. Dans l'obscurité, les passants n'étaient que des silhouettes sombres. Pas de trace de la berline noire ni de Yeraz.

— Tout va bien ? Tu attends quelqu'un ?

Je me retournai vers Caleb et tentai d'adopter l'attitude la plus décontractée possible.

— Oui, non. Je guette l'arrivée d'Alistair.

Caleb partit s'asseoir à mon bureau et observa ma chambre avec un sourire rêveur.

— Te souviens-tu de cette journée où il avait plu des trompes d'eau ? On était resté à ton appartement, à regarder de vieux films de Charlie Chaplin.

Je hochai la tête, puis partis m'asseoir au bord de mon lit.

— Tu fais ça aussi avec Giovanni ? se hasarda Caleb.

Il m'observait attentivement. Un silence s'étira. Je me redressai.

— Non, nous faisons autre chose.

— Oui, comme partir à Los Cabos. J'imagine que c'est bien mieux que de rester coincé ici, à regarder des films en noir et blanc.

Caleb avait prononcé ces mots avec une once d'amertume dans la voix.

— Il travaille beaucoup, la plupart du temps. Ce n'est pas une relation facile.

C'est une relation toxique, pensai-je au fond de moi. Caleb se leva et vint me rejoindre. Nous étions face à face. J'avais l'impression qu'il pouvait entendre les battements de mon cœur tellement que celui-ci tapait fort en dessous de mon tee-shirt. Sa main caressa ma joue puis son visage se rapprocha doucement du mien.

Lorsque nos lèvres se touchèrent, je fermai les yeux pour savourer ce moment. C'est alors que je vis le visage de Yeraz apparaître dans mes pensées. Ses yeux d'un noir profond, les traits de son visage parfait et ce sourire cruel qu'il m'adressait quand je refusais de lui obéir. J'essayais de me concentrer sur Caleb, mais je trouvai ses baisers fades, d'un coup. Ils ne provoquaient plus rien en moi. Il n'y avait plus aucune passion, aucune envie de sentir sa main se poser sur moi. Je réalisai que je ne ressentais plus rien pour lui. J'étais guérie. Je m'étais accrochée pendant des mois à des souvenirs et à de belles illusions. Je m'écartai et plongeai mes yeux dans les siens avant de déclarer à voix basse :

— Je ne peux pas. Tu dois tourner la page.

— Donc, c'est Giovanni ?

Silence. Caleb se recula en se pinçant les lèvres. Ses yeux parcourent ma chambre avant de revenir sur moi.

— C'est de ma faute, j'ai tout foutu en l'air. Je m'en suis rendu compte à l'instant où je t'ai vu avec Giovanni, la première fois, à cette cousinade. C'est bien fait pour moi !

Caleb leva son visage vers le plafond et ferma ses paupières de toutes ses forces.

— Adieu, Ronney.

Les larmes me montèrent aux yeux à l'idée de devoir laisser partir mon premier amour. J'espérais ne pas le regretter plus tard. J'aurais au moins vécu une vraie histoire avec un homme, une chance inespérée pour une fille comme moi. Pourquoi ce maudit cœur n'écoutait-il pas ma raison ? Ce fut la dernière fois que je vis Caleb. Le lendemain, il quittait Sheryl Valley pour s'installer en Europe.

Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant