Chapitre 9: Partie 2

2K 231 35
                                    

Bonne Lecture ~♡  


On s'assied sur la moquette, à côté de son lit.

- Bon, tu en es où? se risque-t-il en enlevant ses bottes de cuir vieilli.

- Commençons par toi plutôt, demandai-je en fixant mes baskets blanches sur la moquette grise.

Faudrait que j'en achète d'autres...

- C'était horrible, dit-il tout d'abord avant de faire une pause. J'étais censé y rester deux semaines, mais ça n'a pas du tout marché...

Je le regarde, il a l'air stressé.

- Ça s'est prolongé à n'en plus finir, expliqua-t-il, ils ont tout testé pour que je ne sois pas en manque, mais, même maintenant, je meurs d'envie d'en reprendre.

L'aveu est dur et je me rends compte qu'il stagne tout autant que moi. Il semble névrosé et ça ne m'étonne qu'à moitié.

- Nos parents m'ont dit, qu'ils me vireraient au prochain écart et je crois bien que c'est tout ce qui m'empêche de ressombrer. Je suis en manque constant, souffle-t-il.

Ils menacent donc Sean lui aussi, de le jeter à la porte...

- Ça a commencé quand ?

- A l'université, répond-il en me regardant finalement. Au lycée déjà, je buvais, mais la drogue est venue à l'université. C'était monnaie courante et le problème c'est que plus le temps passait et plus j'avais ce besoin... J'avais besoin de toujours plus, de toujours plus fort... Une espèce de cercle vicieux.

Il remonte ses manches et je vois des traces de piqûres.

- Cannabis, GHD, rachacha, LSD, kétamine, puis l'héroïne, je m'en fichais du moyen d'administration, j'avais juste besoin de ma dose et j'ai commencé à saisir... "Voilà où j'en suis", rit-il ironiquement, un espèce de toxico raté.

Je mets une de mes mains sur la sienne. On est devenus pervers, on cherche la popularité, le conformisme, la reconnaissance, le plaisir, n'importe quoi qui nous distrait de nos conditions d'animaux.

- Mais j'imagine que je vais réussir à arrêter, ça fait un mois que j'ai rien pris. C'est juste assez difficile de devoir regarder les choses en face.

Cette phrase nous résume autant l'un que l'autre, deux galériens confrontés à leurs destins.

- Tu vas réussir, il n'y a pas de raison, l'encourageai-je en effectuant une légère pression sur ça main. Et maintenant?  Tu vas faire quoi ? Je veux dire, tu vas retourner à l'université ?

- C'est ce que nos parents veulent, mais j'en ai plus rien à cirer, moque-t-il en souriant bêtement. Je pense que je vais déserter, j'ai rencontré un gars au centre de désintox, il m'a proposé d'aller chez lui et je pense que c'est ce que je vais faire.

- Où vit-il ? hallucinai-je partagée entre le choc et la déception.

- Baltimore, c'est pas vraiment loin, mais ça me permettrait de ne plus être dépendant de nos parents et d'essayer de faire quelque chose de ma vie, explique-t-il d'une voix pleine d'espoir. Ce serait sympa de réussir à faire les choses de moi-même sans agiter mon porte-feuille sous le nez des gens...

- Tu n'as pas peur de la réaction de nos paternels?

- Non, et puis sérieusement, rester ici signifie reprendre des études dont je n'ai franchement rien à ficher, et ça c'est hors de question, annonce-t-il une pointe de dégoût perçant dans sa voix à l'évocation des diktats de nos parents. Ne fais pas comme moi, ne laisse pas nos parents te dicter ton orientation, j'ai perdu bientôt trois ans à faire des choses que je n'appréciais pas et à m'échapper avec la drogue et l'alcool. Tu peux clairement être sûre que ça ne te mènera à rien de juste faire ce qui leur fait plaisir. Ils veulent seulement créer des minis eux prêt à conquérir le monde moderne...

- Mais on n'a pas vraiment le choix si ? supposai-je le regard dans le vide, ils m'ont menacée de me virer au prochain écart moi aussi.

- Prends les devants. Dès que tu le peux démerde-toi pour filer et faire ce qui te plaît vraiment et puis je suis derrière-toi, me rassure-t-il.

- J'ai une fiche d'orientation à rendre dans une semaine, annonçai-je contrite.

- Renseigne-toi sur les universités qui te plaisent le plus et file-la, au pire des cas ne te présente pas à la rentrée.

Le silence s'installe.

- Pendant ces vacances prends le temps de te découvrir... Je sais pas vraiment ce que tu peux faire de plus, réfléchit-il.

***

Le soir, dans mon lit, je continue de penser.

Assaillie par les idées, je me résous à ce qu'a proposé Sean. Je vais écrire le noms de plusieurs universités et prier pour trouver ma voie pendant les vacances.

La semaine passe, j'ai peur. Je donne le papier et l'après midi, Tobias et moi allons nous occuper des animaux du refuge. Alors que je coupe les poils d'un petit caniche, John vient me parler.

- Scarlett ? interpelle-t-il doucement, comme pour ne pas déranger.

- Oui ? répondis-je interloquée en lâchant la paire de ciseaux.

- J'aimerais parler avec toi si tu le veux bien, dit-il étrangement.

Nous allons dans la petite cuisine aménagée et je le vois sortir une feuille. Je ne la reconnais pas au premier abord, mais ce n'est autre que plusieurs morceaux scotchés les uns aux autres.... La liste d'universités que j'ai jetée.

- Je me mêle certainement de quelque chose qui ne me regarde pas, mais il me semble que ce papier est assez important,sous-entend-il doucement.

- Je, oui, assez... bégayai-je en la prenant.

- Scarlett, je vois bien que tu es très angoissée ces temps-ci, se risque-t-il. Tu sais, tu peux m'en parler, je ferais tout ce qui m'est possible de faire pour toi.

Je le regarde, mon cœur se réchauffe.

- Je sais, mais ne t'en fais pas le problème est réglé, j'ai donné un exemplaire à mon lycée... prise d'un élan de confiance je lui avoue, je ne sais pas vraiment ce que je veux faire...

Il se tait un instant et me regarde.

- Scarlett, ne t'en fais pas pour cela ! Tu sais, je ne savais pas ce que je voulais faire de ma vie avant mes cinquante ans ! s'exclame-t-il.

- Comment as-tu trouvé ? l'interrogeai-je curieuse en baissant les yeux sur mes mains.

- Grâce à ma femme, nous sommes venus ici, deux petits polonais à New-York, rigole-t-il les yeux dans le vague. Elle aimait les animaux donc nous avons monté cette association, c'était une de ces amoureuses des bêtes, il sourit doucement et je ressens tout l'amour qu'il lui porte. Je n'aimais pas spécialement les animaux, mais j'étais éperdument amoureux de cette jeune fille. L'entreprise a tout d'abord très bien marché, puis la quarantaine est arrivée en même temps qu'un cancer, dit-il alors que son regard s'éteint. Elle est morte après cinq ans de lutte et il m'en a fallu cinq autres avant de saisir que la seule chose qu'elle m'avait laissée, était cet abri.

DrownedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant