Ugly Ronney T1 : mafia romance [Français]

Chapitre 17-3

À l'arrière de la cuisine, je me servis une part de tarte avec de la salade. Bientôt, je devrais rejoindre Bergamote et Alistair à l'arrêt de bus, à côté de chez nous pour aller voir Daphné et les autres danseuses se produire sur scène. Un moment que j'attendais depuis des mois.

Je n'avais pratiquement rien avalé de la journée. Mon premier rendez-vous chez Taylor, à l'autre bout de la ville, m'avait pris beaucoup de temps. Il avait refait le moulage de mes dents et aussi passé quelques examens complémentaires. Ça me tirait fort sur la mâchoire, ce soir-là, mais peu m'importait. L'espoir d'enlever cet appareil dentaire dans un mois me donnait le courage de supporter la douleur.

— Alors, Ronney, on sort ce soir ?

Merde, cette peste de Gabriella venait d'entrer dans la cuisine, suivie de Carolina. Je fis oui de la tête sans les regarder. Elle posa son seau rempli d'eau à côté de moi et ajouta :

— Nous sommes là à suer pour arranger le restaurant pendant que toi, tu pars t'amuser avec les vieux !

Carolina émit un petit rire mauvais au commentaire de sa cousine, puis avec ses doigts vint se servir directement dans mon plat. Je poussai l'assiette, l'appétit venait subitement de me quitter. Gabriella prit alors la serpillère mouillée dans le seau et me la jeta sur mes vêtements. À son contact, je laissai échapper un petit cri.

— Ça ne va pas ! protestai-je. Je suis trempée.

— Ferme-la ! intervint Carolina d'un ton acerbe. Nous n'avons pas non plus renversé le seau sur toi.

Gabriella renchérit :

— Et puis, ce n'est pas comme si tu étais habillée avec une robe haute couture. Enfin, regarde-toi, ce pantalon trop large est affreux.

Je tentai de m'essuyer un peu, mais sans résultat. J'espérais que mes vêtements sécheraient sur le trajet. Carolina se pencha sur moi.

— Ta mère nous demande de sortir la viande et les desserts pour commencer à préparer le diner.

— Dans la chambre froide, grommelai-je en partant récupérer mon sac sur la table centrale, derrière mes cousines.

— Merci, ugly Ronney, répondit Carolina en prenant soin d'articuler chaque mot.

Elles partirent au fond de la cuisine en ricanant comme des hyènes.

— Il faudrait grandir un peu ! murmurai-je pour qu'elles ne m'entendent pas.

J'allais partir, mais une idée me vint en tête. Non, me souffla ma bonne conscience. Vas-y me dit la mauvaise, laisse la méchante Ronney se venger.

Je me tournai pour regarder au fond de la cuisine, vers la chambre froide. Une excitation monta en moi, mon pouls s'accéléra. Je balayai l'endroit des yeux. Il n'y avait personne. Après avoir laissé tomber mon sac à terre, je partis à tâtons au fond de la cuisine. Plus j'approchais de la chambre froide, plus j'entendais clairement le son de leurs voix, leurs rires si insupportables.

Devant les lourdes portes entrouvertes, je pris une grande inspiration et fermai les yeux. Toutes ces moqueries, ces mots, ces persécutions, faisaient monter en moi une colère trop longtemps retenue. Quand je rouvris les paupières, je refermai brutalement les portes sur Gabriella et Carolina. Les rires firent place aux cris.

— Ronney, Ronney, sors-nous de là ! Nous sommes enfermées.

Entendre leurs jérémiades me procura un sentiment de plaisir jamais égalé.

— Ronney, tu nous entends ? Tu es là ?

J'approchai mon visage de la porte et criai :

— Allez tous vous faire foutre !

En sortant de la cuisine, j'affichai un visage faussement innocent en gardant pour moi ce qui venait de se passer. Je franchis les portes du restaurant, un sourire triomphant sur les lèvres.

Nous descendîmes l'allée où se trouvait, plus bas, la plus grande salle de spectacle de Sheryl Valley, en riant à gorge déployée. Alistair et Bergamote n'arrivaient toujours pas à se remettre de l'histoire que je venais de leur raconter dans le bus au sujet de mes deux cousines.

— Bien joué, Ronney ! dit Alistair.

Il remit son chapeau en place et enroula son bras autour de Bergamote qui hocha la tête à défaut d'arriver à parler tellement elle était prise, elle aussi, d'un grand fou rire.